Vous êtes dans une soirée, vous entrez avec des amis dans un photobooth pour immortaliser l’instant avec des poses délirantes. Les photos sortent, vous riez, et hop, direction les réseaux sociaux… ou pas. Et si ces clichés privés finissaient visibles par n’importe qui sur internet, sans que vous le sachiez ? C’est précisément ce qui s’est produit pour des milliers de clients d’une entreprise spécialisée dans ces cabines photo modernes.

Cette histoire, révélée récemment, met en lumière un problème récurrent dans le monde des startups technologiques : une faille de sécurité apparemment anodine peut avoir des conséquences graves sur la vie privée des utilisateurs. Plongeons dans les détails de cette affaire qui illustre parfaitement les défis auxquels font face les jeunes entreprises innovantes.

Une vulnérabilité qui expose des souvenirs intimes

Hama Film est une marque appartenant à Vibecast, une entreprise qui propose des photobooths nouvelle génération. Ces cabines ne se contentent pas d’imprimer des bandes photo : elles uploadent automatiquement les images et vidéos sur des serveurs distants, permettant aux clients de les récupérer plus tard via un site web. Pratique, certes, mais risqué si la sécurité n’est pas au rendez-vous.

Un chercheur en sécurité, connu sous le pseudonyme Zeacer, a découvert une faille simple mais critique dans la conception du site de stockage. Sans entrer dans les détails techniques précis – pour éviter d’aider d’éventuels acteurs malveillants –, cette vulnérabilité permettait d’accéder librement à l’ensemble des photos et vidéos uploadées, sans aucune authentification solide.

Zeacer a pu consulter des milliers d’images, principalement des groupes de jeunes gens s’amusant lors d’événements. Des souvenirs joyeux, souvent personnels, soudain exposés au grand jour. Le chercheur a alerté l’entreprise dès octobre, puis les journalistes fin novembre, sans obtenir de réponse rapide.

Comment une telle faille a-t-elle pu passer inaperçue ?

Dans le rush du développement, nombreuses sont les startups qui privilégient la rapidité de mise sur le marché au détriment de la sécurité. Les photobooths d’Hama Film sont déployés dans plusieurs pays : Australie, Émirats arabes unis, États-Unis. L’entreprise s’est concentrée sur l’expérience utilisateur – partage facile, accès rapide – mais a négligé des mesures élémentaires.

Parmi les pratiques absentes : une limitation de taux (rate limiting) efficace, qui empêche les requêtes automatisées massives, ou encore une authentification robuste pour chaque galerie privée. Résultat ? Un script simple pouvait télécharger quotidiennement tout le contenu des serveurs.

Une faille apparemment banale peut transformer un service ludique en cauchemar pour la privacy des utilisateurs.

Observation tirée de nombreux incidents similaires

L’évolution de la réponse de l’entreprise

Initialement, les photos restaient en ligne deux à trois semaines avant suppression automatique. Zeacer a observé jusqu’à plus de 1 000 images rien que pour les cabines de Melbourne. Suite à ses alertes, la durée de conservation a été réduite à 24 heures, limitant ainsi la fenêtre d’exposition.

Cependant, cette mesure reste insuffisante : la vulnérabilité fondamentale persistait au moment de la publication de l’article original. Un attaquant déterminé pouvait encore exploiter la brèche chaque jour pour récupérer les nouvelles uploads. À ce jour, aucune communication officielle n’a été faite par Vibecast.

Cette absence de réaction rapide est malheureusement courante chez certaines jeunes entreprises. Les fondateurs, souvent focalisés sur la croissance et le financement, relèguent parfois la cybersécurité au second plan.

Les risques réels pour les clients

Bien que les photos montrent majoritairement des moments festifs, elles contiennent des visages reconnaissables, parfois d’enfants ou d’adolescents. Dans un monde où les données faciales sont précieuses pour les systèmes de reconnaissance, une telle exposition n’est pas anodine.

  • Usurpation d’identité potentielle via les métadonnées des images.
  • Utilisation malveillante pour du harcèlement ciblé.
  • Revende sur le dark web à des fins publicitaires ou pire.
  • Simple atteinte à la vie privée, avec des souvenirs personnels rendus publics.

