Imaginez un monde où les pinceaux et l’encre rivalisent avec des algorithmes ultra-puissants, où les artistes craignent davantage les robots tueurs que le plagiat par l’intelligence artificielle. C’est dans cet univers que navigue Paul Pope, légende des comics, dont le travail oscille entre dystopies visionnaires et purisme artistique. Dans une interview récente, cet artiste iconique, connu pour des œuvres comme Batman : Year 100 et Battling Boy, partage ses réflexions sur l’impact de l’IA sur la création et les dangers d’une technologie galopante. Plongeons dans son univers, entre nostalgie analogique et craintes futuristes.

Paul Pope : Un Artiste au Carrefour du Passé et du Futur

Paul Pope n’est pas seulement un dessinateur de comics, il est un storyteller qui a marqué le 21e siècle avec des œuvres graphiquement époustouflantes. De Batman : Year 100, où le justicier affronte un État de surveillance oppressant, à THB, une épopée de science-fiction auto-éditée, son style unique mêle influences japonaises, européennes et américaines. Pourtant, après plus d’une décennie sans publication majeure, Pope revient sur le devant de la scène avec une exposition rétrospective à New York, un livre d’art enrichi, PulpHope2, et une nouvelle édition de THB. Mais au-delà de ces projets, c’est sa vision de l’IA et de la technologie qui intrigue.

Un Retour en Force : Exposition et Réédition

Après des années de travail dans l’ombre, Paul Pope orchestre un retour stratégique. Une exposition à la Philippe Labaune Gallery à New York met en lumière son parcours, des planches iconiques aux travaux plus rares comme des affiches ou des collaborations avec la mode. Parallèlement, PulpHope2 : The Art of Paul Pope, publié en mars 2025, offre un regard approfondi sur son processus créatif. Enfin, la sortie imminente de THB promet de ravir les fans de longue date.

« Créer un roman graphique, c’est comme écrire un roman. Cela peut prendre des années, et personne ne voit le travail avant la fin. C’est frustrant. »

Paul Pope

Cette renaissance n’est pas qu’une question de nostalgie. Pope parle de « mouvements d’échecs » pour décrire sa stratégie, une manière de rebrander son image tout en restant fidèle à son essence. Mais ce retour se fait dans un contexte où l’industrie des comics, et l’art en général, est bouleversée par l’intelligence artificielle.

L’IA dans les Comics : Menace ou Outil ?

Alors que l’IA générative fait fureur, capable de produire des images ou des textes en imitant le style d’artistes célèbres, Paul Pope adopte une position nuancée. Contrairement à certains de ses pairs, qui poursuivent les entreprises d’IA pour des questions de droits d’auteur, il ne craint pas tant le plagiat que les implications plus larges de la technologie. Pour lui, l’IA est avant tout un outil de recherche. Il l’utilise pour dénicher des informations sur des sujets pointus, comme la vie du dessinateur italien Attilio Micheluzzi, ou pour structurer ses récits.

Cependant, Pope reste prudent. Il compare l’IA à un « assistant personnel sociopathe » qui peut mentir sans vergogne. Lors de recherches sur ses propres œuvres, il a constaté que 20 % des informations fournies par l’IA étaient erronées, incluant des livres qu’il n’a jamais publiés. Cette méfiance ne l’empêche pas d’envisager son potentiel, mais il insiste : l’IA ne remplace pas l’âme humaine.

  • Recherche facilitée : L’IA permet à Pope de trouver des détails historiques ou biographiques rapidement.
  • Créativité préservée : Il refuse d’utiliser l’IA pour générer des dessins, préférant le contrôle de l’encre sur papier.
  • Scepticisme : Les erreurs de l’IA, ou « hallucinations », limitent sa fiabilité pour des tâches critiques.

L’Art Analogique : Une Résistance Face au Numérique

Dans un monde où les tablettes graphiques et les logiciels comme Photoshop dominent, Paul Pope reste fidèle à l’art analogique. Ses outils de prédilection – pinceaux, encre sumi, plumes – évoquent une époque révolue, celle des grands maîtres comme Alex Toth ou Moebius. Cette approche n’est pas un simple choix esthétique : elle reflète une philosophie. Pour Pope, dessiner à la main est une discipline exigeante, presque punitive. « Les 1 000 premiers dessins à l’encre sont terribles », confie-t-il, rappelant le temps nécessaire pour maîtriser un outil.

« L’art analogique, c’est punissant. Mais c’est en surmontant ces défis qu’on gagne une autorité sur l’outil. »

Paul Pope

Cette discipline contraste avec la facilité des outils numériques, où les erreurs peuvent être corrigées en un clic. Pourtant, Pope ne rejette pas totalement le numérique. Il utilise Photoshop pour des textures ou des couleurs, mais son cœur reste avec l’encre et le papier, un héritage qu’il porte comme un flambeau pour les générations futures.

