Imaginez une entreprise qui, sans tambour ni trompette, s’empare des outils numériques qui peuplent votre quotidien : l’application pour organiser vos notes, le service pour partager des fichiers, ou même la plateforme pour réserver vos billets d’événements. Et si cette force invisible les remodelait pour les rendre plus efficaces, plus rentables, tout en gardant leur âme ? C’est l’histoire fascinante de Bending Spoons, une pépite italienne qui, en quelques années, est passée du statut de petit atelier créatif à celui de prédateur bienveillant du monde tech. Basée à Milan, cette société n’est pas seulement un acquéreur ; elle est un architecte de renaissance digitale, capable de redonner vie à des marques usées par le temps ou les crises.
Dans un écosystème où les startups naissent et meurent à un rythme effréné, Bending Spoons se distingue par sa patience stratégique et son appétit vorace. Récemment, elle a fait les gros titres en annonçant le rachat d’Eventbrite pour 500 millions de dollars, un coup qui illustre parfaitement son modus operandi : repérer des joyaux endormis, les polir avec une expertise impitoyable, et les intégrer dans un empire cohérent. Mais au-delà des chiffres ronflants, qu’est-ce qui fait de cette entité un acteur si intrigant ? Plongeons dans les méandres de son parcours, de ses tactiques audacieuses, et de l’impact qu’elle exerce sur l’industrie.
Les Origines Humaines d’un Empire Numérique
Pour comprendre Bending Spoons, il faut remonter aux racines d’une ambition forgée dans l’échec. Fondée en 2013 par quatre ingénieurs italiens – Luca Ferrari, Matteo Danieli, Luca Querella et Francesco Patarnello –, l’entreprise émerge des cendres d’Evertale, une startup danoise qui avait tenté de conquérir le monde du partage photo avec son app Wink. Participante au Startup Alley de Disrupt SF en 2011, Evertale avait levé des fonds semences prometteurs, mais le vent avait tourné, menant à une fermeture rapide. Les investisseurs s’étaient retirés, mais les fondateurs, tenaces, ont choisi de persévérer ensemble, transformant leur déconvenue en leçon fertile.
De Copenhague à Milan, le quatuor a migré vers l’Italie, berceau de leur créativité. Au départ, ils se sont concentrés sur le développement d’applications maison, explorant les recoins de la mobilité et de la productivité. Ces premiers pas étaient modestes : des outils pour organiser la vie quotidienne, des apps qui capturaient l’essence de la simplicité italienne – élégante, intuitive, efficace. Mais très vite, une évidence s’est imposée : construire de zéro est ardu dans un marché saturé. Pourquoi ne pas rénover ce qui existe déjà ? C’est ainsi que Bending Spoons a pivoté vers l’acquisition, un virage qui transformerait radicalement son destin.
Le nom même de l’entreprise évoque cette flexibilité : une cuillère qui se plie, symbole d’adaptabilité face aux rigueurs du numérique. Les Spooners, comme on appelle ses employés – une communauté de 400 à 500 âmes passionnées –, incarnent cette philosophie. Basés principalement à Milan, avec des antennes à Londres, Madrid et Varsovie, ils forment un melting-pot d’expertises : développeurs, designers, stratèges marketing. Ensemble, ils ne se contentent pas d’acheter ; ils transforment, infusant une dose d’innovation dans des produits souvent laissés à l’abandon par leurs créateurs initiaux.
Nous ne cherchons pas à collectionner des reliques internet ; nous bâtissons un portfolio vivant, destiné à perdurer.
Luca Ferrari, CEO et co-fondateur de Bending Spoons
Cette citation, tirée d’une rare interview accordée au podcast 20VC, résume l’essence de leur approche. Contrairement aux fonds de private equity qui visent la revente rapide, Bending Spoons adopte une posture de gardien éternel. Une fois acquis, un produit n’est plus un actif à flipper ; il devient un pilier d’un écosystème interconnecté, servant des centaines de millions d’utilisateurs. Cette vision long-terme, ancrée dans une culture d’amélioration continue, distingue l’entreprise des prédateurs opportunistes du secteur.
