Vous souvenez-vous de l’époque où poster une photo sur Instagram sans filtre VSCO relevait presque du crime de lèse-majesté ? C’était il y a à peine cinq ou six ans. Aujourd’hui, l’application qui a popularisé l’esthétique « no makeup makeup » et les tons pastel vient de licencier 24 personnes. Un chiffre modeste à l’échelle des géants de la Silicon Valley, mais un signal fort : même les icônes culturelles du mobile peuvent vaciller.

VSCO opère un virage à 180° : bye le grand public, bonjour les pros

Le 9 décembre 2025, TechCrunch révélait un mémo interne signé Eric Wittman, le PDG de VSCO. Le ton est franc : l’activité grand public a chuté plus vite que prévu, certaines initiatives de croissance n’ont pas fonctionné, et il est temps de restructurer. Traduction : on recentre tout sur les photographes professionnels et on mise à fond sur l’intelligence artificielle.

Ce n’est pas la première fois qu’une appli adorée des ados tente le grand écart vers le B2B. Mais chez VSCO, le changement semble particulièrement radical.

Ce que dit vraiment le mémo interne

« Pour réussir au cours des cinq prochaines années, nous devons fonctionner comme une entreprise native IA, en prenant des paris audacieux mais ciblés et en renforçant les fondations que nous avons posées avec notre activité Pro, notre AI Lab, TFP et Sites. »

Eric Wittman, PDG de VSCO

En clair : fini les filtres HB1 et HB2 pour les selfies de plage. Place à des outils sérieux, payants, et boostés à l’IA pour ceux qui vivent de la photo.

Un déclin plus rapide que prévu

Ce qui frappe dans le mémo, c’est l’aveu que la partie grand public a décliné bien plus vite qu’anticipé. Pourtant, VSCO revendique encore plus d’installations actives aux États-Unis que Reddit. Un chiffre impressionnant… mais qui ne paie apparemment plus les factures.

La concurrence est devenue infernale : Google Photos intègre des outils d’édition toujours plus puissants gratuitement, Apple Photos fait des merveilles avec l’IA sur iPhone, Lightroom Mobile s’est démocratisé, et même Canva propose désormais des retouches avancées. Dans ce contexte, vendre un abonnement à 29,99 €/an pour des presets devient mission impossible.

Les 24 licenciements : qui est touché ?

Les équipes marketing, techniques et gestion de programme sont les plus impactées. Des postes souvent liés à la croissance grand public (community management, acquisition d’utilisateurs, développement de nouvelles fonctionnalités sociales).

  • Marketing → moins besoin de campagnes TikTok virales
  • Tech → recentrage sur des features complexes pour pros
  • Program management → simplification de la roadmap

En résumé, tout ce qui servait à chasser le prochain million d’utilisateurs adolescents disparaît.

La nouvelle stratégie : devenir l’Adobe des photographes indépendants

VSCO ne part pas de zéro. Depuis plusieurs années, l’entreprise développe en parallèle une offre pro assez solide :

  • VSCO Pro : abonnement avec outils avancés de retouche
  • VSCO Sites : création de portfolios élégants
  • TFP (The Future of Photography) : marketplace reliant photographes et marques
  • Canvas : outil collaboratif lancé en 2025
  • AI Lab : R&D sur l’intelligence artificielle appliquée à la photo

L’idée ? Devenir la plateforme tout-en-un pour le photographe indépendant qui en a marre de jongler entre Lightroom, Squarespace, Instagram et Mailchimp.

L’IA, nouveau graal ou simple buzzword ?

Eric Wittman parle d’un futur AI-native. Concrètement, VSCO promet :

  • Un éditeur photo entièrement repensé autour de l’IA
  • Un assistant intelligent capable d’exécuter des tâches complexes (« corrige l’exposition de toutes mes photos de mariage comme celle-ci »)
  • Des suggestions de retouche contextuelles ultra-précises
  • Une refonte complète des Photo Galleries publiques

On est encore dans le flou artistique (sans mauvais jeu de mots), mais l’ambition est claire : rattraper Adobe, Luminar et Capture One sur leur terrain.

Un modèle économique qui change du tout au tout

Historiquement, VSCO fonctionnait sur un modèle freemium : appli gratuite + achats in-app de packs de presets + abonnement annuel optionnel. Un modèle parfait pour les ados… mais qui ne scale pas à l’infini.

Désormais, la monétisation reposera presque exclusivement sur :

OffreCiblePrix indicatif
VSCO Membership classiqueAmateurs29,99 €/an → probablement gelé
VSCO Pro / StudioPhotographes pros99–199 €/an (estimation)
Marketplace TFPPros & marquesCommission 15-20 %
Sites (portfolios)ProsAbonnement séparé ou bundle

Exit donc le rêve d’une croissance virale à la TikTok. Bonjour la marge brute d’un SaaS B2B.

Et les utilisateurs historiques dans tout ça ?

C’est la grande question que tout le monde se pose. Les millions d’utilisateurs qui ont découvert la photo grâce à VSCO vont-ils être doucement mis au placard ?

Officiellement, non : l’application reste disponible et les presets existants ne disparaissent pas. Mais on sent que l’énergie n’est plus là. Les nouveautés grand public risquent de se faire rares.

Beaucoup prédisent une migration progressive vers d’autres applis (Unfold, Tezza, Afterlight) ou directement vers les outils intégrés des smartphones.

Un phénomène plus large dans la tech

VSCO n’est pas un cas isolé. 2025 aura été l’année où de nombreuses apps stars des années 2015-2020 ont dû choisir entre :

  • Mourir lentement (Vine, Periscope)
  • Se vendre (Musical.ly → TikTok)
  • Pivoter radicalement vers le B2B ou les pros (Canva, Notion, Figma…)

Le temps des licornes grand public financées à perte semble révolu. Les investisseurs veulent du cash-flow, pas des DAU.

Mon avis personnel : un pari risqué mais cohérent

Je vais être honnête : j’ai un pincement au cœur. VSCO a accompagné mes premières photos sérieuses, mes voyages, mes stories Instagram d’il y a dix ans. Voir l’appli devenir un outil pro me fait le même effet que de voir un vieux groupe de rock préféré sortir un album de jazz expérimental.

Mais force est de constater que le choix est logique. Le marché de la retouche photo grand public est saturé et largement gratuit. Celui des outils pour photographes indépendants est en pleine explosion (mariages, e-commerce, réseaux sociaux).

Si VSCO réussit à devenir le « Figma de la photo », alors ce pivot aura été un coup de génie. Sinon… on parlera dans cinq ans d’une belle marque qui n’a pas su évoluer.

Conclusion : la fin des VSCO Girls, le début des VSCO Pros ?

Ce licenciement de 24 personnes n’est qu’un symptôme. Le vrai changement, c’est culturel. VSCO abandonne son statut d’icône adolescente pour tenter de devenir un outil sérieux, durable, rentable.

L’entreprise a les armes : une marque ultra-forte dans la photo, une base technique solide, et une vision claire de l’IA appliquée à l’image. Reste à transformer l’essai.

Une chose est sûre : l’histoire de VSCO est loin d’être terminée. Elle ne fait que commencer un nouveau chapitre, bien plus sérieux que le précédent.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Allez-vous suivre VSCO dans cette nouvelle aventure pro, ou préférez-vous garder vos souvenirs de filtres A6 et C1 intacts dans un coin de votre téléphone ?

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Steven Soarez
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