Vous êtes tranquillement installé sur votre canapé un mardi soir, il vous manque du lait pour le petit-déjeuner du lendemain, et soudain l’idée vous traverse : et si cela arrivait avant même que votre série Netflix ne finisse son épisode ? Ce qui relevait de la science-fiction il y a cinq ans est en train de devenir réalité aux États-Unis. Amazon vient de lancer, en toute discrétion mais avec une puissance de feu colossale, sa livraison « ultra-rapide » en 30 minutes maximum dans deux grandes villes américaines.

Amazon entre (enfin) dans la danse du quick commerce américain

Le 2 décembre 2025, Amazon a annoncé le déploiement de son nouveau service de livraison en 30 minutes ou moins à Seattle et Philadelphie. Un test grandeur nature qui place le géant de Jeff Bezos en concurrence frontale avec DoorDash, Uber Eats et surtout Instacart, les rois actuels de l’ultra-rapide aux États-Unis.

Ce n’est pas une simple option parmi d’autres : c’est une déclaration de guerre.

Comment ça fonctionne concrètement ?

Sur l’application Amazon, une nouvelle section « 30-Minute Delivery » apparaît dans la barre de navigation pour les habitants éligibles. On y trouve tout ce qui compose une petite épicerie de quartier : lait, œufs, fruits et légumes frais, produits d’hygiène, cosmétiques, nourriture pour animaux, couches, médicaments sans ordonnance, chips… et même quelques produits électroniques légers.

Le tarif ?

  • Prime : 3,99 $ par commande
  • Non-Prime : 13,99 $ par commande
  • Panier inférieur à 15 $ : +1,99 $ de frais « petit panier »

Des prix agressifs, surtout pour les membres Prime, qui rendent la concurrence nerveuse.

La recette secrète : les micro-entrepôts de proximité

Contrairement à l’ancien modèle où tout partait d’immenses centres de distribution à 50 km des villes, Amazon a adopté la stratégie qui a fait le succès (et parfois la perte) des startups européennes et turques : des micro-fulfillment centers implantés au cœur des zones urbaines denses.

« Nous utilisons des installations plus petites spécialement conçues pour une préparation efficace des commandes, placées stratégiquement près de l’endroit où vivent et travaillent nos clients à Seattle et Philadelphie. »

Amazon, blog officiel – décembre 2025

Ces mini-entrepôts permettent de réduire drastiquement la distance parcourue par les livreurs et d’optimiser la préparation. Résultat : des délais qui flirtent parfois avec les 15-20 minutes en heure creuse.

Un précédent qui fait trembler : les 6 minutes aux Émirats

Ce n’est pas la première tentative d’Amazon dans l’ultra-rapide. En octobre 2025, la firme a lancé un service de livraison en 15 minutes à Abu Dhabi et Dubaï. Certains clients ont reçu leur commande en… 6 minutes chrono. Un record qui a fait le tour du web.

Le test américain est donc la suite logique : valider le modèle sur un marché mature et ultra-concurrentiel.

Le quick commerce : de l’euphorie européenne à la consolidation brutale

Rappelons le contexte. Entre 2020 et 2022, l’Europe a vu exploser les startups de livraison en 10-15 minutes : Getir, Gorillas, Flink, Cajoo, Zapp, GoPuff… Levées de fonds records, valorisations folles (Gorillas à 3 milliards en quelques mois), scooters électriques partout dans les capitales.

Puis est venu l’hiver 2022-2024 : hausse des taux, coûts d’exploitation insoutenables, marges négatives abysses. Résultat ?

StartupStatut 2025
GetirRetrait d’Europe et USA, recentrage Turquie
GorillasRacheté par Getir puis fermé
FlinkRacheté par Rewe (Allemagne)
CajooRacheté par Flink
ZappFaillite
GoPuffSurvie difficile, réduction forte

Seuls les acteurs adossés à des géants (Uber Eats avec CornerShop, DoorDash avec DashMart) ou à des distributeurs traditionnels ont tenu. Le quick commerce est devenu un jeu de très gros.

Pourquoi Amazon arrive (beaucoup) trop tard… ou pile au bon moment

Deux écoles s’affrontent.

Les pessimistes : « Le marché est déjà saturé, les startups ont brûlé la demande, les consommateurs sont revenus à des habitudes plus raisonnables. »

Les optimistes (et je fais partie de ceux-là) : Amazon arrive avec trois armes fatales que personne n’avait :

  1. 170 millions de membres Prime aux USA déjà habitués à payer pour la rapidité
  2. Une logistique déjà amortie (flotte, algorithmes, assurances)
  3. La capacité à perdre de l’argent très longtemps sur un segment pour tuer la concurrence

En clair, Amazon peut se permettre de proposer 3,99 $ là où les autres facturaient 5 à 8 € en Europe tout en perdant 15 € par commande. C’est l’arme nucléaire du commerce.

Les conséquences attendues pour les acteurs actuels

  • Instacart : déjà en difficulté en bourse, risque de voir sa part de marché fondre rapidement
  • DoorDash & Uber Eats : moins impactés car plus diversifiés (restauration), mais pression sur les marges
  • Walmart Spark & Target Shipt : doivent accélérer leurs propres tests ultra-rapides
  • Les derniers pure players (GoPuff, Dumpling) : menace existentielle

Et demain ? Paris, Londres, Berlin dans le viseur ?

Amazon reste discret sur l’international, mais plusieurs indices laissent penser que l’Europe n’est qu’une question de mois :

  • Recrutements massifs de responsables « ultrafast grocery » à Paris et Londres
  • Dépôts de marque « Amazon 30-Minute Delivery » dans plusieurs pays européens
  • Tests déjà en cours en Inde (Amazon Fresh 10 minutes à Bangalore)

Lorsque Amazon entrera en Europe, le paysage sera définitivement bouleversé. Car là où les startups avaient 5-10 dark stores par grande ville, Amazon pourra en ouvrir 100 grâce à sa surface financière.

Ce que cela dit de l’avenir du commerce

La livraison en 30 minutes n’est plus une fonctionnalité gadget : elle devient un standard attendu par une partie croissante des urbains. Ceux qui ne pourront pas suivre disparaîtront.

Et derrière la rapidité, il y a une transformation plus profonde : nous passons d’un commerce de destination (aller au magasin) à un commerce d’intention immédiate (je veux ça, tout de suite).

Amazon ne fait pas que livrer plus vite. Il réécrit les règles de la proximité.

À suivre de très près.

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Steven Soarez
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