Imaginez un monde où des hackers invisibles, tapis dans l’ombre du numérique, s’infiltrent dans les réseaux gouvernementaux avec une précision chirurgicale. En 2014, une découverte a secoué le monde de la cybersécurité : un groupe mystérieux, baptisé Careto, opérait dans l’anonymat, ciblant des institutions sensibles à travers le globe. Ce n’était pas un groupe de cybercriminels ordinaires, mais une entité sophistiquée, soupçonnée d’être orchestrée par un acteur étatique. Et si ce n’était pas n’importe quel État, mais l’Espagne ? Plongez dans l’histoire fascinante de Careto, une opération d’espionnage numérique qui redéfinit les frontières de la guerre invisible.

Careto : Une Menace Numérique Élitiste

Lorsque les chercheurs de Kaspersky, une entreprise de cybersécurité de renom, ont détecté Careto il y a plus d’une décennie, ils ont été stupéfaits par la complexité de ses outils. Ce groupe, dont le nom tire son origine d’un terme d’argot espagnol signifiant « visage laid » ou « masque », utilisait un malware capable de s’infiltrer dans des systèmes Windows, Mac, Linux, et même des appareils mobiles. Mais ce qui rendait Careto unique, c’était sa capacité à rester indétectable, volant des données sensibles comme des conversations Skype, des clés de chiffrement, et même des configurations VPN.

Contrairement aux cybercriminels traditionnels, Careto ne cherchait pas à extorquer de l’argent. Ses cibles ? Des gouvernements, des ambassades, des entreprises énergétiques, et même des activistes. Cette précision dans le choix des victimes laissait peu de doute : Careto était l’outil d’un acteur puissant, probablement étatique.

Les Origines Espagnoles de Careto

Si Careto est resté dans l’ombre pendant des années, des indices ont peu à peu pointé vers l’Espagne. Selon plusieurs sources internes à Kaspersky, les chercheurs étaient convaincus que ce groupe opérait sous les ordres du gouvernement espagnol. Pourquoi cette certitude ? Tout a commencé avec une victime bien particulière : un employé du gouvernement cubain, surnommé le « patient zéro ».

Il n’y avait aucun doute raisonnable, Careto était lié à l’Espagne.

Ancien employé de Kaspersky

Ce lien avec Cuba n’était pas anodin. À l’époque, des membres de l’organisation terroriste basque ETA trouvaient refuge à Cuba, un sujet sensible pour l’Espagne. Les chercheurs ont découvert que Careto ciblait principalement une institution gouvernementale cubaine, ce qui renforçait l’hypothèse d’un intérêt géopolitique espagnol. D’autres cibles, comme Gibraltar, territoire revendiqué par l’Espagne, et le Maroc, avec ses tensions territoriales, venaient compléter ce tableau.

Les Techniques d’Infiltration de Careto

Ce qui distingue Careto, c’est son arsenal technologique. Le groupe utilisait des techniques de spearphishing, envoyant des emails piégés imitant des journaux espagnols comme El País ou El Mundo. Ces emails contenaient des liens malveillants qui, une fois cliqués, installaient un malware sophistiqué, redirigeant ensuite la victime vers un site légitime pour ne pas éveiller les soupçons.

Le malware de Careto était un véritable chef-d’œuvre. Il pouvait :

  • Activer discrètement le microphone d’un ordinateur pour enregistrer les conversations.
  • Voler des fichiers personnels, des historiques de navigation, et des cookies de session.
  • Capturer des captures d’écran et des conversations cryptées.
  • Exploiter des vulnérabilités dans des logiciels, y compris une ancienne version de l’antivirus Kaspersky.

Ces capacités en faisaient l’une des menaces les plus avancées de son temps, comparable aux outils développés par des agences comme la NSA ou la CIA.

Un Masque aux Couleurs Espagnoles

Les indices pointant vers l’Espagne ne s’arrêtaient pas aux cibles. Les chercheurs ont trouvé dans le code du malware une expression typiquement espagnole : Caguen1aMar, une version contractée de « me cago en la mar », un juron courant en Espagne. De plus, Kaspersky a accompagné son rapport de 2014 d’une illustration évocatrice : un masque orné de cornes de taureau, de castagnettes, et des couleurs rouge et jaune du drapeau espagnol.

