Imaginez un instant : une entreprise où chaque employé gagne jusqu’à une heure par jour grâce à un outil d’intelligence artificielle. Une croissance d’utilisation multipliée par huit en seulement un an. Et pourtant, dans les couloirs de la Silicon Valley, le PDG envoie un message d’urgence interne : « code red ». Bienvenue dans le monde ultra-concurrentiel de l’IA pour les entreprises, où OpenAI tente de consolider sa domination tout en sentant le souffle de Google dans le rétroviseur.

L’ascension fulgurante de ChatGPT dans les grandes entreprises

Depuis son lancement grand public en novembre 2022, ChatGPT a bouleversé notre rapport à l’information et à la productivité. Mais c’est dans le monde professionnel que l’outil prend aujourd’hui une dimension stratégique. Les dernières données publiées par OpenAI montrent une adoption massive au sein des organisations : le volume de messages échangés via ChatGPT Enterprise a été multiplié par 8 entre novembre 2024 et novembre 2025.

Ce n’est pas seulement une question de quantité. Les entreprises consomment désormais 320 fois plus de « reasoning tokens » – ces unités de calcul utilisées pour les tâches complexes d’analyse et de raisonnement. Autrement dit, on ne se contente plus de poser des questions simples : on demande à l’IA de résoudre des problèmes ardus, d’analyser des données volumineuses ou de générer des stratégies.

« Quand on regarde les technologies historiquement transformatrices comme la machine à vapeur, ce sont les entreprises qui les adoptent et les déploient à grande échelle qui génèrent les plus grands bénéfices économiques. »

Ronnie Chatterji, économiste en chef chez OpenAI

Cette citation illustre parfaitement la vision stratégique d’OpenAI : passer d’un outil grand public à une infrastructure essentielle pour les entreprises modernes.

Les custom GPTs : la clé de la personnalisation

L’une des évolutions les plus marquantes concerne les fameux custom GPTs. Ces assistants IA sur mesure, créés par les entreprises elles-mêmes, ont vu leur utilisation exploser : +1900 % en un an. Aujourd’hui, ils représentent environ 20 % de l’ensemble des interactions en entreprise.

Exemple concret : la banque espagnole BBVA déploie plus de 4 000 GPT personnalisés pour ses équipes. Ces assistants codifient le savoir-faire interne, automatisent des processus complexes et permettent de répondre instantanément aux demandes clients avec une précision inégalée.

  • Automatisation des workflows internes
  • Capitalisation du savoir-faire institutionnel
  • Réponses ultra-contextualisées aux clients
  • Réduction drastique du temps passé sur les tâches répétitives

Brad Lightcap, directeur des opérations chez OpenAI, insiste sur ce point :

« Cela montre à quel point les gens parviennent à prendre cette technologie puissante et à la personnaliser pour qu’elle devienne vraiment utile. »

Brad Lightcap, COO OpenAI

Une heure gagnée par jour : réalité ou promesse marketing ?

Selon les enquêtes menées par OpenAI auprès de ses clients entreprise, les utilisateurs déclarent économiser entre 40 et 60 minutes par jour. Ce gain de temps provient principalement de tâches comme la rédaction, la synthèse de documents, la recherche d’information ou encore la génération de code.

Cependant, il faut rester prudent. Ces chiffres ne prennent pas toujours en compte le temps d’apprentissage, la rédaction de prompts efficaces ou la vérification des réponses. De plus, l’utilisation massive de modèles avancés (notamment pour le raisonnement) entraîne une consommation énergétique et financière importante pour les entreprises.

Il est donc essentiel que les organisations mesurent précisément le retour sur investissement de ces outils, au-delà des gains de productivité déclarés.

La menace Google et le « code red » interne

Quelques jours avant la publication triomphale de ces chiffres, Sam Altman, PDG d’OpenAI, a envoyé un mémo interne classé « code red ». Le message ? Google représente désormais une menace sérieuse avec son modèle Gemini, qui gagne du terrain dans les entreprises et menace directement la base grand public d’OpenAI.

Alors que près de 36 % des entreprises américaines utilisent ChatGPT Enterprise (contre 14,3 % pour Anthropic selon l’indice Ramp AI), la majorité des revenus d’OpenAI provient encore des abonnements grand public. Si Google parvient à convertir ses milliards d’utilisateurs Gmail, Docs et Workspace vers Gemini, l’équilibre pourrait basculer rapidement.

L’enjeu des 1 400 milliards de dollars d’investissement

OpenAI a annoncé des engagements d’infrastructure colossaux : 1 400 milliards de dollars sur les prochaines années pour construire des data centers et développer des modèles toujours plus puissants. Pour rentabiliser ces investissements, l’entreprise doit absolument transformer ses utilisateurs grand public en clients payants professionnels.

C’est la raison pour laquelle la croissance de ChatGPT Enterprise est cruciale. Chaque entreprise qui adopte la plateforme représente un contrat annuel à plusieurs centaines de milliers, voire millions de dollars.

Le fossé entre « frontier workers » et « laggards »

OpenAI identifie clairement deux catégories d’utilisateurs : les « frontier workers » qui exploitent pleinement les capacités de l’IA, et les « laggards » qui se contentent d’usages basiques.

Les premiers gagnent beaucoup plus de temps, réalisent des tâches complexes et intègrent l’IA comme un véritable système d’exploitation de l’entreprise. Les seconds voient l’outil comme un simple logiciel de plus.

  • Adoption profonde et stratégique
  • Intégration dans les processus métiers
  • Formation continue des équipes
  • Création de GPTs personnalisés

Pour les retardataires, OpenAI présente cette transition comme une opportunité majeure. Mais pour les employés, elle peut aussi ressembler à une course contre la montre pour former l’IA à remplacer leur propre travail.

Les limites actuelles et les prochaines étapes

Malgré ces succès, de nombreux utilisateurs n’exploitent pas encore les fonctionnalités les plus avancées : analyse de données, raisonnement avancé, recherche web intégrée, etc. Brad Lightcap explique ce phénomène par la nécessité d’un véritable changement de paradigme et d’une refonte des processus internes.

Les entreprises doivent repenser leurs workflows, intégrer leurs données propriétaires et former leurs équipes. C’est un travail de longue haleine, mais essentiel pour tirer pleinement parti de ces technologies.

Sécurité et risques : le revers de la médaille

Avec l’essor du « vibe coding » – c’est-à-dire la génération de code par des non-développeurs – apparaissent de nouveaux risques : failles de sécurité, bugs, code obsolète, etc. OpenAI a récemment annoncé Aardvark, un chercheur de sécurité agentique en beta privée, censé détecter automatiquement ces vulnérabilités.

Ce type d’outil sera crucial pour maintenir la confiance des entreprises, surtout dans des secteurs réglementés comme la finance ou la santé.

Vers une IA véritablement intégrée aux entreprises

L’avenir semble prometteur pour OpenAI dans le domaine professionnel, à condition de maintenir son avance technologique et de convaincre les entreprises de passer à une adoption profonde.

Les mois à venir seront décisifs : entre la concurrence accrue de Google, l’émergence de nouveaux acteurs open-source et les exigences croissantes en matière de souveraineté des données, le paysage de l’IA entreprise est en pleine mutation.

Une chose est sûre : les organisations qui sauront véritablement intégrer ces outils comme un système d’exploitation de nouvelle génération seront celles qui creuseront l’écart avec leurs concurrents dans les années à venir.

Et vous, votre entreprise a-t-elle déjà franchi le pas vers une adoption massive de l’IA ?

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Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.