Imaginez une scène qui devrait être banale : un bus scolaire arrêté, feux clignotants rouges, panneau stop déployé, des enfants qui traversent la rue en toute sécurité. Soudain, une voiture sans conducteur passe devant, ignorant ces signaux universels. Cette situation, qui semble sortie d’un film de science-fiction dystopique, s’est produite plusieurs fois avec les robotaxis de Waymo. Et la réponse de l’entreprise ? Un rappel logiciel volontaire. Derrière cette décision apparemment technique se cachent des questions profondes sur la maturité de la conduite autonome.
Dans un monde où les véhicules autonomes promettent de révolutionner nos déplacements, chaque incident devient un test grandeur nature. Waymo, filiale d’Alphabet et pionnière incontestée du secteur, fait face à un nouveau défi qui interroge directement sa technologie. Plongeons dans cette affaire qui mêle innovation, sécurité et régulation.
Waymo face à un rappel logiciel inattendu
Le 5 décembre 2025, Waymo a annoncé son intention de déposer un rappel logiciel volontaire auprès des autorités fédérales américaines. La raison ? Des comportements inappropriés de ses robotaxis face à des bus scolaires arrêtés. L’entreprise assure avoir déjà corrigé le problème dès le 17 novembre, avec une mise à jour qui, selon elle, rend ses véhicules plus performants que les conducteurs humains dans ces situations précises.
Ces rappels logiciels ne sont pas nouveaux dans l’automobile moderne. Tesla, par exemple, en a fait une spécialité. Mais pour une entreprise qui opère des taxis entièrement sans conducteur, chaque correction prend une dimension particulière. Waymo ne vend pas de voitures au grand public : elle propose un service de transport autonome. La confiance des utilisateurs et des régulateurs repose entièrement sur la fiabilité de son système.
« Tenir les normes de sécurité les plus élevées signifie reconnaître quand notre comportement doit être meilleur. »
Mauricio Peña, Chief Safety Officer chez Waymo
Cette citation illustre bien la posture de l’entreprise : proactive, transparente, et tournée vers l’amélioration continue. Pourtant, derrière les mots, les faits révèlent une réalité plus nuancée.
Les incidents qui ont tout déclenché
Tout a commencé avec une vidéo devenue virale. On y voit un robotaxi Waymo, à Atlanta, traverser perpendiculairement devant un bus scolaire arrêté, puis tourner à gauche en passant devant lui. Les enfants descendent, le panneau stop est sorti, les feux clignotent. Le véhicule autonome poursuit sa route comme si de rien n’était.
Cet incident n’était pas isolé. À Austin, où Waymo opère en partenariat avec Uber, les autorités scolaires ont recensé pas moins de 19 passages illégaux devant des bus arrêtés en 2025. Cinq d’entre eux auraient même eu lieu après la prétendue correction de novembre. Des chiffres qui ont poussé le district scolaire d’Austin à écrire directement à la NHTSA, l’agence fédérale de sécurité routière.
La réaction des autorités ne s’est pas fait attendre. En octobre déjà, une enquête préliminaire avait été ouverte. Début décembre, une lettre officielle demandait à Waymo des explications détaillées sur son système de cinquième génération. Les régulateurs veulent comprendre comment une technologie aussi avancée peut encore commettre des erreurs aussi élémentaires.
Pourquoi ces erreurs sont-elles si graves ?
Passer devant un bus scolaire arrêté n’est pas une infraction anodine. Aux États-Unis, c’est l’une des règles de conduite les plus sacrées. Les enfants sont particulièrement vulnérables lorsqu’ils montent ou descendent du bus. Une erreur humaine dans ce contexte peut avoir des conséquences dramatiques. Pour un véhicule autonome censé être plus sûr que l’humain, c’est inacceptable.
Waymo met souvent en avant ses statistiques de sécurité impressionnantes : douze fois moins d’accidents avec blessés piétons que les conducteurs humains. Des chiffres vérifiés et solides. Mais ces incidents avec les bus scolaires touchent à un point sensible : la capacité du système à comprendre et respecter les règles implicites et contextuelles de la route.
- Les bus scolaires ont des signaux visuels très spécifiques (feux rouges clignotants, panneau stop).
- Les règles varient légèrement selon les États (passage autorisé ou non selon la direction).
- Le contexte dynamique : enfants qui traversent soudainement, visibilité variable.
- La nécessité d’une prudence extrême, même en l’absence de danger immédiat.
Ces éléments demandent une compréhension fine de la situation, bien au-delà de la simple détection d’obstacles. C’est là que l’intelligence artificielle montre encore ses limites.
La réponse technique de Waymo
L’entreprise assure avoir déployé une mise à jour le 17 novembre qui améliore significativement le comportement dans ces scénarios. Selon Waymo, ses véhicules ralentissent et s’arrêtent désormais de manière plus appropriée. Ils seraient même plus prudents que la moyenne des conducteurs humains.