Ces éléments, bien que subtils, étaient des clins d’œil délibérés. Pourtant, Kaspersky a choisi de ne pas attribuer officiellement Careto à l’Espagne, respectant une politique stricte de non-attribution. Comme l’a expliqué un ancien employé : « Nous savions qui était derrière, mais nous ne voulions pas exposer un gouvernement. »

Cuba : Une Cible Stratégique

Pourquoi Cuba était-elle au cœur des opérations de Careto ? Les relations entre l’Espagne et Cuba ont toujours été complexes, marquées par des intérêts historiques et géopolitiques. À l’époque de la découverte de Careto, des fuites diplomatiques américaines révélaient que Cuba abritait des membres d’ETA, un sujet brûlant pour Madrid. De plus, l’Espagne cherchait à renforcer ses relations économiques avec l’Amérique latine, notamment au Brésil, où Careto a également frappé.

En 2014, Kaspersky a noté que Cuba comptait le plus grand nombre de victimes, toutes appartenant à une seule institution gouvernementale. Cette focalisation suggérait un intérêt stratégique précis, probablement lié à la surveillance des activités d’ETA ou d’autres enjeux politiques.

L’Art de Disparaître

Lorsque Kaspersky a publié son rapport en 2014, Careto a réagi avec une rapidité déconcertante. En quelques heures, le groupe a démantelé son infrastructure, effaçant ses journaux et disparaissant complètement. Cette capacité à « faire table rase » est rare, même parmi les groupes de hackers les plus sophistiqués.

Ils ont tout détruit de manière systématique et rapide. Boum, tout était fini.

Ancien employé de Kaspersky

Cette disparition n’était pas un signe de faiblesse, mais de maîtrise. Seuls les groupes d’élite, souvent soutenus par des gouvernements, peuvent orchestrer une telle opération de repli.

Le Retour de Careto

Après une décennie de silence, Careto a refait surface en 2024, prouvant que ses compétences n’avaient rien perdu de leur éclat. Kaspersky a détecté de nouvelles attaques contre une organisation en Amérique latine et une autre en Afrique centrale. Les techniques utilisées rappelaient celles d’il y a dix ans : des noms de fichiers similaires, des tactiques d’infiltration identiques, mais avec une prudence accrue.

Dans l’une des attaques, les hackers ont compromis un serveur de messagerie, déployant un malware capable d’enregistrer via le microphone et de voler des données sensibles. Malgré ces nouvelles découvertes, Kaspersky reste prudent, attribuant les attaques à Careto avec une « confiance moyenne à élevée » sans désigner explicitement un État.

Pourquoi Careto Fascine-t-il ?

Ce qui rend Careto si captivant, c’est son mélange de discrétion et de sophistication. Comparé à des groupes comme Lazarus (Corée du Nord) ou APT41 (Chine), Careto opère à une échelle plus réduite, mais avec une précision inégalée. Comme l’a souligné Georgy Kucherin, chercheur chez Kaspersky : « Leurs attaques sont un chef-d’œuvre. »

Voici un aperçu des raisons pour lesquelles Careto se distingue :

CaractéristiqueDescriptionImpact
Précision des ciblesGouvernements, ambassades, activistesEspionnage stratégique
Technologie avancéeMalware multi-plateforme, phishing sophistiquéCollecte de données sensibles
DiscrétionEffacement rapide des tracesDifficulté d’attribution

Ce tableau illustre pourquoi Careto reste une référence dans le monde du cyberespionnage. Sa capacité à opérer dans l’ombre tout en visant des cibles stratégiques en fait un acteur redoutable.

Les Enjeux de la Cybersécurité Moderne

L’histoire de Careto soulève des questions cruciales sur la cybersécurité à l’ère des conflits numériques. Les gouvernements, autrefois cantonnés à des guerres physiques, mènent désormais des batailles invisibles dans le cyberespace. Careto n’est qu’un exemple parmi d’autres, aux côtés de groupes comme Equation Group (États-Unis) ou Animal Farm (France).

Pour les entreprises et les institutions, la menace est claire : aucun système n’est totalement à l’abri. Les techniques de Careto, comme le spearphishing ou l’exploitation de failles logicielles, rappellent l’importance d’une vigilance constante et d’une protection robuste.

Que Nous Réserve l’Avenir ?

Le retour de Careto en 2024 montre que les groupes de cyberespionnage ne disparaissent jamais vraiment. Ils évoluent, s’adaptent, et reviennent plus forts. À mesure que la technologie progresse, les outils de ces hackers deviennent encore plus sophistiqués, rendant leur détection encore plus difficile.

Pour les gouvernements et les entreprises, l’enjeu est de taille : comment se protéger face à des adversaires aussi insaisissables ? Investir dans des solutions de cybersécurité avancées, former les employés à reconnaître les attaques de phishing, et collaborer avec des experts comme Kaspersky sont des étapes essentielles.

L’histoire de Careto est un rappel brutal : dans le monde numérique, les masques tombent rarement, mais les enjeux, eux, sont bien réels.

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Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.