Imaginez cela : il y a deux ans encore, Meta supprimait purement et simplement l’onglet « News » de Facebook dans plusieurs pays et annonçait qu’il ne paierait plus un centime aux éditeurs de presse. Fast forward décembre 2025 et voilà que la firme de Mark Zuckerberg signe des accords commerciaux avec certains des plus grands noms du journalisme mondial pour… nourrir son intelligence artificielle en actualités brûlantes. Le grand retournement de veste a un nom : Meta AI a besoin de carburant frais, et il est prêt à payer pour l’avoir.

Meta AI passe à la vitesse supérieure avec les actualités en temps réel

Le 5 décembre 2025, Meta a officiellement annoncé des partenariats avec CNN, Fox News, Fox Sports, Le Monde Group, le groupe People, The Daily Caller, The Washington Examiner et USA Today. L’objectif est clair : quand vous posez une question d’actualité à Meta AI (dans WhatsApp, Instagram, Facebook ou l’application dédiée), l’assistant sera capable de répondre avec des informations ultra-récentes et renverra directement vers les articles des éditeurs partenaires.

Concrètement, cela signifie que Meta AI ne se contentera plus de connaissances figées à la date de son dernier entraînement. Il aura accès, en temps réel, à un flux continu d’actualités vérifiées et diversifiées. Un virage à 180 degrés qui fait sourire quand on se souvient que Meta avait été l’un des plus virulents défenseurs du « fair use » face aux plaintes des médias sur l’utilisation de leurs contenus pour entraîner les grands modèles de langage.

Pourquoi Meta fait soudainement ami-ami avec les médias qu’il snobait ?

La réponse tient en trois lettres : GPT. Plus précisément, la concurrence féroce menée par OpenAI et son partenariat stratégique avec News Corp, Axel Springer et bientôt, semble-t-il, une grande partie de la presse mondiale. ChatGPT a montré la voie : les utilisateurs adorent poser des questions d’actualité à leur assistant et obtenir des réponses à jour, sourcées, claires.

Meta, qui avait misé très fort sur son modèle open-source Llama, s’est retrouvé distancé sur la partie « actualité temps réel ». Le lancement catastrophique de Llama 4 au printemps 2025 (ralentissements, réponses hors-sujet, hallucinations fréquentes) avait déjà fait grincer des dents. Impossible de laisser ChatGPT, Gemini et Claude prendre seuls ce marché juteux.

« Real-time events can be challenging for current AI systems to keep up with. By integrating more and different types of news sources, our aim is to improve Meta AI’s ability to deliver timely and relevant content. »

Meta, communiqué officiel du 5 décembre 2025

Que gagnent exactement les éditeurs dans l’histoire ?

De l’argent, évidemment. Même si Meta reste discret sur les montants, on parle de licences commerciales classiques : les éditeurs sont payés pour autoriser l’utilisation de leur contenu en temps réel par l’IA. Mais il y a plus intéressant encore.

  • Des liens directs vers leurs articles dans chaque réponse Meta AI
  • Une visibilité énorme auprès des 3,5 milliards d’utilisateurs mensuels des apps Meta
  • Une promesse de trafic qualifié (les utilisateurs qui cliquent sont déjà intéressés)
  • Une forme de légitimité : être sélectionné comme source « fiable » par Meta

Pour les médias en difficulté financière, c’est une bouffée d’oxygène. Pour les groupes plus puissants comme Gannett (USA Today) ou Le Monde, c’est une nouvelle source de revenus dans un écosystème où la publicité programmatique s’effondre.

Un choix de partenaires qui en dit long sur la stratégie

Regardez la liste : CNN et Fox News côte à côte. The Daily Caller (droite conservatrice) et Le Monde (centre-gauche français). People et Fox Sports. Meta a clairement choisi la diversité idéologique et thématique. L’objectif affiché : offrir des points de vue variés et éviter les accusations de biais que subissent régulièrement les grands modèles d’IA.

En pratique, quand vous demanderez « Que s’est-il passé aujourd’hui aux États-Unis ? », Meta AI pourra citer à la fois CNN et Fox News, parfois même dans la même réponse, avec des liens vers les deux sources. Un positionnement « neutre par la diversité » qui rappelle étrangement la stratégie adoptée par X (ex-Twitter) avec son Community Notes.

Et les petits médias dans tout ça ?

Pour l’instant, Meta a choisi des partenaires établis, souvent américains ou européens majeurs. Les médias locaux, indépendants ou pure players risquent de rester sur le bord de la route… à moins que la seconde vague d’accords, promise pour 2026, ne s’ouvre davantage.

Certains observateurs y voient déjà le risque d’une concentration encore plus forte : seuls les médias capables de négocier (donc les gros) auront leur place dans les réponses des IA grand public. Les autres devront se contenter des miettes de trafic SEO traditionnel, de plus en plus maigre.

Qu’est-ce que ça change pour vous, utilisateur lambda ?

À court terme : des réponses bien plus pertinentes sur l’actualité. Fini les « Je n’ai pas d’information après 2023 ». Meta AI devient enfin un concurrent sérieux de ChatGPT sur les questions brûlantes.

À moyen terme : probablement l’arrivée de nouvelles fonctionnalités. On imagine déjà des résumés d’actualité personnalisés dans WhatsApp, des alertes breaking news intégrées à Instagram, ou même des stories générées automatiquement à partir des articles partenaires.

FonctionnalitéAvant décembre 2025Maintenant
Réponses actualitésLimitées à la connaissance interneFlux temps réel + liens sources
Sources citéesRarementToujours avec lien éditeur
Diversité politiqueAléatoireChoix éditorial assumé
Trafic pour les médiasQuasi nulPotentiellement massif

Et la concurrence, elle réagit comment ?

OpenAI avait pris de l’avance avec ses accords (Le Monde était déjà partenaire de ChatGPT). Google a Gemini qui indexe le web en continu. Anthropic et Perplexity misent sur la transparence des sources. Chacun tente de se différencier.

Mais Meta a un atout que personne n’a : 3,5 milliards d’utilisateurs déjà connectés dans ses applications. Si Meta AI devient la porte d’entrée par défaut pour les questions d’actualité sur WhatsApp et Instagram, la partie est presque gagnée.

Le grand paradoxe de 2025

Les mêmes plateformes qui ont tué le journalisme traditionnel (en captant 80 % des budgets publicitaires numériques) reviennent aujourd’hui, chéquier en main, pour le sauver… à condition qu’il alimente leurs IA. C’est cynique ? Peut-être. C’est efficace ? Assurément.

Et pendant ce temps, les utilisateurs y gagnent : des réponses plus fiables, des médias qui touchent enfin quelques revenus, et une IA qui comprend enfin que le monde ne s’est pas arrêté en 2023.

2026 s’annonce passionnant. La prochaine question : qui Meta va-t-il ajouter à sa liste ? Le New York Times ? Reuters ? Des médias africains ou asiatiques ? Une chose est sûre : la guerre des actualités dans l’IA ne fait que commencer.

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Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.