De l’Échec à la Première Acquisition : Un Pivot Stratégique
Les premières années de Bending Spoons ont été marquées par une expérimentation frénétique. Après l’échec d’Evertale, les fondateurs ont lancé plusieurs apps internes, testant les eaux du marché mobile. Parmi elles, des outils de retouche photo alimentés par l’IA, comme Remini, qui a rapidement trouvé son public en démocratisant l’amélioration d’images anciennes. Ces succès initiaux ont fourni les munitions financières pour la première acquisition en 2014, un petit service de gestion de tâches qui a servi de cobaye à leur modèle.
Ce pivot n’était pas anodin. En observant le paysage tech, les fondateurs ont réalisé que de nombreuses startups, malgré leur popularité, souffraient d’un manque d’entretien : équipes épuisées, technologies obsolètes, stratégies monétisation floues. Bending Spoons y a vu une opportunité : injecter de la fraîcheur sans effacer l’héritage. Dès lors, chaque rachat devient un projet de renaissance, où l’on dissèque le code source, on affine l’interface utilisateur, et on optimise les revenus sans aliéner la base fidèle.
- Flexibilité organisationnelle : Réorganisation des équipes pour booster l’agilité.
- Innovation technique : Mise à jour des stacks tech avec des outils IA de pointe.
- Focus utilisateur : Amélioration des features basées sur des données réelles d’usage.
Ces piliers guident chaque opération, transformant des entités stagnantes en moteurs de croissance. Et alors que le monde tech traversait la pandémie en 2020, Bending Spoons a démontré sa résilience en développant Immuni, l’app officielle de traçage COVID en Italie. Un projet pro bono qui, exceptionnellement, n’était pas une acquisition, mais une création maison – preuve que l’entreprise sait aussi innover de zéro quand l’urgence l’exige.
Un Modèle Économique Hybride : Ni PE, Ni Fonds Traditionnel
Qu’est-ce qui rend Bending Spoons si unique ? Son modèle défie les catégories classiques. Pas un fonds de venture capital jetant de l’argent sur des idées folles, ni un private equity taillant dans le vif pour maximiser les exits. Ici, c’est un hybride : un opérateur actif qui acquiert pour transformer, avec un horizon infini. Les co-fondateurs milliardaires – Ferrari avec une stake évaluée à 1,4 milliard de dollars, et ses pairs à 1,3 milliard chacun – ne cherchent pas la sortie ; ils construisent un legs.
Financièrement, l’entreprise a longtemps fonctionné en bootstrap, réinvestissant ses profits dans de nouvelles chasses. Mais depuis 2022, les levées de fonds ont accéléré : une ronde de 270 millions en octobre 2025, menée par T. Rowe Price et des fidèles comme Baillie Gifford, a propulsé sa valorisation à 11 milliards de dollars. Ajoutez à cela 440 millions d’une vente secondaire d’actions, et vous obtenez un war chest pour des cibles plus ambitieuses. Sans oublier 2,8 milliards de dette pour financer des deals comme celui d’AOL.
| Année | Événement Financier | Impact |
| 2022 | Lever de 500M$ | Premières acquisitions majeures |
| 2024 | Valorisation à 2,8B$ | Expansion européenne |
| 2025 | 270M$ + secondary 440M$ | Statut de décacorn |
Ce tableau illustre comment chaque injection de capital a catalysé une vague d’acquisitions, passant d’une valorisation modeste à un statut de décacorn européen rare. Parmi les investisseurs figurent des célébrités comme Andre Agassi, Bradley Cooper, ou encore Eric Schmidt – un cap table qui respire le prestige et la confiance.
Le Panier des Acquisitions : Des Joyaux Redécouverts
Le cœur battant de Bending Spoons réside dans son portefeuille, un trésor de marques iconiques ressuscitées. Commençons par les plus récentes : en décembre 2025, le rachat d’Eventbrite pour 500 millions de dollars. Autrefois valorisée à 1,76 milliard lors de son IPO en 2018, la plateforme de ticketing événementiel avait perdu de son éclat face à la concurrence et aux aléas post-pandémie. Bending Spoons y voit un potentiel immense : optimiser la monétisation, fluidifier l’UX, et intégrer des outils IA pour personnaliser les recommandations d’événements.
