Imaginez-vous connecter à votre compte LinkedIn un matin ordinaire, changer simplement votre genre et votre prénom… et voir soudainement vos publications toucher des milliers de personnes supplémentaires. C’est exactement ce que plusieurs femmes professionnelles ont vécu récemment, déclenchant une vague de controverses autour de l’algorithme de la plateforme. Ce phénomène soulève une question brûlante : LinkedIn pénalise-t-il les femmes sans le savoir ?
Cette histoire a commencé à faire le buzz en novembre 2025, avec des témoignages qui se multiplient. Des utilisatrices expérimentées, habituées à des niveaux d’engagement stables, rapportent des chutes brutales de visibilité. Puis, en modifiant leur profil pour adopter une identité masculine, elles observent une explosion des impressions. Est-ce une preuve irréfutable de discrimination algorithmique, ou un mélange de facteurs plus complexes ? Plongeons au cœur de cette affaire qui secoue le monde professionnel.
Le mystère de l’algorithme LinkedIn décrypté
LinkedIn, le réseau social dédié aux carrières et aux opportunités professionnelles, a toujours été fier de son algorithme sophistiqué. Mais depuis l’été 2025, des changements majeurs ont été opérés. La plateforme a intégré des modèles d’intelligence artificielle avancés, basés sur des grands modèles de langage, pour mieux sélectionner le contenu affiché dans le fil d’actualité. L’objectif affiché : proposer des publications plus pertinentes et utiles aux utilisateurs.
Cependant, ces évolutions n’ont pas plu à tout le monde. De nombreux créateurs de contenu, particulièrement actifs, ont signalé une baisse significative de leur reach. Moins d’impressions, moins de likes, moins de commentaires. Et c’est là que l’hypothèse d’un biais lié au genre a émergé, portée par une expérience virale baptisée #WearthePants.
L’expérience #WearthePants : des résultats spectaculaires
Tout a commencé avec deux entrepreneuses influentes, Cindy Gallop et Jane Evans. Elles ont demandé à des hommes de reposter exactement le même contenu qu’elles. Le résultat ? Les publications masculines ont atteint bien plus de personnes, parfois dépassant largement le nombre de followers du poster. Intriguées, d’autres femmes ont décidé de tenter l’expérience directement sur leur propre profil.
Une stratège produit, que nous appellerons Michelle pour préserver son anonymat, a ainsi modifié son prénom et son genre. Avec plus de 10 000 abonnés, elle obtenait habituellement des impressions similaires à celles de son mari, qui n’en compte que 2 000. Après le changement, ses métriques ont bondi de manière impressionnante.
Le seul variable significative était le genre.
Michelle, stratège produit
Marilynn Joyner, fondatrice d’entreprise, a vu ses impressions augmenter de 238 % en une seule journée après avoir changé son genre pour masculin. D’autres témoignages affluent : Megan Cornish, Rosie Taylor, Jessica Doyle Mekkes… Toutes rapportent des hausses spectaculaires, parfois de plus de 200 %.
- Augmentation moyenne observée : entre 100 % et 300 % d’impressions
- Temps de réaction : souvent dès les premières heures suivant le changement
- Profil concerné : majoritairement des femmes avec une audience établie
- Contenu identique : aucune modification des posts eux-mêmes
Ces chiffres ont rapidement fait le tour des réseaux, alimentant les accusations de sexisme algorithmique. Pour beaucoup, c’était la preuve tangible que LinkedIn favorisait les profils masculins.
La réponse officielle de LinkedIn : aucun biais démographique
Face à la polémique, LinkedIn n’a pas tardé à réagir. La plateforme affirme catégoriquement que ses systèmes d’intelligence artificielle n’utilisent pas d’informations démographiques comme l’âge, la race ou le genre pour déterminer la visibilité des contenus.
Tim Jurka, vice-président ingénierie, et Sakshi Jain, responsable de l’IA responsable, ont tous deux insisté sur ce point. Selon eux, des centaines de signaux sont analysés : interactions passées, réseau, activité récente, pertinence du contenu… Mais jamais les caractéristiques personnelles protégées.
Nos algorithmes et systèmes IA n’utilisent pas d’informations démographiques telles que l’âge, la race ou le genre comme signal pour la visibilité des contenus.
LinkedIn, déclaration officielle
LinkedIn explique également que les données démographiques ne servent qu’à des tests internes, pour vérifier que les créateurs de tous horizons ont une chance équitable. La plateforme met en avant ses efforts historiques pour réduire les biais dans son algorithme.
Biais explicite ou implicite : l’avis des experts
Même si un biais direct semble exclu, les spécialistes en algorithmes sociaux nuancent le débat. Brandeis Marshall, consultante en éthique des données, parle d’une « symphonie complexe » où de nombreux leviers interagissent en permanence.
Changer une photo de profil ou un prénom peut influencer l’algorithme indirectement. Par exemple, en participant à une tendance virale comme #WearthePants, les comptes bénéficient d’un boost d’engagement naturel. Ou encore, en reprenant une activité après une pause, l’algorithme récompense la régularité.
