Imaginez arriver au bureau un matin, fier d’avoir contribué à concevoir certains des véhicules électriques les plus ambitieux du marché, pour apprendre que votre carrière vient de basculer à cause de remarques racistes proférées en coulisses. C’est exactement ce qu’affirme avoir vécu Eric Bach, l’ancien ingénieur en chef de Lucid Motors, dans une plainte déposée récemment contre son ex-employeur. Cette affaire soulève des questions profondes sur la culture interne des startups high-tech, surtout dans le secteur ultra-compétitif des voitures électriques.

Lucid Motors face à une crise interne majeure

Lucid Motors, cette startup californienne qui rêve de concurrencer Tesla avec des berlines et SUV électriques ultra-luxueux, traverse une zone de turbulences particulièrement violente. Au-delà des défis financiers et industriels classiques, l’entreprise doit maintenant gérer un scandale judiciaire qui met en lumière des dysfonctionnements profonds au sein de sa direction.

Le 8 décembre 2025, Eric Bach a déposé une plainte fédérale en Californie du Nord. Il accuse Lucid de licenciement abusif, discrimination fondée sur son origine allemande, et représailles après qu’il a dénoncé des comportements racistes. Les détails révélés dans le document sont accablants et méritent qu’on s’y attarde.

Qui est Eric Bach, le plaignant au cœur de l’affaire ?

Eric Bach n’était pas n’importe quel salarié. Ingénieur expérimenté, il a passé plus d’une décennie chez Lucid (et ses prédécesseurs). Il occupait le poste de chief engineer, responsable de l’ensemble de l’ingénierie hardware, de la gestion produit et même de la planification stratégique.

Selon la plainte, il était vu comme un successeur potentiel au poste de CTO, voire de CEO un jour. Des membres du conseil d’administration, dont Turqi Alnowaiser et Andrew Liveris, l’auraient encouragé dans cette voie. Bach incarnait donc la continuité technique d’une entreprise fondée sur l’expertise de ses ingénieurs.

Son parcours illustre parfaitement le profil des talents que les startups EV cherchent à attirer : expérience solide, vision long terme, et engagement total. Raison pour laquelle son éviction brutale choque autant les observateurs du secteur.

Les accusations précises portées contre Lucid Motors

Le cœur du dossier repose sur une enquête interne lancée fin 2024 concernant la culture d’entreprise. Eric Bach affirme que cette enquête a été biaisée dès le départ par des préjugés racistes au sein du département RH.

Un cadre supérieur des ressources humaines aurait qualifié Bach de « German Nazi » en raison de son origine allemande.

Extrait de la plainte d’Eric Bach

Cette remarque, rapportée plusieurs mois après les faits, aurait été confirmée par l’entreprise elle-même. Bach a encouragé un collègue à la signaler, puis a déposé sa propre plainte contre un autre vice-président pour des comportements similaires.

La réponse de Lucid ? Au lieu de sanctionner les auteurs présumés, l’entreprise aurait progressivement retiré à Bach ses responsabilités, notamment sur la division powertrain, avant de tenter de le pousser à la démission en octobre 2025. Il a finalement été licencié le 5 novembre 2025.

  • Perte progressive des responsabilités dès début 2025
  • Exclusion des réunions du conseil d’administration
  • Tentative de démission forcée en octobre
  • Licenciement officiel début novembre

Lucid Motors conteste vigoureusement ces allégations. Dans un communiqué, l’entreprise qualifie les revendications de « absurdes » et se dit confiante que les faits démontreront la légitimité de la décision.

Un contexte d’instabilité chronique chez Lucid

Cette affaire ne surgit pas dans un ciel serein. Lucid traverse depuis plusieurs mois une valse des exécutifs qui interpelle les investisseurs et les analystes.