Remontons à 2022, année charnière avec l’acquisition de Filmic, célèbre pour ses apps d’édition vidéo et photo. Malgré une base loyale, l’entreprise peinait. Bending Spoons a injecté du sang neuf, mais pas sans douleur : en décembre 2023, toute l’équipe originale a été licenciée, une décision controversée qui a fait grincer des dents dans la communauté créative. Pourtant, les apps ont rebondi, avec des mises à jour qui les ont rendues plus accessibles et performantes.
2023 a vu l’arrivée d’Evernote, le géant des notes qui avait flirté avec le milliard de valorisation avant de trébucher. Layoffs et coupes dans l’offre gratuite ont suivi, provoquant un tollé. Mais les chiffres parlent : plus de 300 millions d’utilisateurs mensuels actifs aujourd’hui, contre une stagnation pré-acquisition. Bending Spoons a réintroduit des features IA pour la recherche sémantique, transformant un outil nostalgique en allié moderne de la productivité.
- Meetup (2024) : La plateforme sociale pour événements locaux, boostée par une refonte monétisation.
- StreamYard (2024, ex-Hopin) : Outil de streaming live, enrichi d’intégrations IA pour un engagement accru.
- WeTransfer (juillet 2024) : Service de transfert fichiers, avec limites gratuites resserrées mais une premium plus attractive.
2024 a été un feu d’artifice : Issuu pour l’édition numérique, Mosaic Group pour un bouquet d’apps mobiles, et Brightcove pour 233 millions en take-private. En 2025, le rythme s’est maintenu avec Komoot pour la planification de routes, Harvest pour la gestion de projets, et les mastodontes Vimeo (1,38 milliard) et AOL (montant confidentiel). Ce dernier, avec ses 8 millions d’utilisateurs quotidiens en email, renforce la présence de Bending Spoons dans les services essentiels du web.
Nos acquisitions ne sont pas des fins en soi ; elles sont des chapitres dans une saga plus vaste de l’innovation accessible.
Matteo Danieli, co-fondateur
Cette philosophie guide les choix : cibler des produits avec une base solide mais un potentiel inexploité. Résultat ? Un écosystème servant plus d’un milliard de personnes, 10 millions de clients payants, et une synergie croissante entre les apps – imaginez partager un fichier WeTransfer directement dans un événement Eventbrite.
Les Controverses : Le Prix de la Transformation
Aucun empire ne se bâtit sans ombres. Bending Spoons a souvent été épinglée pour ses restructurations musclées. Les layoffs chez Evernote et WeTransfer ont alimenté des débats sur l’éthique des acquisitions tech : est-il justifié de sacrifier des emplois pour une efficacité accrue ? Les critiques pointent un modèle trop focalisé sur les marges, au détriment de la culture d’entreprise originelle.
Pourtant, les défenseurs arguent que ces mesures sauvent des entreprises entières. Sans intervention, Filmic aurait pu disparaître ; avec Bending Spoons, ses apps prospèrent. Les changements, comme les limites gratuites plus strictes, visent à équilibrer accessibilité et viabilité économique. Dans un monde où 90% des startups échouent, ce pragmatisme rude est vu par certains comme une vertu nécessaire.
Les fondateurs répondent par des actions : un environnement de travail exigeant mais enrichissant, avec plus de 600 000 candidatures en 2025. Les nouveaux arrivants sont formés à Milan avant de choisir remote ou bureaux satellites, dans une culture qui valorise l’impact sur des millions d’utilisateurs.
Valorisation et Ambitions : Vers un Géant Européen
En octobre 2025, Bending Spoons franchit un cap : décacorn à 11 milliards de dollars, un exploit rare pour une firme européenne. Cette valorisation, dopée par la ronde de 270 millions, reflète non seulement les acquisitions passées, mais un pari sur l’avenir. Les fonds serviront à muscler les capacités IA propriétaires, essentielles pour personnaliser les expériences utilisateurs dans un portfolio aussi diversifié.