Mais comment fonctionne cette correction ? Waymo reste discret sur les détails techniques, comme toujours. On peut supposer une amélioration des modèles de détection et de prédiction, une meilleure reconnaissance des signaux spécifiques aux bus scolaires, et une politique de décision plus conservatrice face à l’incertitude.
Ce qui est certain, c’est que Waymo continue d’accumuler des milliards de kilomètres simulés et réels pour entraîner son système. Chaque incident, même mineur, alimente l’apprentissage. Le rappel volontaire est aussi une manière de montrer sa coopération avec les régulateurs, évitant ainsi des mesures plus contraignantes.
Un historique qui interpelle
Ce n’est pas la première fois que Waymo fait face à un rappel. En 2025 déjà, l’entreprise en avait déposé un autre. Et en 2024, deux rappels notables, dont un suite à la collision à basse vitesse d’un véhicule avec un poteau téléphonique à Phoenix. Des incidents rares, mais qui montrent que même le leader du secteur n’est pas à l’abri d’erreurs.
Comparons avec la concurrence. Cruise, filiale de General Motors, a connu des déboires bien plus graves : suspension de sa licence en Californie après un accident sérieux, restructurations massives. Waymo, elle, maintient une croissance prudente mais régulière : expansion à Austin, partenariat avec Uber, préparations pour Los Angeles.
| Entreprise | Incidents majeurs 2024-2025 | Statut opérationnel |
| Waymo | Rappels logiciels, passages bus scolaires | Opérations en expansion |
| Cruise | Accident piéton, suspension licence | Reprise progressive limitée |
| Tesla FSD | Multiples enquêtes NHTSA | Supervisé seulement |
Ce tableau montre clairement la position de leader prudent qu’occupe Waymo. Mais cette avance a un prix : une scrutiny permanente.
Les enjeux réglementaires et sociétaux
La NHTSA joue un rôle croissant dans la supervision des véhicules autonomes. Ses enquêtes ne sont plus exceptionnelles. Chaque incident est analysé, chaque mise à jour scrutée. L’agence demande des rapports détaillés, des explications techniques, des preuves d’efficacité.
Au-delà des aspects techniques, il y a une question de confiance publique. Les robotaxis doivent non seulement être sûrs, mais paraître sûrs. Un véhicule qui ignore un bus scolaire, même sans conséquence, ébranle cette confiance. Les parents, les enseignants, les élus locaux : tous observent avec attention.
À Austin et Atlanta, les critiques n’ont pas tardé. Les autorités scolaires ont publiquement exprimé leurs inquiétudes. Dans une société où la sécurité des enfants est une priorité absolue, ces incidents prennent une dimension émotionnelle forte.
Vers une maturité accrue de la technologie
Cet épisode, bien que préoccupant, pourrait paradoxalement renforcer Waymo. En corrigeant rapidement et en communiquant de manière proactive, l’entreprise démontre sa maturité. Les rappels volontaires sont perçus positivement par les régulateurs. Ils montrent une culture de sécurité plutôt que de dissimulation.
La conduite autonome progresse par itérations. Chaque problème identifié et résolu améliore le système global. Les scénarios rares, comme les interactions avec les bus scolaires, sont précisément ceux qui demandent le plus de données et d’entraînement. Waymo, avec ses millions de kilomètres parcourus, est mieux placé que quiconque pour progresser rapidement.
- Amélioration continue grâce aux données réelles et simulées
- Coopération étroite avec les régulateurs
- Communication transparente sur les incidents
- Investissements massifs en R&D
- Partenariats stratégiques (Uber, Hyundai)
Ces éléments constituent les forces de Waymo face à la concurrence.
L’avenir des robotaxis
Cet incident nous rappelle que la route vers la conduite entièrement autonome est encore longue. Les cas simples – autoroutes, trajets répétitifs – sont maîtrisés. Ce sont les situations complexes, imprévisibles, contextuelles qui posent encore problème.
Mais le potentiel reste immense. Des villes moins congestionnées, moins d’accidents, une mobilité accessible à tous. Waymo continue d’étendre son service : San Francisco, Phoenix, Austin, et bientôt Los Angeles. Des partenariats avec Uber et Hyundai renforcent sa position.
La question n’est plus de savoir si les robotaxis arriveront, mais quand ils seront perçus comme parfaitement fiables. Chaque correction, chaque rappel, chaque amélioration nous rapproche de cet objectif. L’affaire des bus scolaires, loin d’être un échec, pourrait bien être une étape nécessaire vers une technologie plus mature.
En attendant, Waymo continue sa route, avec prudence et détermination. La révolution autonome ne s’arrête pas pour un panneau stop mal interprété. Elle apprend, s’adapte, et progresse. Et nous, nous observons, parfois inquiets, souvent fascinés, ce futur qui roule déjà dans certaines rues américaines.