Imaginez un visionnaire qui rêve de révolutionner le transport avec des véhicules électriques futuristes, tout en promettant de redonner à la société via une fondation caritative. Henrik Fisker incarnait cet idéal, jusqu’à ce que son empire s’effondre. L’histoire de Fisker Inc. et de sa fondation caritative, discrètement dissoute, est un récit captivant d’ambition, d’innovation et d’échec. Plongeons dans cette saga pour comprendre ce qui a mal tourné.
De l’Euphorie des Startups à la Faillite
Dans les années 2020, l’industrie des véhicules électriques (EV) connaît une effervescence sans précédent. Portées par une vague d’optimisme et des financements massifs, des startups comme Fisker Inc. émergent avec des promesses audacieuses. Henrik Fisker, designer automobile de renom, lance son entreprise en 2016, avec pour ambition de rivaliser avec des géants comme Tesla. En 2020, Fisker Inc. entre en bourse via une fusion SPAC, un mécanisme financier alors en vogue, valorisant l’entreprise à des sommets. Mais cette ascension fulgurante cachait des failles.
La fusion SPAC, ou Special Purpose Acquisition Company, permet à des entreprises non cotées d’entrer rapidement en bourse. Si ce modèle a dopé l’essor des startups EV, il a aussi engendré des valorisations gonflées et des attentes irréalistes. Fisker Inc. n’échappe pas à cette frénésie. En 2021, l’entreprise annonce des projets ambitieux, dont un SUV électrique, l’Ocean, censé séduire le marché. Pourtant, dès 2023, des problèmes de production et des défauts techniques plombent les ventes.
En juin 2024, Fisker Inc. dépose le bilan, marquant la fin d’un rêve. Cette chute brutale n’a pas seulement affecté les investisseurs, mais aussi une initiative moins connue : la fondation caritative créée par Henrik Fisker et son épouse, Geeta Gupta Fisker. Ce projet, censé incarner leur engagement social, s’est éteint dans l’ombre de la faillite.
Une Fondation Caritative Éphémère
En 2021, Henrik et Geeta Fisker fondent la Geeta & Henrik Fisker Foundation, avec pour mission de soutenir l’innovation dans des domaines comme la santé, l’éducation et la durabilité. L’annonce, faite en février 2022, met en avant un don initial de 229 000 actions de Fisker Inc., alors valorisées à environ 4 millions de dollars. Ce geste semble généreux, mais il cache une réalité plus complexe.
Les actions transférées à la fondation perdent rapidement de leur valeur. En septembre 2022, elles ne valent plus que 1,7 million de dollars, et un an plus tard, seulement 1,4 million. Cette dépréciation limite drastiquement la portée de la fondation. En trois ans, elle ne distribue qu’environ 100 000 dollars en subventions, principalement à un fonds caritatif de JP Morgan. En décembre 2024, six mois après la faillite de Fisker Inc., la fondation dépose son dernier rapport fiscal, marqué comme « final ».
Notre fondation incarne notre vision d’un avenir durable, où l’innovation profite à tous.
Henrik Fisker, communiqué de presse, février 2022
Cette citation, tirée de l’annonce officielle, contraste avec la réalité. La fondation, loin d’être un pilier philanthropique, semble avoir été un projet secondaire, dépendant de la santé financière d’une entreprise en difficulté. Sa dissolution discrète soulève des questions sur les véritables intentions des Fisker.
Les SPAC : Une Bulle Philanthropique ?
L’histoire de la fondation Fisker reflète une tendance plus large dans l’écosystème des startups EV. À l’époque, de nombreuses entreprises, portées par l’engouement pour les SPAC, créent des fondations pour renforcer leur image. Rivian, un concurrent de Fisker, lance sa propre fondation en 2021 avec 1 % de son capital, soit une valeur initiale de 643 millions de dollars. Bien que cette somme ait diminué, Rivian continue de distribuer des subventions, contrairement à Fisker.
Pourquoi une telle différence ? Rivian, malgré des défis, a maintenu une production et une présence sur le marché, tandis que Fisker Inc. a sombré sous le poids de ses propres ambitions. Les fondations liées à des startups SPAC dépendent souvent de la valeur des actions, un modèle risqué lorsque les cours s’effondrent.
