Imaginez rouler librement en ville sur un vélo électrique puissant, sans effort, avec le vent dans le dos et un sourire aux lèvres. C’était la promesse de Rad Power Bikes, cette startup qui a révolutionné la mobilité urbaine pendant la pandémie. Mais aujourd’hui, l’aventure semble prendre un tournant dramatique.
La chute inattendue de Rad Power Bikes
Le 17 décembre 2025, Rad Power Bikes a officiellement déposé le bilan sous le régime du Chapter 11 aux États-Unis. Cette procédure permet à l’entreprise de continuer ses activités tout en restructurant ses dettes et en cherchant un repreneur. Un porte-parole a indiqué que l’objectif était de vendre l’entreprise dans un délai de 45 à 60 jours.
Cette nouvelle n’arrive pas totalement par surprise. Quelques semaines plus tôt, la direction avait averti les employés d’un possible arrêt complet sans injection de capitaux frais. Un accord prometteur était sur le point de se conclure, mais il a finalement capoté sans explications détaillées.
Un contexte sectoriel difficile pour les e-bikes
Rad Power Bikes n’est pas un cas isolé. Le marché des vélos électriques a connu un boom extraordinaire pendant la crise sanitaire, porté par la recherche de solutions de transport individuelles et écologiques. Les ventes ont explosé, les investissements ont afflué, et de nombreuses startups ont levé des fonds records.
Mais une fois la pandémie passée, la demande s’est normalisée brutalement. Les stocks invendus se sont accumulés, les coûts logistiques ont grimpé, et la concurrence s’est intensifiée avec l’arrivée de produits chinois à bas prix. Plusieurs acteurs majeurs ont déjà sombré : VanMoof aux Pays-Bas ou Cake en Suède ont traversé des procédures similaires, avant de trouver parfois un second souffle avec de nouveaux propriétaires.
Ce dépôt de bilan nous permet de continuer à opérer normalement tout en cherchant la meilleure issue pour tous ceux qui dépendent de Rad au quotidien.
Porte-parole de Rad Power Bikes
Les chiffres qui font mal
Dans les documents déposés au tribunal, Rad Power Bikes déclare 32 millions de dollars d’actifs contre 73 millions de dollars de passifs. Un écart important qui illustre les difficultés financières accumulées.
Parmi les créances, plus de 8 millions de dollars sont réclamés par les douanes américaines pour des droits de douane impayés – une dette que l’entreprise conteste. Ce point rappelle comment les politiques commerciales peuvent peser lourdement sur les entreprises dépendantes des importations.
Durant la première présidence Trump, des tarifs similaires sur les composants chinois avaient déjà contribué à la chute de Boosted, un fabricant de skateboards électriques. L’histoire semble se répéter dans le secteur de la micromobilité.
Une série de turbulences internes
Les derniers mois ont été particulièrement agités pour Rad Power Bikes. L’entreprise a procédé à plusieurs vagues de licenciements pour réduire ses coûts. Au début de l’année 2025, un changement de direction a eu lieu avec l’arrivée de Kathi Lentzsch comme nouvelle CEO.
Cette dirigeante expérimentée dans le redressement d’entreprises en difficulté annonçait alors un virage stratégique majeur : abandon progressif du modèle direct-to-consumer qui avait fait le succès initial, au profit d’une approche centrée sur les réseaux de distribution physiques.
Cette réorientation visait à renforcer les relations clients et à toucher un public plus large. Malheureusement, elle n’a pas suffi à redresser la barre à temps.
L’incident des batteries qui complique tout
Juste avant le dépôt de bilan, la Consumer Product Safety Commission (CPSC) américaine a émis un avertissement sévère concernant certaines batteries anciennes de Rad Power Bikes. Selon l’agence, 31 incidents d’incendie ont été rapportés, présentant un risque grave de blessures ou de décès.
L’entreprise a immédiatement contesté cette caractérisation, affirmant que les faits étaient mal présentés. Cet épisode a néanmoins terni davantage l’image de marque à un moment déjà critique.
- 31 signalements d’incendies liés à d’anciennes batteries
- Avertissement public de la CPSC
- Réponse ferme de contestation de Rad Power Bikes
- Impact potentiel sur la confiance des consommateurs
Qu’est-ce que le Chapter 11 exactement ?
