Imaginez un instant : vous terminez une longue randonnée en pleine nature, fatigué mais heureux, et au bout du sentier, votre SUV vous attend patiemment, arrivé tout seul sans que vous ayez eu à le conduire. Ce rêve, qui semblait encore lointain il y a quelques années, pourrait bientôt devenir réalité grâce à une startup qui n’a pas froid aux yeux. Rivian, le constructeur américain de véhicules électriques aventuriers, vient de révéler ses ambitions folles en matière de conduite autonome pilotée par l’intelligence artificielle.
Dans un secteur où Tesla domine depuis longtemps les débats sur l’autonomie, Rivian choisit de frapper fort en misant tout sur une approche révolutionnaire. Oubliez les systèmes rigides codés à la main : place à un modèle d’apprentissage profond capable d’évoluer seul. C’est un pari risqué, mais potentiellement payant pour cette jeune entreprise qui veut se démarquer.
Rivian accélère vers la conduite autonome grâce à l’IA
Le 12 décembre 2025, Rivian a organisé son « Autonomy & AI Day » dans ses bureaux de Palo Alto. L’événement a permis de lever le voile sur une stratégie complètement repensée depuis 2021. À l’époque, le PDG RJ Scaringe a discrètement décidé de tout recommencer de zéro pour embrasser pleinement le potentiel des transformers, ces architectures d’intelligence artificielle qui ont révolutionné le domaine.
Exit l’ancien système d’assistance à la conduite basé sur des règles prédéfinies et écrites par des ingénieurs humains. Rivian a opté pour une approche end-to-end, similaire à celle de Tesla avec son Full Self-Driving. Le véhicule perçoit son environnement, décide et agit en une seule chaîne neurale, sans étapes intermédiaires codées manuellement.
Le Large Driving Model : un cerveau artificiel pour la route
Au cœur de cette nouvelle plateforme se trouve ce que Rivian appelle son Large Driving Model (LDM). Il s’agit d’un modèle d’intelligence artificielle massif entraîné sur des quantités colossales de données récoltées par la flotte de véhicules. Plus les Rivian roulent, plus le modèle s’améliore, apprenant de millions de kilomètres réels.
Contrairement aux systèmes traditionnels, déterministes et limités par les scénarios prévus par les programmeurs, le LDM peut gérer des situations imprévues. Il stoppe aux feux rouges, négocie les virages, ralentit sur les dos d’âne, tout cela sans instructions explicites. C’est l’IA qui découvre seule les meilleures réactions.
Tout ce que faisait le véhicule était le résultat d’une stratégie de contrôle prescrite par des humains.
RJ Scaringe, décrivant l’ancien système
Cette citation du PDG illustre parfaitement le changement de paradigme. En 2021, lorsque les transformers ont commencé à dominer l’IA, Scaringe a reconstitué les équipes pour concevoir une plateforme pensée dès le départ pour un monde centré sur l’intelligence artificielle.
Les premiers résultats concrets sont arrivés en 2024 avec les véhicules de seconde génération (R1T et R1S), équipés de processeurs Nvidia Orin. Mais c’est seulement récemment, avec l’afflux massif de données, que les progrès sont devenus spectaculaires.
Un calendrier ambitieux pour le déploiement
Rivian ne perd pas de temps. Dès la fin décembre 2025, les propriétaires pourront bénéficier de Universal Hands-Free : une conduite sans mains sur plus de 3,5 millions de miles de routes aux États-Unis et au Canada, à condition qu’il y ait des lignes peintes visibles.
Ensuite, dans la seconde moitié de 2026, arrivera la conduite point-to-point, celle qui a été présentée lors des démonstrations. Le véhicule gère alors un trajet complet sans intervention, bien que le conducteur doive rester attentif.
- Décembre 2025 : Universal Hands-Free (mains libres sur routes balisées)
- Seconde moitié 2026 : Conduite point-to-point (trajets complets, yeux sur la route)
- Fin 2026 et au-delà : Eyes-off possible avec nouveau hardware sur R2
Mais le vrai saut qualitatif viendra avec le R2, le modèle plus compact et abordable prévu pour 2026. Ces véhicules abandonneront les puces Nvidia au profit d’un ordinateur d’autonomie conçu sur mesure par Rivian, associé à un lidar. Cette configuration ouvrira la porte à une conduite eyes-off, où le conducteur pourra détourner le regard.
La véritable autonomie de niveau 4, sans aucune supervision, reste plus lointaine. Elle dépendra essentiellement de la vitesse à laquelle le Large Driving Model pourra être entraîné sur des scénarios toujours plus complexes.
