Imaginez une entreprise française qui, partie d’un simple outil d’emailing pour petites structures, se retrouve treize ans plus tard à défier les géants américains du CRM sur leur propre marché. C’est exactement ce qui arrive à Brevo, cette startup parisienne qui vient d’annoncer une levée de fonds colossale et d’entrer dans le très select club des licornes. L’histoire semble presque trop belle pour être vraie, et pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Brevo : La nouvelle licorne française qui vise les étoiles du CRM

Le 3 décembre 2025, Brevo a franché un cap historique. Avec une levée de 583 millions de dollars (environ 500 millions d’euros), l’entreprise fondée par Armand Thiberge devient officiellement une licorne, ces startups valorisées à plus d’un milliard de dollars. Mais derrière ce statut symbolique se cache une ambition bien plus grande : devenir un leader mondial du CRM capable de rivaliser avec Salesforce et HubSpot.

Ce n’est pas un rêve d’entrepreneur isolé. Brevo dispose déjà d’une base solide : plus de 600 000 clients dans le monde, des références comme Carrefour, eBay ou H&M, et un chiffre d’affaires annuel récurrent qui a dépassé les 200 millions d’euros avant même la fin 2025.

Des débuts modestes à une plateforme tout-en-un

Tout a commencé en 2012 sous le nom de Sendinblue. À l’époque, l’entreprise proposait une solution simple d’email marketing destinée aux petites entreprises qui n’avaient pas les moyens de s’offrir les outils complexes et coûteux des leaders du marché. Le positionnement était clair : offrir une alternative accessible, intuitive et efficace.

Mais Armand Thiberge et son équipe ne se sont pas arrêtés là. Progressivement, ils ont enrichi la plateforme avec de nouvelles fonctionnalités : automation marketing, gestion de bases de données clients, envoi de SMS, WhatsApp, live chat, notifications push, et même des appels intégrés. Sendinblue est devenu Brevo en 2023, un nom qui reflète mieux l’étendue de ses ambitions.

Aujourd’hui, Brevo se positionne comme une plateforme all-in-one pour la relation client, capable de servir aussi bien les très petites entreprises que les structures mid-market. Cette double cible n’est pas toujours évidente à gérer, mais elle constitue un véritable avantage concurrentiel selon le CEO.

« Celui qui a le meilleur produit gagne, et c’est une course pour savoir qui pourra proposer le produit à la fois le plus complet et le plus simple d’utilisation. »

Armand Thiberge, CEO de Brevo

Cette philosophie produit-centrée semble porter ses fruits. Brevo revendique une marge EBITDA à deux chiffres, preuve que la croissance n’est pas seulement rapide, mais aussi rentable.

Une levée de fonds stratégique pour accélérer la conquête mondiale

Les 583 millions de dollars fraîchement levés ne sont pas destinés à être brûlés sans réflexion. Brevo a déjà un plan précis pour utiliser cet argent et consolider sa position.

  • Plus de 100 millions d’euros dédiés à la croissance aux États-Unis, marché qui représente aujourd’hui seulement 15 % du chiffre d’affaires mais 50 % du marché mondial du CRM.
  • Un investissement de 50 millions d’euros sur cinq ans dans l’intelligence artificielle pour enrichir les fonctionnalités de la plateforme.
  • Une stratégie d’acquisitions renforcée : les 11 rachats déjà réalisés ont prouvé leur efficacité, et les acquisitions devraient contribuer à 45 % de l’objectif de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2030.

La composition du tour de table est également révélatrice. General Atlantic et Oakley Capital entrent au capital avec chacun 25 %, tandis que la direction et les employés conservent 26 %. Bpifrance et Bridgepoint gardent 24 %, et Partech sort complètement. Un actionnariat équilibré qui mêle investisseurs américains, européens et français, à l’image de l’ambition globale de Brevo.

Contrairement à certaines entreprises européennes qui jouent la carte de la souveraineté numérique, Brevo préfère miser sur l’excellence produit. Pas de discours protectionniste ici : l’entreprise veut simplement proposer la meilleure solution possible, quel que soit le pays d’origine du client.

Pourquoi les États-Unis sont la prochaine grande bataille

Le marché américain du CRM est dominé par des acteurs historiques comme Salesforce, HubSpot, Microsoft Dynamics ou encore Zoho. Pourtant, Brevo y voit une opportunité immense.

Les entreprises américaines, même les plus petites, sont souvent prêtes à investir dans des outils performants. Mais beaucoup recherchent des alternatives plus simples et moins coûteuses que les solutions établies. C’est précisément le positionnement qu’occupe Brevo depuis ses débuts.

Avec 15 % de son chiffre d’affaires réalisé outre-Atlantique, Brevo a déjà prouvé qu’il pouvait séduire des clients américains. L’objectif affiché est clair : faire des États-Unis 50 % de ses revenus, en proportion de la taille du marché.

Cette expansion ne se fera pas uniquement par croissance organique. Les acquisitions locales joueront un rôle clé pour accélérer la pénétration et adapter l’offre aux spécificités du marché américain.