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le droit américain des entreprises, le Chapter 11 est une procédure de restructuration qui offre une bouffée d’oxygène. Contrairement à une liquidation pure et simple, elle permet de :
- Continuer l’activité commerciale normale
- Protéger temporairement contre les créanciers
- Négocier un plan de remboursement ou une vente
- Préserver emplois et relations partenaires dans l’idéal
De nombreuses entreprises célèbres s’en sont sorties renforcées, comme General Motors ou Delta Airlines par le passé. Pour Rad Power Bikes, l’objectif affiché est clair : vendre l’entreprise en bloc pour préserver sa marque et son savoir-faire.
Les forces qui avaient fait le succès de Rad
Avant ces difficultés, Rad Power Bikes incarnait parfaitement la success story des startups de la mobilité verte. Fondée en 2007 à Seattle, l’entreprise a vraiment décollé vers 2015 avec des modèles robustes, abordables et polyvalents.
Ses vélos cargo, fat bikes ou utilitaires ont séduit une clientèle nord-américaine cherchant des alternatives pratiques à la voiture pour les trajets quotidiens. Le modèle direct-to-consumer permettait des prix compétitifs en éliminant les intermédiaires.
Pendant la pandémie, les commandes ont explosé. L’entreprise a levé des dizaines de millions de dollars et ouvert des showrooms physiques. Elle était devenue l’un des leaders incontestés du marché américain des e-bikes.
Les leçons à tirer pour les startups mobilité
Cette histoire offre plusieurs enseignements précieux pour l’écosystème startup, particulièrement dans les secteurs cycliques comme la mobilité durable.
D’abord, la dépendance excessive à un canal de distribution unique peut devenir un piège. Le passage tardif vers le retail physique illustre cette vulnérabilité.
Ensuite, la gestion des stocks et de la supply chain dans un contexte d’importations internationales reste critique. Les droits de douane et les fluctuations géopolitiques peuvent rapidement déséquilibrer un modèle économique.
Enfin, la sécurité produit est non négociable. Un incident, même contesté, peut accélérer une crise de confiance déjà latente.
| Défis rencontrés | Conséquences |
| Boom post-pandémie suivi d’un ralentissement | Surstocks et baisse des ventes |
| Dettes douanières contestées | Pressure financière accrue |
| Changement stratégique tardif | Manque de temps pour implémentation |
| Avertissement sécurité batteries | Atteinte à la réputation |
Quel avenir pour Rad Power Bikes ?
La procédure actuelle laisse place à plusieurs scénarios. Un repreneur industriel pourrait voir dans Rad une marque forte avec un portefeuille de produits éprouvés et une communauté fidèle.
Des acteurs déjà établis dans le vélo traditionnel pourraient vouloir accélérer leur transition électrique. Ou bien un fonds d’investissement spécialisé dans les restructurations pourrait miser sur un redressement progressif.
Le délai court de 45 à 60 jours impose une vente rapide. Si aucun accord n’est trouvé, une conversion en Chapter 7 (liquidation) reste possible, même si personne ne le souhaite.
L’impact sur le marché des vélos électriques
Au-delà de Rad, cette affaire interroge l’ensemble du secteur. La micromobilité traverse une phase de consolidation après les excès de la période pandémique.
Les survivants devront probablement démontrer une rentabilité durable, des chaînes d’approvisionnement résilientes et une différenciation claire. Les modèles hybrides combinant vente en ligne et réseaux physiques semblent promis à un bel avenir.
Par ailleurs, les questions réglementaires autour de la sécurité des batteries lithium-ion vont continuer à peser. Les normes vont probablement se durcir, favorisant les acteurs les plus rigoureux.
Conclusion : une page se tourne, mais pas forcément la fin
Rad Power Bikes a démocratisé l’accès au vélo électrique pour des centaines de milliers d’utilisateurs. Même en pleine tourmente, la marque conserve des atouts indéniables : innovation produit, communauté passionnée, reconnaissance marché.
Le Chapter 11 n’est pas une fin en soi mais souvent un tremplin vers une nouvelle vie. Espérons qu’un repreneur saura redonner des couleurs à cette belle aventure entrepreneuriale qui a contribué à rendre nos villes un peu plus vertes et agréables à vivre.
Le secteur de la mobilité électrique reste promis à un avenir radieux. Des histoires comme celle de Rad nous rappellent simplement que le chemin est semé d’embûches, et que la résilience est la clé du succès durable.