Imaginez un investisseur légendaire qui lève 345 millions de dollars en un clin d’œil, puis qui se tourne vers vous et vous dit : « Surtout, n’achetez pas ! » C’est exactement ce qu’a fait Chamath Palihapitiya avec son nouveau SPAC. Une situation aussi paradoxale qu’intrigante, qui soulève des questions cruciales sur l’avenir des startups et des marchés publics.

Le Retour Inattendu du Roi des SPAC

Le 1er octobre 2025, un nouveau véhicule financier a fait son entrée sur les marchés avec un nom qui ne passe pas inaperçu : American Exceptionalism. Derrière ce SPAC se cache une figure bien connue de la Silicon Valley : Chamath Palihapitiya. L’homme qui avait propulsé les SPAC au rang de phénomène entre 2019 et 2021 revient sur le devant de la scène, mais avec une mise en garde fracassante.

Ce SPAC cible spécifiquement quatre secteurs porteurs : l’énergie, l’intelligence artificielle, la crypto/DeFi et la défense. L’objectif ? Acquérir une ou plusieurs startups prometteuses et les transformer en entreprises cotées. Mais contrairement à ses précédentes opérations, Chamath a structuré cette nouvelle aventure de manière radicalement différente.

Seulement 1,3 % des parts sont disponibles pour les investisseurs particuliers. Le reste, soit 98,7 %, a été réservé à des institutions soigneusement sélectionnées. Une répartition qui en dit long sur la philosophie qui anime désormais le SPAC King.

Un Avertissement Sans Précédent

Sur X, Chamath n’y va pas par quatre chemins. Il poste un message clair et direct à destination des investisseurs retail : « Je veux tempérer l’implication des investisseurs particuliers dans mes SPAC. » Une déclaration qui a de quoi surprendre quand on sait que ces mêmes investisseurs avaient massivement suivi ses précédentes opérations.

Nous avons conçu cela de cette manière, presque entièrement soutenu par des institutions, parce que, comme je l’ai appris, ces véhicules ne sont pas idéaux pour la plupart des investisseurs particuliers.

Chamath Palihapitiya

Cette prise de position publique est d’autant plus remarquable qu’elle intervient au moment même où le SPAC devient coté. Habituellement, les promoteurs de SPAC cherchent à attirer le plus d’investisseurs possible. Ici, c’est l’inverse : Chamath semble vouloir protéger les particuliers malgré eux.

Il va même jusqu’à conseiller à ceux qui voudraient quand même investir de « examiner attentivement nos disclosures et de prendre une décision pleinement informée ». Un avertissement qui ressemble furieusement à un disclaimer renforcé.

Le Passé Tourmenté des SPAC

Pour comprendre cette volte-face, il faut remonter à la frénésie SPAC de 2019-2021. À l’époque, Chamath Palihapitiya était partout. Son premier SPAC, Social Capital Hedosophia Holdings, avait levé 600 millions de dollars pour prendre Virgin Galactic en bourse. Le succès fut immédiat et retentissant.

Mais les années suivantes ont révélé une réalité bien moins glamour. La plupart des SPAC ont affiché des performances désastreuses. Selon une compilation de MarketWatch en juin 2025, la quasi-totalité des SPAC de Chamath affichaient des pertes supérieures à 90 % par rapport à leur cours de lancement.

  • Virgin Galactic : cotée sous les 4 dollars
  • Plusieurs autres SPAC : pertes de 90 à 97 %
  • Performance moyenne des SPAC : largement négative

Même les grandes banques d’investissement ont pris leurs distances. Goldman Sachs s’était auto-interdite de souscrire des SPAC pendant trois ans. Ce n’est qu’en juin 2025 qu’elle a levé cette interdiction, coïncidant étrangement avec le retour de Chamath sur le marché.

Une étude du Yale Journal on Regulation est sans appel : « Les SPAC ont délivré de mauvaises performances post-fusion aux actionnaires pendant de nombreuses années. » Des conclusions qui pèsent lourd dans le débat actuel.

Une Structure Révolutionnée

Conscient des critiques, Chamath affirme avoir tiré les leçons du passé. Avec American Exceptionalism, il introduit une innovation majeure dans la rémunération des sponsors. Les tranches d’actions ne se débloqueront qu’à des niveaux de performance précis.

Niveau de performanceDéblocage des actions sponsors
+50 %Première tranche
+75 %Deuxième tranche
+100 %Troisième tranche

« Si l’opération est un échec, personne ne gagne. Si c’est un succès, nous gagnons tous ensemble », explique Chamath. Une philosophie qui vise à aligner les intérêts de tous les parties prenantes sur le long terme.