L’intelligence artificielle, le prochain levier de différenciation

Dans le monde du CRM et du marketing automation, l’IA n’est plus un gadget : elle devient un élément central. Brevo l’a bien compris et prévoit d’investir massivement dans ce domaine.

Déjà, la plateforme intègre des fonctionnalités boostées par l’intelligence artificielle, que ce soit via des intégrations tierces ou des développements internes. Mais l’entreprise veut aller plus loin : personnalisation avancée des campagnes, prédiction du comportement client, optimisation automatique des parcours, génération de contenus…

  • Segmentation intelligente des bases de données
  • Rédaction assistée de contenus marketing
  • Scoring prédictif des leads
  • Optimisation en temps réel des envois
  • Analyse conversationnelle des interactions clients

Ces fonctionnalités ne sont pas de simples ajouts cosmétiques. Elles permettent aux utilisateurs, même ceux avec peu de compétences techniques, d’obtenir des résultats professionnels. C’est exactement ce qui a fait le succès initial de Brevo : démocratiser des outils autrefois réservés aux grandes entreprises.

Une stratégie d’acquisitions ambitieuse

Brevo n’a jamais caché son appétence pour la croissance externe. Avec déjà 11 acquisitions à son actif, l’entreprise a démontré sa capacité à intégrer rapidement de nouvelles technologies et équipes.

Cette stratégie présente plusieurs avantages. Elle permet d’ajouter rapidement de nouvelles fonctionnalités sans tout développer en interne. Elle accélère aussi la pénétration de nouveaux marchés géographiques. Enfin, elle élimine ou absorbe des concurrents locaux.

Avec l’objectif de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2030, dont 45 % issus des acquisitions, Brevo va visiblement continuer à faire son marché. Les cibles potentielles ? Des outils spécialisés dans des canaux spécifiques (chatbots avancés, analytics, etc.) ou des acteurs régionaux forts.

Brevo face aux géants : quelles chances réelles de succès ?

La question mérite d’être posée. Salesforce pèse des dizaines de milliards de dollars de chiffre d’affaires. HubSpot domine le mid-market avec une marque extrêmement forte. Comment une entreprise européenne peut-elle espérer les concurrencer frontalement ?

Plusieurs éléments jouent en faveur de Brevo. D’abord, son positionnement prix. L’entreprise a toujours été plus accessible que ses concurrents américains. Ensuite, sa simplicité d’utilisation. Beaucoup d’utilisateurs reprochent à Salesforce sa complexité et son coût élevé de mise en œuvre.

Enfin, le vent tourne en faveur des alternatives. Les entreprises cherchent à diversifier leurs fournisseurs, à réduire leur dépendance aux géants américains, ou simplement à optimiser leurs coûts. Brevo arrive au bon moment avec une offre mature et complète.

CritèreSalesforceHubSpotBrevo
Positionnement principalGrandes entreprisesMid-marketPME et mid-market
PrixÉlevéMoyen-élevéAccessible
SimplicitéComplexeBonneExcellente
OrigineÉtats-UnisÉtats-UnisFrance/Europe
Croissance récenteStableForteExplosive

Ce tableau simplifié montre bien les différences de positionnement. Brevo ne cherche pas à copier ses concurrents : il propose une alternative crédible pour tous ceux qui trouvent les leaders trop chers ou trop compliqués.

Ce que cette levée dit de l’écosystème startup européen

L’histoire de Brevo est aussi celle d’une French Tech qui mûrit. Longtemps critiquée pour son manque de licornes ou sa difficulté à produire des géants mondiaux, la France démontre qu’elle peut engendrer des champions capables de viser le leadership global.

Le soutien de Bpifrance, la présence d’investisseurs internationaux de premier plan, la capacité à attirer des talents dans un marché du travail tendu : tous ces éléments montrent que l’écosystème européen a progressé.

Brevo n’est pas un cas isolé. D’autres entreprises françaises comme Mirakl, Contentsquare ou Payfit montrent le même chemin : partir d’un besoin spécifique, construire une solution excellente, puis viser l’international sans complexe.

Cette nouvelle licorne envoie un signal fort : oui, il est possible de bâtir un leader mondial du logiciel depuis Paris. Et cela sans renier ses racines européennes.

Vers un milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2030 ?

L’objectif annoncé par Armand Thiberge est ambitieux : atteindre 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel en 2030. À titre de comparaison, Salesforce vise 41 milliards de dollars pour 2026. L’écart reste immense.

Mais dans le monde des SaaS, la croissance peut être exponentielle quand tous les leviers sont actionnés simultanément. Avec une base clients solide, une stratégie claire, des fonds abondants et un marché en expansion, Brevo a les cartes en main.

Le chemin sera semé d’embûches : concurrence acharnée, besoin constant d’innovation, défis d’exécution à l’international. Mais l’histoire des startups nous a appris que les paris les plus fous sont parfois ceux qui se réalisent.

Une chose est sûre : Brevo fait désormais partie des entreprises à suivre de très près. Son parcours inspire déjà de nombreux entrepreneurs européens. Et qui sait, dans quelques années, nous parlerons peut-être de Brevo comme d’un leader incontesté du CRM mondial.

L’aventure ne fait que commencer.

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Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.