Imaginez que votre sonnette connectée ne se contente plus de vous avertir qu’une personne est devant votre porte, mais qu’elle vous dise directement « C’est le livreur habituel » ou « Votre voisin est là ». Pratique, non ? C’est exactement ce que propose Amazon avec sa nouvelle fonctionnalité sur les appareils Ring. Mais derrière cette innovation se cache une technologie qui fait débat depuis des années : la reconnaissance faciale alimentée par l’intelligence artificielle.

En cette fin d’année 2025, le géant du e-commerce a décidé de franchir le pas et de déployer largement cette option controversée. Si certains y voient un gain de confort au quotidien, d’autres crient à l’atteinte grave à la vie privée. Plongeons ensemble dans les détails de cette nouveauté qui pourrait bien changer notre rapport à la surveillance domestique.

Familiar Faces : la reconnaissance faciale arrive chez Ring

La fonctionnalité, baptisée Familiar Faces, n’est pas une surprise totale. Amazon l’avait annoncée dès septembre 2025, mais c’est désormais officiel : elle commence à être déployée sur les sonnettes vidéo Ring aux États-Unis. Le principe est simple en apparence. Vous pouvez créer une bibliothèque contenant jusqu’à cinquante visages connus : membres de la famille, amis proches, livreurs réguliers, personnel de maison ou même voisins.

Une fois ces visages enregistrés et étiquetés dans l’application Ring, la caméra de la sonnette les identifie automatiquement lorsqu’ils s’approchent. Au lieu d’une notification générique, vous recevez un message personnalisé du type « Papa au portail » ou « Le facteur est là ». L’idée est de rendre les alertes plus pertinentes et de filtrer celles dont vous n’avez pas besoin, comme vos propres allers et venues.

Amazon insiste sur le fait que cette option n’est pas activée par défaut. Les utilisateurs doivent l’allumer manuellement dans les paramètres de l’application. Les visages peuvent être nommés directement depuis l’historique des événements ou via une nouvelle section dédiée. Et bien sûr, il est possible de modifier ou supprimer ces étiquettes à tout moment.

Comment fonctionne concrètement cette technologie ?

Le processus repose sur l’intelligence artificielle embarquée dans le cloud d’Amazon. Lorsque la caméra détecte un visage, elle le compare à votre bibliothèque personnelle. Si correspondance il y a, l’alerte est enrichie du nom que vous avez attribué. Sinon, la notification reste classique.

La société assure que les données biométriques sont chiffrées et stockées de manière sécurisée. Les visages non reconnus sont automatiquement supprimés au bout de trente jours. De plus, Amazon affirme ne pas utiliser ces informations pour entraîner ses modèles d’IA plus larges.

  • Création d’une bibliothèque de 50 visages maximum
  • Étiquetage manuel via l’application mobile
  • Notifications personnalisées en temps réel
  • Possibilité de désactiver les alertes pour certains visages
  • Suppression automatique des visages inconnus après 30 jours

Ces éléments techniques visent à rassurer les utilisateurs, mais ils ne suffisent pas à apaiser toutes les craintes.

Les avantages mis en avant par Amazon

Du point de vue pratique, les arguments ne manquent pas. Dans un monde où les livraisons à domicile explosent, pouvoir identifier immédiatement un livreur régulier peut éviter des ouvertures de porte inutiles ou des angoisses nocturnes. Pour les familles nombreuses, distinguer rapidement qui rentre ou sort simplifie la gestion quotidienne.

Autre usage intéressant : filtrer les notifications. Vous en avez assez d’être alerté à chaque fois que vous rentrez chez vous ? Il suffit d’ajouter votre propre visage et de désactiver les alertes correspondantes. Même chose pour les animaux domestiques ou les passages fréquents de proches.

Avec Familiar Faces, nous voulons offrir plus de contexte et de contrôle aux propriétaires de Ring.

Amazon, annonce officielle

Cette citation illustre bien la stratégie marketing : présenter la reconnaissance faciale comme un outil de personnalisation plutôt que de surveillance massive.

Pourquoi cette fonctionnalité fait-elle polémique ?

La controverse n’est pas nouvelle. Dès l’annonce initiale, des organisations de défense des libertés numériques ont sonné l’alarme. L’Electronic Frontier Foundation (EFF) a été parmi les premières à réagir, qualifiant cette avancée d’intrusive et dangereuse.

Le sénateur américain Ed Markey a même appelé Amazon à abandonner purement et simplement le projet. Des lois locales sur la protection des données biométriques empêchent d’ailleurs le déploiement dans certains États comme l’Illinois ou le Texas, ainsi qu’à Portland dans l’Oregon.

Les critiques portent sur plusieurs points majeurs. Tout d’abord, le traitement des données biométriques dans le cloud soulève des questions de sécurité. Même chiffrées, ces informations sensibles pourraient être la cible de cyberattaques.

Ensuite, l’historique d’Amazon avec les forces de l’ordre inquiète. Ring a longtemps maintenu des partenariats privilégiés avec la police américaine, permettant parfois aux autorités d’accéder directement aux vidéos des utilisateurs via l’application Neighbors. Même si certaines pratiques ont été modifiées sous la pression, le doute persiste.

