Imaginez une soirée de décembre en Californie, l’air est frais, les verres tintent, et une centaine de personnes écoutent, bouche bée, des entrepreneurs expliquer calmement comment ils sont en train de réécrire les lois de la physique, de la biologie et de l’informatique. C’est exactement ce qui s’est passé mercredi soir à Palo Alto lors de la toute dernière soirée StrictlyVC de 2025, organisée chez PlayGround Global. Et franchement, on en ressort avec l’impression que 2035 va nous tomber dessus bien plus vite que prévu.

Les cinq visions qui ont secoué Palo Alto

Pas de slides interminables, pas de jargon marketing : juste des fondateurs et des investisseurs qui savent de quoi ils parlent, parce qu’ils le construisent déjà. Voici les moments qui ont marqué les esprits.

xLight : ramener la fabrication des puces extrêmes aux États-Unis

Nicholas Kelez a passé vingt ans à construire des accélérateurs de particules pour le Département de l’Énergie américain. Aujourd’hui, il attaque le problème le plus stratégique du moment : chaque puce avancée au monde dépend d’une seule machine à 400 millions de dollars fabriquée… aux Pays-Bas par ASML. Pire, c’est une invention américaine vendue à l’Europe il y a trente ans.

xLight veut changer ça. L’idée ? Utiliser des technologies d’accélérateurs de particules pour créer la prochaine génération de machines de lithographie extrême ultraviolette (EUV) made in USA. Oui, c’est aussi technique que ça en a l’air. Non, ce n’est pas de la science-fiction : les premiers prototypes tournent déjà.

On ne construit pas juste une entreprise. On reconstruit une capacité souveraine que l’Amérique a perdue.

Nicholas Kelez, fondateur de xLight

Dans la salle, plusieurs investisseurs ont avoué après coup que c’était la première fois qu’ils comprenaient réellement pourquoi les États-Unis paniquent sur les semi-conducteurs. Et pourquoi la concurrence (y compris chinoise) est déjà lancée sur le même créneau.

Sandbar : la bague qui transforme vos murmures en texte

Mina Fahmi et Kirak Hong ne sont pas des inconnus : Meta les a rachetés il y a quelques années précisément pour travailler sur… exactement ça. Leur nouvelle société, Sandbar, sort tout juste de stealth avec la Stream Ring.

Le concept est simple sur le papier : vous portez une bague. Vous murmurez (ou même pensez très fort) une idée. La bague capte les micro-mouvements de votre gorge et de votre mâchoire, les transforme en texte et les envoie directement dans vos notes, mails ou messages. Pas de « Hey Siri », pas de bouton à presser.

  • Capture les pensées sans interrompre ce que vous faites
  • Fonctionne même si vous marchez dans la rue ou êtes en réunion
  • Préserve votre vie privée : rien n’est envoyé dans le cloud tant que vous ne le décidez pas
  • Backé par Toni Schneider (ex-WordPress, True Ventures)

Dans la salle, la réaction a oscillé entre « c’est flippant » et « shut up and take my money ». Mina Fahmi a été clair : ce n’est pas un gadget, c’est une extension cognitive. Et quand on voit Peloton, Ring et Fitbit dans le portfolio du même investisseur, on se dit que ça mérite toute notre attention.

Science Corp : redonner la vue et aller bien plus loin

Max Hodak n’a plus besoin d’être présenté. Cofondateur de Neuralink (il est parti avant les premiers implants humains), il a fondé Science Corporation pour aller plus vite et plus loin. Résultat : plusieurs dizaines de personnes aveugles ont retrouvé une forme de vision grâce à ses implants rétiniens.

Mais ce n’est que l’échauffement. Sur scène, il a présenté la prochaine étape : des interfaces cerveau-machine « biohybrides ». L’idée ? Implanter une puce recouverte de cellules souches qui vont littéralement pousser et s’intégrer au tissu cérébral. Objectif : permettre à des personnes paralysées de contrôler des appareils par la pensée, avec une résolution bien supérieure aux technologies actuelles.

Son horizon ? 2035. Et selon lui, cette décennie va ressembler à ce que les années 2010-2020 ont été pour les smartphones : une transformation totale de ce que signifie être humain.

Dans dix ans, ne pas avoir d’implant sera aussi bizarre que de ne pas avoir de smartphone aujourd’hui.

Max Hodak, fondateur de Science Corp

Les VC qui disent que tout le monde se trompe (encore)

Chi-Hua Chien (Goodwater Capital) et Elizabeth Weil (Scribble Ventures) ont un palmarès qui donne le vertige : Twitter, Spotify, TikTok, Slack, SpaceX, Figma, Coinbase… tous investis avant qu’ils ne deviennent évidents.

Leur message ce soir-là ? Silicon Valley est en train de répéter l’erreur de 2021 : tout l’argent se concentre sur l’IA entreprise alors que les véritables ruptures se passent ailleurs – dans la biologie, les matériaux, l’énergie et les interfaces humain-machine.

Elizabeth Weil l’a résumé en une phrase qui a fait rire jaune la salle :

On finance des chatbots qui rédigent des mails pendant que d’autres reconstruisent la capacité industrielle américaine et redonnent la vue aux aveugles. Devinez qui va gagner la décennie.

Elizabeth Weil, Scribble Ventures

Pourquoi cette soirée était historique

Ce qui rend StrictlyVC différent, c’est le timing. Connie Loizos et son équipe ont toujours eu le don de réunir les gens exactement au moment où leurs projets passent du « fou » au « inévitable ». Sam Altman qui explique en 2019 qu’OpenAI construira l’AGI puis demandera à l’AGI comment gagner de l’argent ? C’était ici. Les premiers pas publics de nombreuses licornes ? Souvent ici.

Cette édition 2025 marque probablement la fin d’un cycle : l’ère des applications grand public est derrière nous. La prochaine vague sera physique, biologique, atomique. Et elle a déjà commencé.

En sortant de PlayGround Global, un investisseur connu résumait parfaitement l’ambiance :

« J’ai l’impression d’avoir vu 2010 pour la deeptech. »

Si vous voulez comprendre où va vraiment le monde en 2030, oubliez les keynotes géantes. Les vraies conversations ont lieu dans des salles de 150 personnes, à Palo Alto, un mercredi soir de décembre.

Et quelque part, c’est terriblement excitant.

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Steven Soarez
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