Imaginez un monde où vos articles, fruit de mois d’investigation et de rédaction, se retrouvent repris mot pour mot par un outil en ligne, sans que vous touchiez le moindre centime. C’est exactement ce que reproche le New York Times à Perplexity, cette startup qui ambitionne de révolutionner la recherche avec l’intelligence artificielle. Ce procès, déposé en décembre 2025, marque un tournant dans la bataille entre les géants des médias et les innovateurs de l’IA.

Perplexity face à la justice : un conflit emblématique pour l’IA

Le dépôt de plainte du New York Times contre Perplexity n’est pas un événement isolé. Il s’inscrit dans une série de tensions croissantes entre les éditeurs de presse et les entreprises développant des modèles d’intelligence artificielle. Perplexity, valorisée à plusieurs milliards de dollars, propose un moteur de recherche augmentée qui synthétise les informations du web pour répondre aux questions des utilisateurs de manière fluide et naturelle.

Mais voilà, selon le prestigieux journal américain, cette technologie repose sur une pratique contestable : l’utilisation massive de contenus protégés sans autorisation ni compensation. Le procès accuse explicitement Perplexity de substituer ses propres produits aux sources originales, privant ainsi les médias de trafic et de revenus.

Les accusations précises du New York Times

Le cœur du problème réside dans la méthode employée par Perplexity. L’entreprise utilise une technologie appelée retrieval-augmented generation (RAG), qui consiste à explorer le web en temps réel, extraire des informations et les reformuler dans des réponses personnalisées. Pour le Times, cela va trop loin.

Les réponses générées reproduiraient souvent des passages entiers ou des résumés très proches des articles originaux, y compris ceux protégés par un paywall. Pire encore, Perplexity serait capable de contourner ces barrières payantes pour accéder au contenu premium réservé aux abonnés.

RAG permet à Perplexity de crawler internet et de voler du contenu derrière notre paywall pour le livrer en temps réel à ses clients.

Graham James, porte-parole du New York Times

Autre grief majeur : les hallucinations. Comme beaucoup d’outils IA, Perplexity peut inventer des informations et les attribuer faussement au New York Times, ce qui porte atteinte à la réputation du journal et à la confiance de ses lecteurs.

Le contexte plus large des procès contre l’IA

Ce n’est pas la première fois que le New York Times se lance dans une bataille juridique de cette ampleur. Rappelons-nous le procès intenté contre OpenAI et Microsoft, accusés d’avoir entraîné leurs modèles sur des millions d’articles sans permission. Ce dossier est toujours en cours et pourrait créer des précédents importants.

Perplexity, de son côté, fait face à une vague de plaintes. Outre le Times, le Chicago Tribune a déposé une action similaire la même semaine. D’autres médias comme News Corp, Encyclopedia Britannica ou encore Reddit ont également engagé des procédures. La liste s’allonge rapidement.

  • Chicago Tribune (décembre 2025)
  • News Corp (2024)
  • Encyclopedia Britannica et Merriam-Webster
  • Nikkei et Asahi Shimbun
  • Reddit

Ces actions collectives illustrent une prise de conscience : les médias traditionnels refusent de voir leur travail devenir la matière première gratuite d’entreprises technologiques florissantes.

La défense de Perplexity : innovation ou pillage ?

Du côté de Perplexity, on ne se laisse pas impressionner. Jesse Dwyer, responsable de la communication, compare ces plaintes à une longue histoire de résistances face aux nouvelles technologies.

Les éditeurs poursuivent les nouvelles technologies depuis cent ans, de la radio à la télévision, en passant par internet et les réseaux sociaux. Heureusement, ça n’a jamais marché, sinon on communiquerait encore par télégraphe.

Jesse Dwyer, Perplexity

Cette rhétorique évoque le concept de fair use aux États-Unis, qui permet certaines utilisations de contenus protégés sans autorisation, notamment à des fins transformatives. Perplexity argue que ses réponses synthétisées ajoutent de la valeur et ne se substituent pas directement aux articles originaux.

Pour apaiser les tensions, la startup a lancé plusieurs initiatives. Un programme dédié aux éditeurs offre une part des revenus publicitaires à certains partenaires comme Time, Fortune ou Gannett. Une version premium, Comet Plus, reverse même 80 % de ses abonnements aux médias participants.

Les initiatives de Perplexity pour calmer le jeu

Perplexity n’est pas restée les bras croisés face aux critiques. L’entreprise a mis en place plusieurs mécanismes pour tenter de rémunérer les créateurs de contenu.

