Imaginez un monde où votre colis commandé à 23 h 47 arrive avant votre café du matin… et où ce n’est plus La Poste qui sonne à votre porte, mais un van électrique siglé Amazon ou un drone qui se pose sur votre balcon. Ce qui ressemblait il y a dix ans à de la science-fiction est en train de devenir une possibilité très concrète aux États-Unis. Selon le Washington Post, Amazon envisagerait purement et simplement de couper les ponts avec l’USPS (la poste américaine) à l’expiration de leur contrat en octobre 2026 pour créer son propre réseau postal national.
Oui, vous avez bien lu : le géant de Seattle réfléchit à concurrencer directement une institution vieille de 250 ans.
Amazon prépare-t-il la plus grande disruption logistique du siècle ?
Pour comprendre l’ampleur du séisme, il faut d’abord regarder les chiffres. En 2025, Amazon représente déjà 7,5 % des revenus totaux de l’United States Postal Service, soit plusieurs milliards de dollars par an. Autrement dit, Amazon est devenu le client le plus important… et le plus encombrant de la poste américaine.
Mais la relation, autrefois idyllique, commence à sentir le roussi.
Pourquoi Amazon veut-il rompre le mariage ?
Plusieurs éléments ont mis le feu aux poudres :
- Les négociations pour le renouvellement du contrat patinent depuis des mois.
- L’USPS envisagerait de mettre aux enchères une partie de ses capacités de livraison, ce qui horrifie Amazon qui veut garder la maîtrise totale de ses coûts.
- Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et ses velléités de privatisation totale de la poste américaine ajoutent une couche d’incertitude.
- Amazon a déjà massivement investi dans sa propre infrastructure (avions cargo, vans électriques Rivian, drones Prime Air, robotaxis Zoox…).
« Nous avons été surpris d’apprendre que l’USPS souhaite organiser une enchère pour une partie de ses capacités de livraison. Cela ajoute de l’incertitude à notre réseau, nous évaluons donc toutes les options possibles. »
Steve Kelly, porte-parole Amazon
Ce qu’Amazon a déjà construit en secret
Pendant que nous commandions nos câbles USB sur Prime, Amazon a silencieusement bâti un empire logistique parallèle :
- Amazon Air : une flotte de plus de 100 avions cargo aux couleurs Prime.
- 40 000 vans électriques Rivian commandés (la plus grosse commande de véhicules électriques commerciaux de l’histoire).
- Prime Air : des drones capables de livrer un colis de 2 kg en moins de 30 minutes (déjà opérationnel dans quelques villes américaines).
- Zoox : des robotaxis 100 % autonomes conçus dès le départ sans volant ni pédales, qui pourraient demain livrer sans chauffeur.
- Des milliers de micromagasin et lockers implantés dans les quartiers.
En clair, Amazon n’a plus vraiment besoin de l’USPS pour le « dernier kilomètre » dans les grandes villes. Le géant ne dépend plus que de la poste pour les zones rurales et certains créneaux horaires (notamment le dimanche, où l’USPS livre encore pour Amazon).
Et en France, ça change quoi pour nous ?
Ne vous méprenez pas : même si l’histoire se déroule aux États-Unis, les répercussions seront mondiales… et particulièrement sensibles en France.
Chez nous, Amazon représente déjà plus de 50 % du marché e-commerce et collabore massivement avec Colissimo, Chronopost et Mondial Relay. Si le modèle américain « full Amazon Logistics » fonctionne, il sera très rapidement déployé en Europe.
Concrètement, cela pourrait signifier :
- Des livraisons le soir jusqu’à 22 h ou 23 h partout en France.
- Des drones dans les grandes agglomérations d’ici 2028-2030.
- La fin progressive de la dépendance aux services postaux nationaux.
- Une pression énorme sur les prix pratiqués par La Poste et ses concurrents.
Les leçons pour les startups françaises
Derrière le combat de titans, il y a une immense opportunité pour les entrepreneurs français. Amazon nous montre la voie : celui qui maîtrise la logistique gagne le e-commerce.
Quelques pistes concrètes pour les startups hexagonales :
- Spécialisation géographique : devenir le « Amazon des DOM-TOM » ou des zones rurales où les grands réseaux peinent à être rentables.
- Livraison verte : développer des flottes de cargos-vélos électriques ou de véhicules GNV là où Amazon aura du mal à verdir rapidement.
- Micro-entrepôts urbains : louer des locaux de 50 m² dans les centres-villes pour livrer en moins de 2 heures.
- Technologie drone : les réglementations européennes sont plus souples qu’aux USA sur certains aspects – il y a une carte à jouer.
- Partenariats avec La Poste : paradoxalement, devenir le partenaire privilégié des services postaux pour moderniser leur offre.
On pense notamment à des pépites françaises comme Stuart (livraison urbaine), Wing (drones, filiale Alphabet mais avec des tests en Europe), Colis Privé ou encore Shopopop (livraison collaborative entre particuliers) qui pourraient profiter de ce grand bouleversement.
Le scénario noir : Amazon devient-il un monopole effrayant ?
Il y a aussi l’envers du décor. Si Amazon parvient à créer sa propre poste nationale aux États-Unis, puis en Europe, il contrôlera toute la chaîne : du clic d’achat à la sonnette. Prix, données clients, horaires… tout.
En 2030, il sera peut-être plus simple de créer une nouvelle plateforme e-commerce que de lutter contre Amazon sur la livraison. C’est le paradoxe : le géant rend la vie plus facile aux consommateurs… mais presque impossible aux concurrents.
« Celui qui contrôle le dernier kilomètre contrôle le e-commerce. Point. »
Un investisseur européen spécialisé logistique, anonyme
Conclusion : la fin d’un monde, le début d’un autre
Octobre 2026 sera une date historique. Soit Amazon et l’USPS trouvent un accord et tout continue comme avant. Soit le géant de Seattle appuie sur le bouton nucléaire et lance sa propre poste nationale.
Dans les deux cas, une chose est sûre : la logistique ne sera plus jamais la même. Et les startups qui comprendront cela dès aujourd’hui seront celles qui domineront le marché de demain.
Alors, prêt à livrer la bataille du dernier kilomètre ? Le chronomètre est lancé.