Imaginez la scène : il y a encore six mois, les startups chinoises chinoises pleuraient la perte des puces Nvidia dernier cri. Aujourd’hui, la plus puissante d’entre elles, la H200, vient d’être officiellement autorisée à franchir le Pacifique. Et c’est Donald Trump lui-même qui a donné le feu vert. Comment en est-on arrivé là ? Et surtout, qu’est-ce que cela change concrètement pour l’écosystème startup mondial ?
Le grand retournement que personne n’avait vu venir
Le 8 décembre 2025, le Department of Commerce a annoncé une nouvelle qui a fait l’effet d’une bombe dans la Silicon Valley et à Shenzhen : les exportations de la puce Nvidia H200 vers la Chine sont à nouveau autorisées, mais sous conditions strictes. Les clients chinois doivent être préalablement validés, les puces doivent avoir au moins 18 mois d’âge, et surtout… Washington prélève 25 % sur chaque vente.
Un porte-parole de Nvidia n’a pas caché sa satisfaction :
« Nous applaudissons la décision du président Trump qui permet à l’industrie américaine des semi-conducteurs de rester compétitive tout en créant des emplois hautement qualifiés aux États-Unis. »
Nvidia Spokesperson, 8 décembre 2025
En clair : l’Amérique vend, mais elle vend cher. Et elle vend en gardant le contrôle.
Pourquoi ce revirement brutal ?
Retour en arrière. Avril 2025 : l’administration Trump rétablit des licences d’export très restrictives héritées de Biden. Juin 2025 : la Chine riposte en interdisant purement et simplement l’achat de puces Nvidia par ses entreprises nationales. Résultat ? Les géants comme Baidu, Alibaba ou ByteDance se retrouvent à bricoler avec les H20 (version castrée) ou à se tourner vers les puces maison Ascend de Huawei et Cambricon.
Mais l’équation a changé en novembre. Xi Jinping aurait, selon Truth Social, « répondu positivement » à la proposition américaine. Traduction : Pékin accepte de rouvrir son marché en échange d’un accès (même limité) aux meilleures puces du moment.
La H200, c’est quoi exactement ?
Pour les non-initiés, la H200 est la version boostée de la célèbre H100. Elle embarque :
- 141 Go de mémoire HBM3e (contre 80 Go sur H100)
- Bande passante mémoire de 4,8 To/s (+40 %)
- Performance en inférence multipliée par 1,8 sur les grands modèles de langage
- Consommation électrique identique (700 W)
En résumé : c’est actuellement la puce la plus efficace au monde pour entraîner et faire tourner les LLM de plusieurs centaines de milliards de paramètres. DeepSeek, Moonshot AI ou Zhipu AI en rêvaient pour rester dans la course face à OpenAI, Anthropic ou xAI.
Les vraies gagnantes : les startups chinoises de l’IA
Depuis l’embargo total, les licornes chinoises avaient pris un retard technique estimé entre 9 et 18 mois selon les analystes de Bernstein. Avec l’arrivée des H200 (même âgées de 18 mois), ce gap pourrait fondre en quelques trimestres seulement.
Exemple concret : DeepSeek, qui a sorti son modèle DeepSeek-V3 (671 milliards de paramètres) en open-source début 2025, tournait jusqu’ici sur un mix de H20 et de puces Huawei. Résultat ? Un coût d’inférence 3 à 4 fois supérieur à celui de GPT-4o. Avec des H200, l’entreprise pourrait proposer des API à prix cassés et reconquérir le marché asiatique.
Autre bénéficiaire attendu : 01.AI de Lee Kai-Fu, MiniMax, ou encore Baichuan Intelligence. Toutes ces structures ont levé des centaines de millions ces derniers mois précisément pour pouvoir acheter des clusters massifs dès que la porte s’entrouvrirait.
Et la France dans tout ça ?
Paradoxalement, l’ouverture chinoise pourrait profiter… aux startups françaises. Mistral AI, LightOn ou Dust ont déjà des accords de distribution en Asie. Avec des data centers singapouriens ou hongkongais équipés de H200 pourraient devenir des points de rebond pour héberger des modèles européens à moindre coût.
Aleph Alpha (Allemagne) et Silo AI (Finlande) regardent aussi cette brèche avec intérêt. L’Europe, coincée entre les restrictions américaines et l’absence de fondeur local, pourrait utiliser la Chine comme cheval de Troie technologique.
Le Congrès américain furieux
Tout le monde n’applaudit pas. Le 4 décembre, les sénateurs Pete Ricketts (républicain) et Chris Coons (démocrate) déposaient le « SAFE Chips Act » : un texte visant à bloquer toute exportation de puces avancées vers la Chine pendant… 30 mois.
Le timing est savoureux : quatre jours plus tard, Trump signe l’autorisation. Le message est clair : sur les semi-conducteurs, le président reprend la main sur le Congrès.
Quel modèle économique pour Nvidia ?
La firme de Jensen Huang sort grande gagnante. Même avec 25 % de taxe, les marges restent colossales. Estimation de Wedbush Securities : chaque cluster de 10 000 H200 vendu à un hyperscale chinois rapporterait encore plus de 300 millions de dollars de marge brute à Nvidia.
Cerise sur le gâteau : les puces vendues seront des modèles déjà amortis (18 mois), donc fabriqués à moindre coût chez TSMC. Nvidia transforme ses stocks dormants en cash machine.
Vers une fragmentation définitive du marché IA ?
On assiste peut-être à la fin de l’ère du « one world, one stack ». Trois blocs se dessinent :
- États-Unis + alliés proches : accès total aux dernières puces (Blackwell, Rubin…)
- Chine : accès limité aux générations N-1 ou N-2 avec taxe
- Reste du monde : marché gris via Singapour, Dubaï, etc.
Les startups devront choisir leur camp très tôt. Une entreprise qui entraîne sur H200 chinois aura du mal à migrer ensuite vers Blackwell ultra-restreint, et vice-versa.
Et demain ?
Les regards se tournent maintenant vers la prochaine puce Nvidia, la B100 (Blackwell). Va-t-elle suivre le même chemin ? Les rumeurs parlent déjà d’une taxe encore plus élevée (35 %) ou d’une interdiction pure et simple.
Une chose est sûre : la guerre froide technologique entre Washington et Pékin vient d’entrer dans une phase « chaude négociée ». Les startups, elles, n’ont plus qu’à choisir leur terrain de jeu.
Et vous, pensez-vous que cet accord va relancer la compétition mondiale ou au contraire creuser un fossé irréversible ? Les commentaires sont ouverts.