Même si aucun cas d’exploitation massive n’a été rapporté ici, le risque existait bel et bien. Et dans le domaine de la cybersécurité, le principe est clair : mieux vaut prévenir que guérir.

Un problème plus large dans l’écosystème startup

Cette affaire n’est pas isolée. Récemment, d’autres incidents ont montré des lacunes similaires chez des entreprises pourtant établies. Par exemple, un grand prestataire américain pour les tribunaux n’avait pas mis en place de rate limiting, permettant l’accès non autorisé à des données sensibles de jurés.

Dans les startups, le phénomène est amplifié par plusieurs facteurs :

  • Équipes techniques réduites, souvent sans expert dédié à la sécurité.
  • Pression des investisseurs pour un lancement rapide (move fast and break things).
  • Manque de budget alloué aux audits de sécurité externes.
  • Priorité donnée aux fonctionnalités visibles plutôt qu’à l’infrastructure invisible.

Pourtant, les conséquences peuvent être désastreuses : perte de confiance des clients, amendes RGPD en Europe, poursuites judiciaires, voire fermeture de l’entreprise.

Bonnes pratiques à adopter dès le départ

Pour éviter ce genre de déconvenue, toute startup manipulant des données personnelles devrait intégrer la sécurité dès la conception (security by design). Voici quelques recommandations concrètes :

  1. Effectuer des audits réguliers par des experts externes.
  2. Implémenter le rate limiting sur toutes les API publiques.
  3. Utiliser des identifiants uniques et complexes pour chaque galerie privée.
  4. Chiffrer les données au repos et en transit.
  5. Former l’équipe aux bases de la cybersécurité.
  6. Mettre en place un processus de bug bounty ou de responsable disclosure.

Ces mesures, bien que coûtant du temps et de l’argent au départ, représentent une assurance précieuse à long terme.

Le rôle crucial des chercheurs en sécurité

Zeacer, comme de nombreux white hats, joue un rôle essentiel dans l’écosystème. En découvrant et signalant responsablement les failles, ces chercheurs aident les entreprises à se protéger avant qu’un acteur malveillant n’exploite la vulnérabilité.

Malheureusement, toutes les sociétés ne réagissent pas positivement. Certaines ignorent les alertes, d’autres menacent même les chercheurs. Pourtant, une politique de responsible disclosure claire encourage la collaboration et renforce la sécurité globale d’internet.

La cybersécurité n’est pas un coût, c’est un investissement indispensable pour toute entreprise moderne.

Expert anonyme du secteur

Perspectives pour Hama Film et Vibecast

Espérons que cette exposition médiatique aura poussé l’entreprise à corriger définitivement la faille. Une communication transparente auprès des clients affectés serait également la bienvenue : explication de l’incident, mesures prises, conseils pour surveiller d’éventuelles utilisations abusives de leurs images.

Sur le plan business, cet incident pourrait freiner la croissance internationale de la marque. Les organisateurs d’événements et les lieux qui louent ces photobooths seront certainement plus vigilants quant à la protection des données de leurs invités.

Mais une réaction exemplaire pourrait aussi transformer cette crise en opportunité : démontrer une maturité nouvelle en matière de sécurité et regagner la confiance.

Leçons pour tous les entrepreneurs tech

Cette histoire d’Hama Film nous rappelle que l’innovation ne doit jamais se faire au détriment de la confiance. Dans un monde où les données personnelles sont au cœur de nombreux services, la cybersécurité doit être une priorité stratégique dès le premier jour.

Que vous développiez une application de partage photo, un service SaaS ou un objet connecté, intégrez la sécurité dans votre ADN. Vos utilisateurs vous en seront reconnaissants, et votre entreprise en sortira renforcée.

La prochaine fois que vous poserez devant un photobooth, pensez-y : derrière le fun se cache parfois une infrastructure fragile. Et espérons que les entreprises concernées auront tiré les leçons nécessaires.

(Note : cet article est basé sur des informations publiques disponibles en décembre 2025. La situation technique chez Hama Film a peut-être évolué depuis.)

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Steven Soarez
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