Les défis d’un déploiement échelonné
Cette roadmap pose un défi commercial immédiat. Le R2 sera lancé plusieurs mois avant que le nouvel ordinateur et le lidar ne soient prêts. Les premiers acheteurs auront donc un véhicule capable de conduite hands-free et point-to-point, mais pas eyes-off.
RJ Scaringe est transparent sur ce point : certains clients préféreront attendre la version complète, d’autres voudront le véhicule immédiatement et envisageront un échange plus tard. Heureusement, la demande pour le R2 est déjà très forte.
Dans un monde parfait, tout s’aligne parfaitement, mais les timelines du véhicule et de la plateforme d’autonomie ne coïncident pas toujours.
RJ Scaringe
Cette honnêteté pourrait jouer en faveur de Rivian. Dans une industrie où les promesses non tenues ont souvent déçu, la franchise sur les limitations temporaires renforce la confiance.
Les démonstrations organisées lors de l’Autonomy & AI Day ont montré un logiciel encore perfectible, avec quelques interventions humaines nécessaires. Mais pour un système entièrement repensé et basé sur l’apprentissage profond, les performances étaient encourageantes. Le véhicule gérait bien les situations courantes, même si des freinages tardifs ou des hésitations rappelaient que la route est encore longue.
Vers une autonomie aventurière ?
L’ADN de Rivian, c’est l’aventure. Dès ses débuts, la marque a promis des véhicules capables d’emmener leurs propriétaires loin des routes bitumées. La conduite autonome pourrait renforcer cette identité unique.
RJ Scaringe rêve toujours de ce scénario évoqué dès 2018 : partir en randonnée d’un point A à un point B, et retrouver son véhicule au bout du chemin, arrivé seul. Avec l’évolution du Large Driving Model, cela devient envisageable dans les prochaines années, du moins sur des routes non pavées mais pas trop extrêmes.
Pas question en revanche d’autonomie sur des parcours de rock crawling comme Hell’s Gate à Moab. Rivian concentre ses efforts sur des usages réalistes : atteindre le départ d’un sentier, naviguer sur des chemins de terre, faciliter les aventures du quotidien.
Rivian face à Tesla : un challenger crédible ?
Tesla reste le leader incontesté de la conduite autonome grand public avec son Full Self-Driving. Mais Rivian apporte plusieurs atouts différenciateurs.
| Aspect | Rivian | Tesla |
| Approche IA | End-to-end avec LDM | End-to-end avec FSD |
| Capteurs futurs | Lidar + caméras | Vision pure (caméras) |
| Positionnement | Aventure, premium | Volume, accessibilité |
| Données flotte | Croissance rapide | Millions de véhicules |
L’ajout futur d’un lidar pourrait donner un avantage en conditions difficiles. De plus, Rivian bénéficie d’un partenariat solide avec Volkswagen (investissement de plusieurs milliards) qui pourrait accélérer le développement.
Le principal défi reste la collecte de données. Tesla dispose d’une flotte immense qui roule quotidiennement. Rivian, plus jeune, doit rattraper ce retard. Mais avec la croissance attendue des ventes (surtout grâce au R2), l’écart pourrait se combler rapidement.
Les implications pour l’industrie automobile
Le virage de Rivian illustre une tendance plus large : l’intelligence artificielle devient le cœur de la mobilité future. Les constructeurs traditionnels comme General Motors (avec Cruise) ou Ford peinent parfois à suivre le rythme des pure players technologiques.
En misant sur une approche data-driven, Rivian se positionne comme une tech company autant que comme un constructeur automobile. Cette hybridation pourrait attirer des talents de la Silicon Valley et des investisseurs sensibles aux narratives IA.
La concurrence s’intensifie aussi du côté des startups chinoises (Xiaomi, Xpeng) qui progressent à grande vitesse sur l’autonomie. Le marché mondial de la mobilité autonome pourrait atteindre des centaines de milliards de dollars d’ici 2030.
Conclusion : un pari qui pourrait tout changer
Rivian joue gros avec cette stratégie. En abandonnant un système fonctionnel pour repartir de zéro sur l’IA, l’entreprise a pris des risques importants. Mais si le Large Driving Model tient ses promesses, Rivian pourrait non seulement survivre dans un marché EV difficile, mais devenir un acteur majeur de la mobilité autonome.
Les prochains mois seront décisifs : lancement de Universal Hands-Free, retours des premiers utilisateurs, progression visible du logiciel. Une chose est sûre : Rivian ne se contente pas de fabriquer de beaux pick-up et SUV électriques. La startup veut redéfinir notre relation à la voiture, en la rendant plus intelligente, plus autonome, et finalement plus libre.
Dans un monde où la technologie évolue à une vitesse folle, ceux qui osent les paris audacieux sont souvent ceux qui marquent l’histoire. Rivian semble prêt à tenter le coup. Et nous, on a hâte de voir jusqu’où cela les mènera.