Imaginez un instant : votre caméra de surveillance, installée pour protéger votre maison, devient une source de revenus. En février 2025, Anker, via sa marque Eufy, a proposé une offre intrigante à ses utilisateurs : 2 dollars par vidéo de vols de colis ou de voitures pour entraîner ses algorithmes d’intelligence artificielle. Une aubaine pour certains, une alarme pour d’autres. Cette initiative soulève une question brûlante : jusqu’où les entreprises technologiques sont-elles prêtes à aller pour collecter des données, et à quel prix pour notre vie privée ?

Quand les caméras de surveillance deviennent des outils d’IA

Le monde des objets connectés ne cesse d’évoluer, et les caméras de surveillance intelligentes, comme celles d’Eufy, sont au cœur de cette révolution. Mais derrière leurs promesses de sécurité se cache une réalité plus complexe. Anker a lancé une campagne originale pour collecter des vidéos, réelles ou mises en scène, afin d’améliorer ses algorithmes d’IA. L’objectif ? Entraîner les systèmes à mieux détecter les comportements suspects, comme le vol de colis ou l’ouverture frauduleuse de portières de voiture.

Cette démarche, bien que séduisante pour les utilisateurs en quête d’un petit revenu complémentaire, interroge. En échange de quelques dollars, les propriétaires de caméras Eufy partagent des données potentiellement sensibles. Mais que deviennent ces vidéos une fois envoyées ? Et surtout, quelles garanties avons-nous que notre vie privée reste protégée ?

Une campagne qui fait débat

Entre décembre 2024 et février 2025, Eufy a lancé une campagne intitulée Video Donation Program. Les utilisateurs étaient invités à soumettre des vidéos via un formulaire Google, avec la promesse d’une récompense de 2 dollars par séquence. L’entreprise visait à collecter 20 000 vidéos pour chaque catégorie : vols de colis et tentatives d’ouverture de portières. Selon les retours sur la page d’annonce, plus de 120 utilisateurs ont participé, certains revendiquant des gains allant jusqu’à 80 dollars pour des vidéos multiples.

Nous cherchons des vidéos, réelles ou mises en scène, pour apprendre à notre IA à repérer les comportements suspects.

Eufy, site officiel

Pour faciliter la tâche, Eufy encourageait même les utilisateurs à simuler des vols. Une personne jouant le rôle d’un voleur devant deux caméras pouvait ainsi générer plusieurs vidéos en une seule prise. Une approche astucieuse, mais qui n’est pas sans risques. En effet, partager des vidéos, même fictives, implique de transmettre des images de son domicile, de son jardin ou de son véhicule, autant d’éléments qui peuvent révéler des informations personnelles.

Les promesses d’Eufy : transparence ou illusion ?

Eufy assure que les vidéos collectées sont utilisées uniquement pour entraîner ses algorithmes et ne sont pas partagées avec des tiers. L’entreprise met également en avant un Honor Wall dans son application, où les utilisateurs les plus actifs sont récompensés par des médailles virtuelles ou des cadeaux, comme des caméras ou des cartes-cadeaux. Le leader du classement aurait soumis plus de 200 000 vidéos, un chiffre impressionnant qui témoigne de l’engouement pour ce programme.

Mais ces promesses suffisent-elles ? En 2023, The Verge avait révélé qu’Eufy avait menti sur le chiffrement de bout en bout de ses flux vidéo, accessible sans protection via son portail web. Après un scandale médiatique, Anker avait promis des correctifs. Cet incident soulève des doutes sur la fiabilité des engagements d’Eufy en matière de protection des données.

Les risques pour la vie privée

La collecte de données pour entraîner l’IA n’est pas nouvelle, mais elle devient de plus en plus controversée. Les vidéos soumises à Eufy, qu’elles soient réelles ou mises en scène, peuvent contenir des informations sensibles : visages, plaques d’immatriculation, adresses. Même si l’entreprise affirme ne pas partager ces données, un incident de sécurité, comme celui survenu récemment avec l’application Neon, montre que les failles sont possibles. Neon, qui proposait de l’argent pour des enregistrements d’appels, a exposé les données de ses utilisateurs à cause d’une vulnérabilité.

Les utilisateurs d’Eufy doivent donc peser le pour et le contre. D’un côté, une petite récompense financière ou des cadeaux. De l’autre, le risque que leurs données soient mal protégées ou utilisées à des fins non prévues. Cette tension illustre un défi majeur de l’ère numérique : monétiser ses données personnelles peut sembler attractif, mais les conséquences à long terme restent incertaines.

Une tendance plus large dans l’industrie

Eufy n’est pas seule à explorer cette voie. De nombreuses entreprises technologiques cherchent à collecter des données pour alimenter leurs modèles d’IA. Certaines, comme Eufy, incitent financièrement leurs utilisateurs, tandis que d’autres s’appuient sur des collectes automatiques, souvent sans consentement explicite. Cette course aux données soulève des questions éthiques cruciales :

  • Les utilisateurs comprennent-ils pleinement ce qu’ils partagent ?
  • Les entreprises sont-elles transparentes sur l’usage des données ?
  • Quelles sont les garanties contre les violations de données ?

Dans le cas d’Eufy, l’offre de 2 dollars par vidéo peut sembler dérisoire face aux enjeux. Pourtant, des milliers d’utilisateurs ont participé, attirés par la simplicité de l’opération ou par les récompenses promises. Ce phénomène montre à quel point les utilisateurs sont prêts à échanger leurs données contre des bénéfices immédiats, souvent sans réfléchir aux implications.

Comment Eufy pourrait améliorer sa démarche

Pour regagner la confiance des utilisateurs, Eufy pourrait adopter plusieurs mesures concrètes. Voici quelques suggestions :

MesureObjectifImpact attendu
Chiffrement renforcéProtéger les vidéos dès leur soumissionRéduire les risques de fuite
Transparence accrueExpliquer précisément l’usage des donnéesRenforcer la confiance
Suppression garantieEffacer les vidéos après usageRassurer sur la confidentialité

En adoptant de telles pratiques, Eufy pourrait non seulement améliorer la sécurité de ses utilisateurs, mais aussi se positionner comme un acteur responsable dans le domaine de l’IA.

Un équilibre à trouver

L’initiative d’Eufy illustre un dilemme moderne : comment concilier innovation technologique et respect de la vie privée ? D’un côté, les algorithmes d’IA ont besoin de données pour s’améliorer. De l’autre, les utilisateurs méritent des garanties solides sur la protection de leurs informations. Cette tension ne disparaîtra pas de sitôt, et les entreprises comme Anker devront faire preuve de transparence et d’éthique pour maintenir la confiance de leurs clients.

En attendant, les utilisateurs doivent rester vigilants. Avant de partager une vidéo, même pour quelques dollars, il est crucial de se poser les bonnes questions : quelles données suis-je en train de transmettre ? Qui y aura accès ? Et surtout, suis-je prêt à prendre le risque ?

La vie privée est un droit, pas une monnaie d’échange.

Anonyme, expert en cybersécurité

Alors, la prochaine fois que vous recevrez une offre alléchante pour partager vos données, prenez un moment pour réfléchir. Car dans le monde connecté d’aujourd’hui, chaque clic peut avoir des conséquences bien plus grandes que quelques dollars.

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Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.