Startup | Fondation | Don Initial | Subventions |
Fisker Inc. | Geeta & Henrik Fisker Foundation | 4M $ (2021) | ~100 000 $ |
Rivian | Rivian Foundation | 643M $ (2021) | 12,2M $ (2024-2025) |
Ce tableau illustre l’écart entre les ambitions philanthropiques et les résultats concrets. Alors que Rivian maintient un engagement modeste mais constant, la fondation Fisker n’a jamais décollé.
Les Dons Controversés : Le Rôle des DAF
Outre la fondation, les Fisker ont fait un autre geste philanthropique en 2021 : un don de 1,9 million de dollars en actions à un Donor-Advised Fund (DAF). Ces fonds, populaires parmi les entrepreneurs, permettent de donner tout en conservant un contrôle sur la destination des fonds, souvent avec des avantages fiscaux. Cependant, leur opacité suscite des critiques.
Dans le cas des Fisker, il est impossible de savoir si les 1,9 million de dollars ont été redistribués, ni à qui. Les DAF ne sont pas tenus de divulguer ces informations, ce qui alimente les soupçons sur leur utilisation. Ont-ils servi à soutenir des causes réelles, ou étaient-ils un outil pour optimiser la fiscalité des Fisker ? La question reste en suspens.
Leçons d’un Échec
L’histoire de Fisker Inc. et de sa fondation offre plusieurs enseignements pour les entrepreneurs et les investisseurs. Voici les principaux :
- La fragilité des SPAC : Les fusions SPAC peuvent propulser une startup, mais elles exposent aussi à des risques financiers majeurs.
- Philanthropie dépendante : Lier une fondation à la valeur boursière d’une entreprise est un pari risqué, surtout dans un secteur volatile comme celui des EV.
- Transparence des DAF : Les fonds conseillés par les donateurs manquent de clarté, ce qui peut nuire à la crédibilité philanthropique.
- Gestion des ambitions : Une vision audacieuse doit s’accompagner d’une exécution rigoureuse pour éviter l’effondrement.
Ces leçons résonnent au-delà de Fisker. Elles rappellent que l’innovation, bien que séduisante, exige une discipline de fer pour transformer les rêves en réalité.
L’Héritage de Fisker
Henrik Fisker n’est pas un novice dans l’industrie automobile. Avant Fisker Inc., il avait lancé Fisker Automotive, qui a également fait faillite en 2013. Malgré ces échecs, son talent pour le design et sa vision audacieuse continuent d’inspirer. Mais l’histoire de sa fondation et de son entreprise récente montre les limites d’une ambition mal calibrée.
La dissolution de la Geeta & Henrik Fisker Foundation n’est pas seulement la fin d’un projet caritatif. Elle symbolise l’effondrement d’un écosystème où l’optimisme des années 2020 a cédé la place à une réalité plus dure. Les startups EV, portées par des promesses de durabilité et d’innovation, doivent désormais prouver leur viabilité.
Les startups qui survivent sont celles qui savent transformer leurs promesses en résultats tangibles.
Analyste anonyme du secteur automobile
Cette citation résume le défi auquel font face les entrepreneurs d’aujourd’hui. Pour Fisker, l’avenir reste incertain. Reviendra-t-il avec un nouveau projet ? Ou son nom restera-t-il associé à des rêves brisés ?
Un Avenir pour les Startups EV ?
L’échec de Fisker Inc. ne signe pas la fin des véhicules électriques. Des acteurs comme Rivian, malgré leurs propres défis, continuent d’innover. Mais le secteur doit tirer des leçons des erreurs du passé. Les investisseurs, autrefois séduits par des valorisations astronomiques, adoptent désormais une approche plus prudente.
Pour les entrepreneurs, l’histoire de Fisker est un rappel : une vision ne suffit pas. La production, la gestion financière et une stratégie claire sont essentielles pour survivre dans un marché compétitif. Quant à la philanthropie, elle ne peut être un simple accessoire de communication, mais doit s’appuyer sur des bases solides.
En conclusion, l’histoire de Henrik Fisker et de sa fondation est une parabole moderne. Elle illustre les promesses et les pièges de l’innovation dans un monde où les ambitions doivent s’ancrer dans la réalité. Alors que le secteur des véhicules électriques continue d’évoluer, une question demeure : qui sera le prochain à tenter de transformer un rêve en succès durable ?