Imaginez ouvrir votre journal préféré et découvrir que quelqu’un le lit gratuitement derrière votre dos, le résume, le revend… et empoche l’argent. C’est exactement ce que reproche le Chicago Tribune à Perplexity AI en ce début décembre 2025.

Jeudi 4 décembre, le célèbre quotidien américain a déposé plainte à New York. Et cette fois, ce n’est pas seulement une histoire de données aspirées pour entraîner des modèles. C’est bien plus vicieux.

Perplexity AI dans le viseur : un procès qui change tout

Depuis deux ans, les éditeurs de presse attaquent les géants de l’IA pour l’utilisation de leurs articles dans l’entraînement des grands modèles. OpenAI et Microsoft en savent quelque chose. Mais le cas Perplexity est différent. Très différent.

Le Tribune ne se contente pas de crier au vol de contenu pour le training. Il pointe du doigt des pratiques bien plus concrètes et quotidiennes : reproduction quasi-verbatim d’articles, contournement de paywall, et exploitation abusive du fameux Retrieval Augmented Generation (RAG).

Qu’est-ce que le RAG, vraiment ?

Pour les non-initiés, le RAG est cette technique miracle censée éviter les hallucinations des IA. Au lieu de répondre uniquement avec ce que le modèle a « appris » pendant son entraînement, l’IA va chercher en temps réel des sources fiables et cite uniquement celles-ci.

Sauf que… pour faire ça, il faut bien accéder aux sources. Et Perplexity, selon la plainte, accède aux articles payants du Chicago Tribune sans payer, grâce à son extension de navigateur Comet.

« Perplexity utilise nos contenus protégés par paywall pour générer des résumés détaillés et quasi-verbatim, sans autorisation ni compensation. »

Extrait de la plainte du Chicago Tribune

Les trois chefs d’accusation qui font mal

  • Reproduction quasi littérale d’articles complets dans les réponses de Perplexity
  • Contournement technique du paywall via l’extension Comet
  • Utilisation non autorisée du contenu comme source RAG privilégiée

Et là où ça devient intéressant : les avocats du Tribune ont testé. Ils ont posé des questions précises à Perplexity sur des articles récents… derrière le paywall. Résultat ? Des résumés ultra-détaillés, parfois copiés-collés à 90 %. Difficile de parler d’« inspiration ».

Perplexity n’est plus seul dans le collimateur

Le Chicago Tribune n’est pas un cas isolé. Rappel des derniers mois :

  • Octobre 2025 → Reddit dépose plainte
  • Novembre 2025 → Dow Jones (Wall Street Journal) attaque à son tour
  • Novembre 2025 → Amazon envoie une mise en demeure (sans aller jusqu’au procès… pour l’instant)

Et n’oublions pas les 17 journaux du groupe MediaNews/Tribune Publishing qui avaient déjà attaqué OpenAI et Microsoft au printemps 2025. Le même groupe revient à la charge, mais avec une cible plus petite et plus agile : Perplexity.

Pourquoi ce procès est historique

Jusqu’à présent, les procès visaient surtout l’entraînement des modèles (fair use ou pas ?). Ici, on entre dans une nouvelle ère : celle de l’exploitation commerciale en temps réel du contenu protégé.

Si les tribunaux donnent raison au Chicago Tribune, c’est toute l’architecture des IA conversationnelles basées sur le RAG qui vacille. Car oui, Perplexity n’est pas seul : Google Gemini, ChatGPT Search, vous et moi… on utilise tous du RAG aujourd’hui.

Mais Perplexity a une particularité : la startup se présente comme « le moteur de réponse » qui remplace Google. Elle met en avant la précision, la citation de sources… et facture même un abonnement Pro à 20 $/mois pour accéder à des modèles plus puissants.

Perplexity : la success-story qui dérange

Rappel des chiffres fous de cette startup fondée en 2022 :

  • Valorisation : 9 milliards de dollars (dernier tour de table)
  • Croissance : de 0 à 10 millions d’utilisateurs en moins de 18 mois
  • Financement : plus d’un milliard levé (SoftBank, IVP, Nvidia…)
  • Equipe : ex-OpenAI, Meta, Google

Aravind Srinivas, le CEO, répète depuis des mois que Perplexity « respecte les robots.txt » et « ne forme pas sur du contenu payant ». Sauf que la plainte prouve le contraire, captures d’écran à l’appui.

Et maintenant ? Trois scénarios possibles

Scénario 1 – Transaction rapide
Perplexity paye une licence (comme OpenAI l’a fait avec certains médias) et l’affaire se règle à l’amiable.

Scénario 2 – Procès long et médiatisé
Les deux parties vont jusqu’au bout. Décision de justice dans 2 à 3 ans qui fera jurisprudence sur le RAG.

Scénario 3 – Effet domino
Des centaines de médias suivent le mouvement. Perplexity (et les autres) doivent négocier des accords globaux… ou changer radicalement de modèle.

Ce que ça change pour vous, entrepreneurs et créateurs

Si vous lancez une startup IA aujourd’hui, ce procès est une alerte rouge.

  • Vos sources RAG doivent être 100 % légales
  • Un paywall contourné = violation caractérisée
  • Les « summaries » trop proches de l’original = plagiarism
  • Le fair use ne couvre (peut-être) plus grand-chose

Beaucoup de fondateurs pensaient que « tant qu’on ne forme pas dessus, c’est bon ». Ce procès prouve que non.

Conclusion : la fin de l’IA gratuite ?

On assiste peut-être à la fin d’une ère : celle où les startups IA pouvaient se servir gratuitement dans le travail des autres.

Demain, soit les IA payent les médias (modèle que défend Perplexity depuis le début, ironiquement), soit elles se retrouvent bloquées par des murs techniques et juridiques infranchissables.

En attendant, le bras de fer continue. Et quelque part, un journaliste du Chicago Tribune doit sourire : pour une fois, c’est l’IA qui tremble.

Affaire à suivre… très étroitement.

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Steven Soarez
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