Les co-fondateurs, tous quadragénaires, entrent dans le club des milliardaires Forbes. Luca Ferrari, le visionnaire charismatique, pilote avec une main ferme ; Matteo Danieli excelle en ops ; Luca Querella et Francesco Patarnello ancrent la tech. Leur richesse n’est pas ostentatoire : elle finance une expansion mesurée, loin des bulles spéculatives.
| Co-fondateur | Rôle Principal | Stake Estimée |
| Luca Ferrari | CEO | 1,4 Md$ |
| Matteo Danieli | Ops | 1,3 Md$ |
| Luca Querella | Tech | 1,3 Md$ |
| Francesco Patarnello | Produit | 1,3 Md$ |
Ce tableau met en lumière l’équilibre fondateur, clé de la résilience. Avec des investisseurs comme The Weeknd ou Xavier Niel, le réseau s’élargit, ouvrant des portes à des partenariats globaux.
L’IA au Cœur de la Renaissance
Dans un ère dominée par l’intelligence artificielle, Bending Spoons ne reste pas en retrait. Ses acquisitions intègrent systématiquement des upgrades IA : recherche avancée dans Evernote, recommandations prédictives dans Eventbrite, édition automatisée dans Filmic. Ces investissements, alimentés par la dernière levée, visent à créer un super-app écosystème, où les produits communiquent seamless.
Imaginez : planifier un voyage avec Komoot, réserver via Eventbrite, partager des notes Evernote, tout boosté par une IA qui anticipe vos besoins. C’est la vision : un continuum digital fluide, centré sur l’utilisateur. Et avec Vimeo et AOL dans le giron, le scope s’étend au contenu vidéo et à la communication basique, touchant des milliards.
- Personnalisation avancée : IA pour tailorer les expériences.
- Efficacité opérationnelle : Automatisation des backends.
- Monétisation intelligente : Pricing dynamique basé sur l’usage.
Ces leviers propulsent la croissance : 300 millions MAU, 10 millions payants. Bending Spoons ne vend pas ; elle scale, transformant des niches en standards.
Impact sur l’Écosystème Startup Européen
En tant que décacorn italien, Bending Spoons inspire l’Europe tech. Dans un continent souvent relégué derrière la Silicon Valley, elle prouve qu’une stratégie d’acquisition agressive peut rivaliser. Ses deals – de Remini à AOL – recyclent du talent et des IP, évitant la disparition de pépites. Critiques ou pas, les layoffs libèrent des ressources pour embaucher ailleurs, dynamisant le marché du travail.
Milan émerge comme hub : les 600 000 candidatures 2025 témoignent d’un aimant à talents. Avec des bureaux décentralisés, Bending Spoons favorise l’inclusion, attirant des profils divers. Son modèle – buy, fix, hold – offre une alternative aux exits VC traditionnels, encourageant les fondateurs à penser long-terme.
L’Europe a besoin de plus de Bending Spoons : des builders qui restaurent plutôt que de détruire.
Analyste VC européen anonyme
Cette voix anonyme capture l’ambivalence : admiration pour l’innovation, vigilance sur les coûts humains. Pourtant, le bilan est positif : un portfolio qui touche un milliard d’âmes, boostant l’adoption tech en Europe.
Défis et Horizons : Quid de l’Avenir ?
Les défis ne manquent pas. Réglementations antitrust pourraient freiner les méga-deals comme Vimeo, nécessitant approbations actionnaires et autorités. La dette de 2,8 milliards pour AOL pèse, exigeant des retours rapides. Et les controverses RH persistent : comment équilibrer efficacité et bien-être ?
Mais les perspectives excitent. Rumeurs sur Elysium ou Typeform suggèrent une diversification vers la santé et le SaaS. Avec l’IA comme levier, Bending Spoons pourrait lancer des produits phares, fusionnant ses acquis en une suite unifiée. Son engagement « hold forever » promet stabilité dans un monde volatile.
En fin de compte, Bending Spoons n’est pas qu’un acquéreur ; c’est un catalyseur. Elle rappelle que dans le tech, la vraie magie opère quand on plie sans casser, quand on transforme l’héritage en futur. Pour les startups européennes, c’est un phare : osez grandir, osez racheter, osez durer. Et pour nous, utilisateurs, c’est la promesse d’outils meilleurs, plus malins, plus intégrés. L’empire de la cuillère pliée ne fait que commencer à se déployer.
Maintenant, à vous : avez-vous utilisé un de ces produits transformés ? Partagez en commentaires ! (Note : Cet article, initialement publié en octobre 2025, est mis à jour avec les dernières avancées.)