InitiativeDescriptionPartenaires notables
Publishers’ ProgramPartage de revenus publicitairesGannett, TIME, Fortune, Los Angeles Times
Comet Plus80 % des 5 $ mensuels reversésÉditeurs participants
Accord licensingContrat pluriannuelGetty Images

Ces efforts montrent une volonté de dialogue, mais pour le New York Times, ils arrivent trop tard et ne concernent pas suffisamment les grands acteurs. Le journal préfère visiblement la voie judiciaire pour obtenir une compensation plus substantielle et un arrêt définitif des pratiques contestées.

Pourquoi ce procès pourrait changer la donne

Bien au-delà du cas Perplexity, ce litige soulève des questions fondamentales sur l’avenir de l’information en ligne. Si les tribunaux donnent raison aux éditeurs, les entreprises d’IA pourraient être contraintes de négocier des licences massives, augmentant considérablement leurs coûts.

Inversement, une victoire de Perplexity renforcerait l’idée que la synthèse d’informations publiques relève du fair use, accélérant peut-être l’émergence de nouveaux concurrents face à Google ou Bing.

Les précédents existent déjà. Un récent règlement avec Anthropic, pour 1,5 milliard de dollars, a clarifié que l’utilisation de contenus piratés pour entraîner des modèles constitue une violation claire. Mais pour les contenus légalement accessibles, le débat reste ouvert.

Les accords existants : une voie alternative

Paradoxalement, le New York Times n’est pas opposé par principe aux partenariats avec l’IA. Le journal a signé un accord pluriannuel avec Amazon pour licencier son contenu aux fins d’entraînement de modèles. D’autres médias ont suivi le même chemin.

  • OpenAI avec Associated Press, Axel Springer, Vox Media
  • Accords variés avec The Atlantic, Prisa Media
  • Perplexity lui-même avec certains éditeurs

Ces collaborations prouvent qu’une coexistence est possible quand la rémunération est au rendez-vous. Le procès contre Perplexity semble donc davantage une stratégie de négociation forcée qu’une opposition absolue à l’innovation.

L’impact potentiel sur les startups IA

Pour les jeunes pousses du secteur, ce type de litige représente un risque majeur. Lever des fonds devient plus compliqué quand plane l’ombre de procès coûteux. Perplexity, malgré sa croissance rapide, doit maintenant allouer des ressources importantes à sa défense juridique.

Plus globalement, ces affaires pourraient ralentir l’innovation dans les moteurs de recherche augmentés. Les entrepreneurs devront intégrer dès la conception des mécanismes de licensing ou de citation renforcée pour éviter les ennuis.

Cependant, l’histoire technologique montre que les obstacles juridiques n’arrêtent pas définitivement le progrès. Radio, télévision, photocopieuses, magnétoscopes : chaque innovation a dû affronter des résistances similaires avant de trouver un équilibre économique viable.

Vers une régulation plus claire ?

À long terme, ces conflits appellent une clarification légale. Le cadre actuel du copyright, conçu avant l’ère de l’IA générative, montre ses limites. Des réformes pourraient émerger, définissant précisément ce qui constitue une utilisation transformative acceptable.

En Europe, le Digital Services Act et l’AI Act imposent déjà plus de transparence et de responsabilité. Les États-Unis pourraient s’inspirer de ces modèles pour éviter une cascade de procès interminables.

En attendant, les négociations directes restent la voie privilégiée par beaucoup. Les éditeurs utilisent les menaces judiciaires comme levier pour obtenir de meilleurs termes, tandis que les entreprises IA cherchent à sécuriser leur approvisionnement en données de qualité.

Conclusion : un équilibre à trouver

Le procès du New York Times contre Perplexity cristallise les tensions d’une industrie en pleine mutation. D’un côté, la nécessité de protéger le journalisme professionnel et ses modèles économiques. De l’autre, le potentiel transformateur de l’IA pour démocratiser l’accès à l’information.

L’issue de cette affaire influencera sans doute les pratiques de toute une génération de startups. Mais une chose est sûre : l’innovation et la création de contenu devront apprendre à coexister dans un cadre plus équitable. Le web de demain dépendra de notre capacité à trouver cet équilibre délicat entre progrès technologique et respect des créateurs.

(Article rédigé à partir des informations publiques disponibles en décembre 2025. L’évolution du dossier pourra être suivie dans les mois à venir.)

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Steven Soarez
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