Las Vegas, début décembre 2025. Les néons du Strip clignotent toujours, mais cette année, la vraie lumière vient des keynotes d’AWS re:Invent. Pendant cinq jours, Amazon a transformé sa conférence annuelle en une démonstration de force sans précédent : l’IA n’est plus un gadget, c’est l’infrastructure même du futur de l’entreprise. Et le message est clair : ceux qui ne monteront pas dans le train des agents autonomes risquent de se faire distancer très vite.
re:Invent 2025 : L’année où AWS a déclaré la guerre aux limites humaines
Si vous n’avez suivi que les gros titres, vous avez peut-être retenu « encore de l’IA ». Grave erreur. Cette édition marque un tournant : AWS ne vend plus seulement du cloud, il vend la capacité à déléguer des pans entiers du travail intellectuel à des machines qui apprennent, décident et agissent seules. Parfois pendant des jours.
Les agents IA autonomes : la star incontestée
Le mot agent a été prononcé plus de 300 fois pendant les keynotes. Matt Garman, CEO d’AWS, a posé les bases dès le premier jour :
« Les assistants IA commencent à céder la place à des agents capables d’exécuter des tâches et d’automatiser en votre nom. C’est là que l’on commence à voir des retours sur investissement matériels. »
Matt Garman, CEO AWS
Le clou du spectacle ? Les Frontier Agents, trois nouveaux agents présentés en avant-première :
- Kiro Autonomous Agent : lit votre codebase, apprend les préférences de l’équipe et peut travailler seul pendant des heures, voire des jours entiers.
- Un agent dédié à la sécurité qui réalise automatiquement les code reviews et les scans de vulnérabilités.
- Un agent DevOps capable de prévenir les incidents lors des déploiements en production.
Ces agents ne se contentent plus de répondre à des questions. Ils planifient, codent, testent, déploient. Et surtout, ils se souviennent de vous. Grâce à la nouvelle fonction mémoire d’AgentCore, un agent peut retenir vos habitudes, vos patterns de code, vos processus internes.
Trainium3 et Graviton5 : la revanche du hardware maison
AWS continue sa course à l’indépendance vis-à-vis de Nvidia. La nouvelle puce Trainium3 promet jusqu’à 4 fois plus de performances en entraînement et inférence tout en réduisant la consommation énergétique de 40 %. Mieux : elle arrive avec un système complet baptisé UltraServer capable d’embarquer des milliers de ces puces.
Andy Jassy a même lâché un chiffre sur X : la génération actuelle, Trainium2, génère déjà plusieurs milliards de dollars de revenus. Autant dire que Trainium3 risque de faire très mal.
En parallèle, le Graviton5 fait son entrée : 192 cœurs, réduction de 33 % de la latence inter-cœur, bande passante explosée. AWS affirme qu’il s’agit de son processeur le plus performant et le plus économe jamais conçu. Les clients qui migrent leurs workloads dessus voient déjà leurs factures fondre.
| Composant | Génération précédente | Nouvelle génération | Gain annoncé | |
| Trainium | Trainium2 | Trainium3 | x4 perf / -40 % énergie | |
| Graviton | Graviton4 | Graviton5 | 192 cœurs, -33 % latence | |
| Inférence coût | Standard | Inférieur à GPU Nvidia équivalents (claim) | Jusqu’à -60 % selon workloads |
Nova : la famille de modèles qui veut ringardiser les autres
AWS a dévoilé pas moins de quatre nouveaux modèles Nova :
- Nova Pro (texte ultra-performant)
- Nova Canvas (texte + image, concurrent direct de DALL-E et Flux)
- Nova Micro et Lite pour l’edge et les coûts maîtrisés
Mais la vraie révolution s’appelle Nova Forge : un service qui permet de prendre un modèle pré-entraîné (ou même à mi-parcours) et de le finaliser avec vos données privées en quelques clics. Le tout en serverless : plus besoin de gérer les GPU vous-même.
L’AI Factory : quand AWS s’invite dans votre datacenter
Pour les entreprises et gouvernements qui ne veulent pas (ou ne peuvent pas) envoyer leurs données dans le cloud public, AWS a la réponse : les AI Factories. Des racks complets conçus avec Nvidia (oui, vous avez bien lu) qui intègrent aussi bien des GPU Nvidia que des Trainium3. Vous gardez tout chez vous, mais vous avez accès à toute la stack AWS (Bedrock, SageMaker, agents, etc.).
C’est la réponse directe aux exigences de souveraineté numérique européennes et aux craintes de fuites de données sensibles.
Les startups à l’honneur : Kiro gratuit un an
AWS veut séduire la nouvelle génération de fondateurs. Résultat : les startups early-stage éligibles (principalement aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans certains pays européens) peuvent obtenir un an de crédits Kiro Pro+ gratuitement. Autant dire une aubaine pour celles qui construisent des produits IA-heavy.
Werner Vogels tire sa révérence… ou presque
Le moment émotion de la conférence. Le légendaire CTO d’Amazon, Werner Vogels, a annoncé que c’était sa dernière keynote re:Invent. Standing ovation de plusieurs minutes. Il a conclu par un message fort aux développeurs :
« Est-ce que l’IA va prendre mon job ? Peut-être. Mais est-ce qu’elle va me rendre obsolète ? Absolument pas… à condition que vous évoluiez. »
Dr. Werner Vogels
Puis il a lâché le micro. Littéralement.
Ce que ça change pour vous en 2026
Concrètement, voici ce qui arrive sur votre radar si vous êtes CTO, DSI ou fondateur :
- Possibilité de déléguer des projets entiers à des agents qui travaillent pendant que vous dormez
- Réduction massive des coûts d’inférence grâce à Trainium3 et Graviton5
- Capacité à garder vos données ultra-sensibles tout en profitant de l’IA de pointe (AI Factory)
- Construction de modèles propriétaires en quelques jours au lieu de mois
- Intégration native de la mémoire et du contexte long dans les agents
En résumé, 2026 ne sera pas l’année de l’IA générative. Ce sera l’année où certaines entreprises passeront en mode « autopilot IA »… et où les autres commenceront à disparaître doucement des radars.
Vous avez le choix : monter dans le vaisseau AWS ou regarder décoller depuis le tarmac.
La conférence est terminée, mais la révolution, elle, ne fait que commencer.
