Vous êtes à Abu Dhabi, il est 22 h, vous commandez un Uber Comfort… et c’est une voiture totalement vide qui s’arrête devant vous. Pas de chauffeur, pas de ceinture de sécurité à boucler pour un humain invisible : juste une berline high-tech qui vous ouvre sa porte toute seule. Ce n’est plus de la science-fiction. Depuis le 25 novembre 2025, c’est une réalité quotidienne sur Yas Island.
WeRide et Uber franchissent un cap historique hors des États-Unis et de la Chine
Pour la première fois, un service commercial de robotaxis fonctionne sans aucun opérateur de sécurité à bord en dehors des deux superpuissances traditionnelles de l’autonomie : les États-Unis et la Chine. Le chinois WeRide, en partenariat avec Uber et l’opérateur local Tawasul, vient de passer en mode 100 % driverless à Abu Dhabi.
Le déploiement démarre sur Yas Island – le quartier touristique ultra-moderne qui accueille le Grand Prix de Formule 1 – avant une extension progressive vers le centre-ville. Les utilisateurs Uber qui sélectionnent UberX ou Uber Comfort peuvent désormais être matchés avec une WeRide totalement autonome. Pour être sûr d’en avoir une, il suffit de cocher l’option « Autonomous » dans l’application.
Aujourd’hui marque un jalon historique dans les transports : c’est le premier déploiement commercial de véhicules autonomes sans conducteur hors des États-Unis et de la Chine.
Sarfraz Maredia, responsable mobilité autonome chez Uber
WeRide, le nouvel acteur qui monte à toute vitesse
Derrière ce lancement se cache WeRide, une startup chinoise fondée en 2017 et qui a réussi l’exploit de devenir le troisième constructeur mondial à obtenir une licence nationale pour opérer des robotaxis sans conducteur aux Émirats Arabes Unis (après Cruise et Waymo aux USA).
Valorisée plus de 5 milliards de dollars lors de son dernier tour de table, WeRide a déjà déployé plus de 700 véhicules autonomes dans une trentaine de villes à travers le monde, principalement en Chine, mais aussi aux États-Unis, à Singapour et maintenant aux Émirats.
Ce qui distingue WeRide ? Une approche pragmatique : au lieu de développer son propre véhicule comme Waymo ou Cruise, la société équipe des modèles existants (Lincoln MKZ, puis bientôt des minivans GAC) avec son kit autonome WeRide One. Résultat : des coûts moindres et une montée en échelle plus rapide.
Pourquoi Abu Dhabi est le terrain de jeu parfait
Les Émirats Arabes Unis se sont fixé un objectif ambitieux : 25 % des déplacements en mode autonome d’ici 2030. Abu Dhabi Smart City. Pour y arriver, le gouvernement a mis en place un cadre réglementaire ultra-favorable : permis national délivré en moins d’un an, tests autorisés sur routes ouvertes dès 2023, et surtout une tolérance zéro pour la bureaucratie inutile.
- Infrastructures routières neuves et parfaitement entretenues
- Climat chaud et sec idéal pour les capteurs LiDAR
- Population jeune et technophile
- Volonté politique forte (le prince héritier en personne suit le dossier)
Résultat : WeRide a pu passer de zéro à une flotte de plus de 150 robotaxis en un an seulement, et maintenant à l’opération sans aucun humain à bord.
Comment fonctionne concrètement le service ?
L’expérience utilisateur est volontairement calquée sur celle des Waymo à Phoenix ou Austin :
- Vous réservez via l’application Uber classique
- Si une WeRide est disponible, l’appli vous prévient « Véhicule autonome »
- La voiture arrive, déverrouille les portes quand elle-même
- Vous montez, appuyez sur « Start Ride » sur l’écran central
- Et c’est parti pour un trajet 100 % autonome
À l’intérieur, on retrouve les sièges sont orientés comme dans n’importe quelle berline premium, avec un grand écran qui affiche la carte, la perception du véhicule en temps réel et un bouton d’urgence bien visible. Un centre de télésurveillance reste actif 24/7 au cas où.
Uber, le maître d’orchestre de la révolution autonome
Ce lancement n’est pas isolé. Uber a adopté une stratégie radicalement différente de plateforme : au lieu de développer sa propre technologie (échec cuisant de l’ATG vendue à Aurora en 2020), l’entreprise signe des partenariats avec pratiquement tous les acteurs sérieux du secteur.
En deux ans seulement, Uber a noué des accords avec plus de 20 sociétés :
| Partenaire | Pays | Véhicule |
| Waymo | USA (Phoenix, SF, Austin) | Jaguar I-Pace |
| WeRide | Émirats Arabes Unis | Lincoln MKZ / GAC |
| May Mobility | USA | Navettes électriques |
| Pony.ai | Chine | Toyota / Lexus |
| Nuro | USA (2026) | Lucid Gravity |
Dara Khosrowshahi, le PDG, a annoncé lors des résultats du T3 2025 que des véhicules autonomes seraient présents dans au moins 10 villes sur le réseau Uber d’ici fin 2026. Avec Abu Dhabi, on est déjà à mi-chemin.
Et la sécurité dans tout ça ?
C’est la question qui revient toujours. WeRide publie des chiffres impressionnants : plus de 20 millions de kilomètres parcourus en mode autonome dans le monde, dont plusieurs centaines de milliers à Abu Dhabi avec zéro accident grave responsable. Le véhicule est équipé de 7 LiDAR, 12 radars et 30 caméras, avec une redondance complète des systèmes critiques.
Les autorités émiraties ont validé le passage en driverless après des tests intensifs : scénarios de piétons qui traversent soudainement, enfants qui courent après un ballon, conduite de nuit sous forte pluie artificielle… Tout a été validé.
Quel impact sur le marché du travail local ?
À Abu Dhabi, la grande majorité des chauffeurs Uber sont des expatriés originaires d’Asie du Sud. L’arrivée des robotaxis fait craindre une disparition progressive de ces emplois. Uber et WeRide assurent qu’ils vont créer des postes de téléopérateurs, techniciens de maintenance et formateurs, mais le solde net risque d’être négatif à moyen terme.
Cependant, les Émirats voient plus loin : former leurs citoyens aux métiers de l’IA et de la robotique plutôt que de rester dépendants d’une main-d’œuvre importée pour la conduite.
Prochaines étapes : Dubai, Riyad… puis l’Europe ?
WeRide et Uber ont déjà annoncé vouloir déployer dans 15 villes au Moyen-Orient et en Europe d’ici 2027, avec plusieurs milliers de véhicules. Dubai est logiquement la prochaine sur la liste (tests en cours depuis 2024 avec Cruise, mais WeRide pourrait passer devant grâce à la rapidité émiratie).
En Europe, la réglementation reste plus complexe, mais l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne sont en discussions avancées. WeRide a déjà une petite flotte de tests à Paris et Lisbonne.
Conclusion : le futur arrive plus vite qu’on ne le pense
Ce qui se passe à Abu Dhabi n’est pas un simple test technique. C’est la preuve qu’un pays peut, en moins de cinq ans, passer de zéro infrastructure autonome à un service commercial sans conducteur. Quand on sait que les Émirats étaient encore à 100 % dépendants des chauffeurs humains en 2020, la vitesse est impressionnante.
Et si demain votre prochain Uber à Paris, Lisbonne ou Barcelone était… une WeRide ? Le compte à rebours est lancé.
Le futur de la mobilité ne se joue plus seulement dans la Silicon Valley ou à Shenzhen. Il se joue aussi sous les lumières du désert.