Killer Robots : Une Menace plus Grande que le Plagiat

Si l’IA générative inquiète certains artistes, Paul Pope redirige l’attention vers un danger plus pressant : les robots tueurs et la surveillance. Dans une société où les drones armés et les robots autonomes deviennent réalité, il craint que la technologie ne devance les débats éthiques. « Nous sommes à deux ans d’une automatisation massive », prévient-il, citant l’exemple d’un café à Brooklyn entièrement géré par des robots.

Cette vision dystopique rappelle ses propres œuvres, comme Batman : Year 100, où la surveillance étatique étouffe la liberté. Pour Pope, le vrai risque n’est pas qu’un algorithme imite son style, mais que des acteurs malveillants exploitent l’IA pour des usages destructeurs. Il plaide pour une approche « IA pour la paix », inspirée par le mouvement Atoms for Peace, qui prônait un usage éthique de l’énergie atomique.

DomaineImpact de l’IAPosition de Paul Pope
Création artistiqueImitation des styles, plagiat potentielSceptique mais ouvert à l’usage comme outil de recherche
Surveillance et robotsAutomatisation, drones armésCrainte des dérives éthiques et des « killer robots »
Industrie des comicsRemplacement possible des artistesOptimiste sur l’innovation humaine face aux machines

L’Humain au Cœur de la Création

Malgré ses inquiétudes, Paul Pope reste optimiste. Il croit en la capacité humaine à innover, à créer ce que les machines ne peuvent pas : des œuvres nées de l’expérience personnelle et de l’émotion. « Les machines peuvent répliquer, mais pas inventer comme Picasso ou Miles Davis », affirme-t-il. Cette conviction le pousse à encourager les jeunes artistes à persévérer, même dans un monde où les outils numériques semblent tout simplifier.

Pour lui, l’art n’est pas seulement une question de technique, mais de discipline et de curiosité. La facilité des applications comme l’iPad Pro peut séduire, mais elle risque de priver les artistes de la rigueur nécessaire pour développer une voix unique. Pope illustre ce point en évoquant ses propres débuts, où chaque erreur à l’encre était une leçon.

Vers un Futur Hybride : Comics et Technologie

Alors que l’industrie des comics s’oriente vers le numérique, Paul Pope ne rejette pas l’avenir. Il reconnaît que l’IA et les outils digitaux offrent des opportunités, notamment pour les jeunes artistes qui maîtrisent ces technologies. Cependant, il insiste sur l’importance de préserver une éthique artistique. Les algorithmes peuvent imiter un style, mais ils ne remplacent pas l’histoire personnelle ou l’émotion qui font la richesse d’une œuvre.

« L’IA peut imiter, mais elle ne ressent pas. L’art, c’est l’identité, l’histoire personnelle, l’émotion. »

Paul Pope

Ce mélange d’optimisme et de prudence définit la vision de Pope. Il ne s’oppose pas au progrès, mais appelle à une réflexion collective sur ses implications. À l’image de ses comics, où les héros affrontent des défis titanesques, il invite les artistes à relever celui de l’IA avec créativité et humanité.

Et Après ? Les Prochains Coups de Paul Pope

Le retour de Paul Pope ne s’arrête pas à THB ou à son exposition. Parmi ses « mouvements d’échecs », il prépare la suite de Battling Boy, un projet ambitieux de plus de 500 pages. Ce roman graphique, qui a nécessité des années de travail entrecoupées de projets commerciaux, illustre la persévérance de l’artiste. Malgré les restructurations chez son éditeur, Pope reste focalisé sur sa vision, prouvant que la création, même face à l’IA, reste une affaire de cœur.

En parallèle, il continue d’explorer des collaborations inattendues, comme avec la mode ou les affiches, montrant sa capacité à transcender les frontières du comics. Cette polyvalence, combinée à son attachement au traditionnel, fait de lui une figure unique dans un monde en mutation.

Conclusion : L’Art comme Acte de Résistance

Paul Pope incarne une forme de résistance face à la vague technologique. En défendant l’art analogique, il rappelle que la création est un acte profondément humain, ancré dans l’effort et l’émotion. Ses craintes des robots tueurs et de la surveillance ne sont pas celles d’un technophobe, mais d’un visionnaire qui, à travers ses dystopies, nous met en garde contre un futur mal maîtrisé. Alors que l’IA redessine les contours de l’art, Pope nous invite à préserver notre humanité, à continuer d’inventer, de dessiner, de rêver.

  • Exposition : Une rétrospective à la Philippe Labaune Gallery pour redécouvrir son œuvre.
  • Livres : PulpHope2 et THB marquent son grand retour.
  • Vision : Un équilibre entre tradition artistique et acceptation prudente de l’IA.

Et vous, pensez-vous que l’IA remplacera un jour les artistes, ou l’âme humaine restera-t-elle inimitable ? La réponse, comme Paul Pope le suggère, réside peut-être dans notre capacité à rester curieux et résilients face à l’avenir.

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Steven Soarez
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