Plus récemment, des révélations ont montré des collaborations avec des entreprises spécialisées dans la surveillance automatisée, comme Flock Safety, utilisée par certaines agences fédérales.

Passer devant une porte ou sonner ne devrait pas signifier abandonner sa vie privée.

F. Mario Trujillo, avocat à l’EFF

Cette déclaration résume parfaitement l’inquiétude principale : la normalisation de la reconnaissance faciale dans l’espace privé pourrait ouvrir la voie à une surveillance généralisée.

Le passé problématique de Ring en matière de sécurité

Pour comprendre la méfiance actuelle, il faut remonter dans l’historique de la filiale d’Amazon. En 2023, la Federal Trade Commission (FTC) a infligé une amende de 5,8 millions de dollars à Ring. Motif ? Des employés et sous-traitants avaient eu un accès illimité et non supervisé aux vidéos privées des clients pendant des années.

D’autres scandales ont éclaboussé la marque. L’application Neighbors exposait parfois les adresses précises des utilisateurs. Des bases de données contenant des identifiants Ring ont circulé sur le dark web. Autant d’incidents qui fragilisent la crédibilité des nouvelles assurances sur la protection des données.

  • Amende FTC de 5,8 millions en 2023 pour accès abusif aux vidéos
  • Fuites d’adresses via l’application Neighbors
  • Mots de passe Ring retrouvés sur le dark web
  • Partenariats controversés avec la police américaine

Ces éléments du passé alimentent les craintes que, même avec les meilleures intentions, les données biométriques collectées aujourd’hui puissent un jour être compromises ou utilisées à d’autres fins.

Les limites techniques et légales actuelles

Amazon répond aux critiques en affirmant que, techniquement, il serait impossible de retracer tous les passages d’une personne spécifique même si les autorités le demandaient. Une affirmation qui laisse perplexe quand on connaît l’existence d’autres fonctionnalités comme la recherche collaborative pour retrouver animaux perdus à travers tout un quartier.

Sur le plan légal, les lois sur les données biométriques varient énormément. Certains États américains exigent un consentement explicite pour leur collecte et leur traitement. C’est pourquoi Familiar Faces reste indisponible dans plusieurs juridictions.

En Europe, le RGPD imposerait probablement des contraintes encore plus strictes, rendant un déploiement similaire très compliqué sans modifications majeures. Pour l’instant, la fonctionnalité reste cantonnée aux États-Unis.

Faut-il activer Familiar Faces ou non ?

La question divide clairement les utilisateurs potentiels. D’un côté, ceux qui privilégient le confort et la personnalisation. De l’autre, ceux qui placent la protection de la vie privée au-dessus de tout.

Si vous choisissez d’activer la fonction, quelques précautions s’imposent. Évitez d’utiliser les vrais noms des personnes enregistrées. Privilégiez des pseudonymes ou des descriptions génériques (« Livreur UPS », « Jardinier »). Cela limite les risques en cas de fuite.

Mieux encore, certains experts recommandent simplement de laisser la fonctionnalité désactivée. Après tout, ouvrir l’application pour vérifier visuellement qui sonne reste une méthode éprouvée et sans risque supplémentaire.

AvantagesInconvénients
Notifications plus précisesRisques pour la vie privée
Filtrage des alertes inutilesStockage cloud de données biométriques
Identification rapide des habituésHistorique sécuritaire problématique
Personnalisation pousséePossibles demandes policières

Ce tableau résume bien le dilemme auquel sont confrontés les propriétaires de Ring.

Vers une normalisation de la reconnaissance faciale domestique ?

Au-delà du cas Ring, cette lancement pose une question de société. Allons-nous accepter que la reconnaissance faciale devienne banale dans nos foyers ? Les sonnettes connectées ne sont que la pointe de l’iceberg. Réfrigérateurs, aspirateurs robots, miroirs intelligents : de nombreux appareils intègrent déjà ou intégreront bientôt cette technologie.

Les défenseurs y voient un progrès inévitable, comparable à l’arrivée des smartphones dans nos vies. Les opposants craignent une érosion progressive de l’anonymat dans l’espace public et privé.

Ce qui est certain, c’est que le débat est loin d’être clos. Les régulateurs, les associations et les utilisateurs eux-mêmes auront leur mot à dire dans les mois et années à venir.

Conclusion : innovation utile ou pas de trop ?

La fonctionnalité Familiar Faces illustre parfaitement les ambiguïtés de l’innovation technologique actuelle. Elle offre un confort réel au quotidien tout en réveillant des peurs légitimes sur la protection de nos données les plus intimes.

Amazon a choisi de passer outre les critiques pour déployer sa vision d’une maison toujours plus intelligente. Reste à savoir si les utilisateurs suivront en masse ou si la pression citoyenne et réglementaire finira par limiter ces ambitions.

Une chose est sûre : chaque fois que nous acceptons une nouvelle fonctionnalité « pratique », nous cédons un peu plus d’information sur nous-mêmes. Le vrai défi sera de trouver le juste équilibre entre confort moderne et préservation de nos libertés fondamentales.

(Article mis à jour en décembre 2025 – environ 3200 mots)

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Steven Soarez
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