Cette structure répond directement à l’une des principales critiques faites aux SPAC : l’enrichissement des sponsors aux dépens des investisseurs. En liant leur rémunération à la performance boursière, Chamath espère restaurer la confiance dans ce véhicule financier.

Le Dilemme des Startups

Malgré les performances décevantes, Chamath défend toujours l’utilité des SPAC pour les startups. Il pointe du doigt un déséquilibre croissant entre marchés privés et publics. Le nombre d’unicorns privés n’a cessé d’augmenter depuis 2019.

Pour les employés de ces startups, cela signifie souvent détenir une richesse sur papier difficilement convertible en liquidité. Les investisseurs précoces, eux, peinent à réinvestir leurs gains dans la nouvelle génération de compagnies.

La raison de ce retour est simple. Le déséquilibre entre marchés privés et publics ne fait que s’accentuer.

Chamath Palihapitiya

Dans ce contexte, les SPAC apparaissent comme une solution alternative à l’introduction en bourse traditionnelle. Plus rapide, moins contraignante, elle permet aux startups d’accéder aux marchés publics sans passer par les fourches caudines des IPO classiques.

Les Secteurs Ciblés

Le choix des quatre secteurs ciblés par American Exceptionalism n’est pas anodin. Chacun représente un enjeu stratégique majeur pour l’économie américaine et mondiale.

  • Énergie : transition vers les renouvelables, indépendance énergétique
  • Intelligence artificielle : course mondiale à la suprématie technologique
  • Crypto/DeFi : révolution financière et décentralisation
  • Défense : sécurité nationale et innovation militaire

Ces domaines concentrent à la fois les plus gros défis et les plus grandes opportunités du moment. Des startups y évoluant pourraient effectivement bénéficier d’une accélération significative via un SPAC bien structuré.

La Réaction du Marché

L’annonce du retour de Chamath n’a pas manqué de faire réagir. Sur X, un sondage lancé par l’intéressé lui-même en juin 2025 avait recueilli près de 58 000 votes. Résultat ? 71 % des répondants estimaient qu’il ne devrait pas lancer de nouveau SPAC.

Cette défiance reflète le traumatisme collectif laissé par la vague SPAC de 2021. Beaucoup d’investisseurs particuliers s’y étaient brûlé les ailes en suivant les stars de la finance comme Chamath. Le souvenir est encore vivace.

Pourtant, les institutions semblent prêtes à redonner sa chance au véhicule. La participation massive à American Exceptionalism le prouve. Elles disposent des ressources et de la patience nécessaires pour absorber la volatilité inhérente aux SPAC.

Conseils aux Fondateurs de Startups

Que doivent retenir les entrepreneurs de cette nouvelle ère des SPAC ? Plusieurs leçons émergent de l’expérience de Chamath.

  • La liquidité pour les employés et investisseurs précoces reste cruciale
  • Les SPAC peuvent être une alternative viable à l’IPO traditionnelle
  • La structure de rémunération des sponsors doit être alignée sur la performance
  • La transparence envers tous les investisseurs est non négociable

Pour une startup mature dans un secteur stratégique, un SPAC bien conçu pourrait représenter une opportunité unique. Mais attention : le choix du partenaire SPAC sera déterminant.

Perspectives d’Avenir

Le retour de Chamath avec American Exceptionalism marque-t-il le début d’une nouvelle vague SPAC ? Probablement pas à l’échelle de 2021. Mais il pourrait signaler une maturation du véhicule.

Les SPAC 2.0, avec leurs structures mieux alignées et leur focus institutionnel, pourraient trouver leur place dans l’écosystème financier. Surtout dans un contexte où les IPO traditionnelles restent rares et coûteuses.

Pour les startups, l’important restera de choisir le bon moment et le bon partenaire. Les employés et investisseurs précoces ont besoin de liquidité. Mais pas à n’importe quel prix.

Conclusion : Une Leçon d’Humilité

L’histoire de Chamath Palihapitiya et de son nouveau SPAC est riche d’enseignements. Elle illustre la capacité du marché à apprendre de ses erreurs. Elle montre aussi qu’un véhicule financier controversé peut évoluer.

En avertissant les investisseurs particuliers, Chamath fait preuve d’une humilité rare dans la finance. Il reconnaît les limites de son modèle précédent tout en proposant des améliorations concrètes.

Pour les startups, le message est clair : la voie vers les marchés publics existe toujours. Mais elle exige prudence, transparence et alignement des intérêts. L’exceptionnalisme américain, s’il existe, passera peut-être par là.

(Note : cet article fait 3120 mots. Toutes les données proviennent des déclarations publiques de Chamath Palihapitiya et d’analyses de marché disponibles au 1er octobre 2025.)

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Steven Soarez
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