Mais le point le plus intéressant concerne les biais implicites. Les grands modèles de langage sont entraînés sur d’immenses quantités de données humaines, qui reflètent inévitablement les préjugés sociétaux. Si les styles d’écriture stéréotypiquement masculins – directs, concis, assertifs – sont privilégiés, cela crée une discrimination indirecte.
- Style masculin perçu : clair, factuel, orienté valeur
- Style féminin perçu : plus émotionnel, relationnel, nuancé
- Conséquence possible : dépriorisation des contenus « soft »
- Origine : données d’entraînement reflétant des normes culturelles
Michelle a d’ailleurs adapté son ton lorsqu’elle postait sous identité masculine : plus direct, plus simple. Résultat ? Une hausse supplémentaire de 27 % des engagements. Elle en conclut que l’algorithme valorise certains modes de communication au détriment d’autres.
Sarah Dean, professeure en informatique à Cornell, ajoute que les profils complets influencent les deux côtés de l’algorithme : ce que l’on voit, et ce que les autres voient de nous. Historique professionnel, interactions habituelles… Tout compte.
Les autres facteurs qui expliquent les variations
Au-delà du genre, d’autres éléments expliquent les fluctuations observées. LinkedIn note une croissance importante de sa base utilisateurs, avec 15 % de posts en plus et 24 % de commentaires sur un an. La concurrence est donc plus rude dans le fil d’actualité.
Le nouvel algorithme, dopé à l’IA, privilégie désormais la qualité perçue du contenu plutôt que la quantité ou l’horaire de publication. Chad Johnson, expert en ventes, résume : il récompense la clarté, la compréhension et la valeur apportée.
| Type de contenu favorisé | Exemples | Performance observée |
| Insights professionnels | Leçons de carrière, conseils pratiques | Très haute |
| Analyse sectorielle | News industrie, tendances marché | Haute |
| Contenu éducatif | Tutoriels, explications économiques | Bonne |
| Contenu personnel émotionnel | Histoires inspirantes trop narratives | Moins performante |
Certains hommes rapportent aussi des baisses d’engagement, tandis que d’autres voient leurs métriques exploser en se concentrant sur des sujets niches pour des audiences ciblées. Preuve que le genre n’est pas l’unique variable.
Les biais plus larges dans les IA sociales
Cette affaire LinkedIn n’est pas isolée. Les grands modèles de langage héritent souvent d’une vision du monde occidentale, masculine et blanche, du fait de leurs données d’entraînement et des humains impliqués dans leur affinage.
Des recherches académiques démontrent régulièrement la présence de stéréotypes de genre, raciaux ou culturels dans ces modèles. Sur LinkedIn, cela pourrait se traduire par une valorisation implicite de certains tons ou sujets associés à des profils dominants historiquement.
Brandeis Marshall évoque aussi le cas des femmes noires : leurs posts sur l’expertise pure performeraient moins bien que ceux traitant explicitement de questions raciales. Un autre forme possible de biais, où l’algorithme cantonne certains créateurs à des thématiques attendues.
Comment optimiser sa présence sur LinkedIn aujourd’hui
Face à ces incertitudes, les créateurs de contenu cherchent des stratégies efficaces. LinkedIn donne quelques indications : privilégier les contenus apportant une réelle valeur professionnelle.
- Rédigez avec clarté et concision
- Apportez des insights uniques ou des analyses
- Ciblez des sujets d’actualité dans votre secteur
- Encouragez les interactions authentiques
- Variez les formats : carrousels, vidéos, documents
- Postez régulièrement sans excès
- Engagez-vous avec votre réseau
Beaucoup recommandent aussi d’expérimenter soi-même : tester différents styles, horaires, et observer les analytics. L’algorithme évolue constamment en fonction des comportements collectifs.
Vers plus de transparence ? Un vœu pieux
Les utilisatrices comme Michelle réclament plus de transparence. Comprendre précisément quels signaux sont pris en compte permettrait d’adapter sa stratégie sans soupçon permanent.
Malheureusement, les plateformes gardent jalousement leurs algorithmes secrets. Révéler trop de détails ouvrirait la porte au gaming et à la manipulation. Un équilibre délicat entre performance et équité.
Néanmoins, LinkedIn continue d’affirmer travailler à une expérience juste pour tous. Des audits internes et des tests continus visent à détecter et corriger d’éventuels déséquilibres.
Conclusion : une affaire qui révèle les limites de l’IA
L’expérience #WearthePants n’a peut-être pas prouvé un biais sexiste explicite, mais elle a mis en lumière les complexités et opacités des algorithmes modernes. Dans un monde où l’IA façonne notre visibilité professionnelle, ces questions méritent d’être posées sans relâche.
Au final, le succès sur LinkedIn dépend moins du genre que de la capacité à produire du contenu perçu comme valuable par l’intelligence artificielle… et par les humains derrière elle. Une invitation à repenser notre communication professionnelle dans un univers de plus en plus automatisé.
Cette controverse nous rappelle que la technologie reflète souvent nos sociétés imparfaites. Reste à espérer que les géants du numérique continueront d’améliorer leurs systèmes pour une équité réelle. En attendant, adaptez-vous, expérimentez, et restez authentique : c’est peut-être la meilleure stratégie.