En février 2025, Peter Rawlinson, le charismatique CEO et CTO fondateur, a brusquement démissionné sans que l’entreprise n’ait encore nommé de successeur permanent. Depuis, une série de départs a touché des postes clés :

  • Vice-président ingénierie (parti le même jour que Bach)
  • Responsable relations investisseurs
  • Senior VP des opérations
  • Managing Director Europe
  • VP qualité logiciel et VP marketing

Cette hémorragie de talents intervient alors que Lucid brûle des liquidités à un rythme alarmant pour lancer la production du Gravity SUV et préparer une plateforme midsize plus abordable prévue pour fin 2026.

Dans ce contexte, les accusations de Bach prennent une dimension supplémentaire : elles suggèrent qu’une partie des départs pourrait être liée à une culture interne toxique plutôt qu’à de simples divergences stratégiques.

Les enjeux financiers derrière le scandale

Lucid Motors reste une entreprise en phase de croissance intensive. Malgré des véhicules salués pour leur technologie (l’Air détient encore le record d’autonomie EPA), la startup peine à transformer son excellence technique en succès commercial.

Le Gravity SUV, présenté comme le sauveur potentiel, doit permettre d’atteindre des volumes plus importants. Mais chaque retard ou problème de production coûte cher. La trésorerie fond rapidement, obligeant l’entreprise à dépendre fortement de son principal actionnaire, le fonds souverain saoudien PIF.

Dans ce cadre, toute instabilité au niveau exécutif représente un risque majeur. Les investisseurs surveillent de près la capacité de Lucid à stabiliser son management tout en accélérant son industrialisation.

La discrimination dans les startups tech : un sujet tabou ?

Au-delà du cas Lucid, cette affaire met en lumière un problème plus large dans l’écosystème des startups high-tech américaines. Sous la pression extrême de la croissance rapide, certaines entreprises négligent la construction d’une culture inclusive.

Les plaintes pour discrimination fondée sur l’origine nationale ou ethnique restent relativement rares dans le secteur EV, mais elles existent. Elles rappellent que derrière les discours progressistes de la Silicon Valley persistent parfois des biais culturels profonds.

Le fait que l’accusation porte sur une remarque liée à la Seconde Guerre mondiale montre à quel point certains stéréotypes restent ancrés, même dans des environnements censés être à la pointe de la modernité.

Quelles conséquences possibles pour Lucid Motors ?

À court terme, l’entreprise va devoir gérer l’image négative générée par cette plainte. Dans un secteur où la réputation joue un rôle crucial pour attirer talents et investisseurs, ces accusations peuvent faire mal.

Sur le plan judiciaire, le dossier pourrait durer des années. Mais même un règlement à l’amiable impliquerait probablement un coût financier et une reconnaissance implicite de dysfonctionnements.

Plus largement, cette crise pourrait pousser d’autres anciens employés à témoigner ou à engager des actions similaires, amplifiant le scandale.

AspectImpact potentiel
RéputationDifficulté à recruter top talents
FinancierCoûts légaux + éventuelle indemnisation
OpérationnelRalentissement décisions stratégiques
InvestisseursPressure accrue du PIF et actionnaires

Vers une nécessaire remise en question culturelle

Quelle que soit l’issue du procès, cette affaire constitue un signal d’alarme pour Lucid Motors. Les startups en hyper-croissance doivent investir autant dans leur culture d’entreprise que dans leur R&D.

Former les équipes RH, mettre en place des canaux de signalement vraiment indépendants, et promouvoir une diversité réelle au-delà des discours marketing : voilà les chantiers qui s’imposent.

Car dans le secteur des véhicules électriques, la concurrence est féroce. Tesla, Rivian, et les constructeurs traditionnels avancent vite. Une entreprise minée par des conflits internes aura toujours un train de retard.

Conclusion : un tournant pour Lucid ?

L’affaire Eric Bach contre Lucid Motors illustre les dangers d’une croissance trop rapide sans garde-fous culturels solides. Au moment où l’entreprise joue son avenir avec le Gravity et ses futurs modèles midsize, elle doit impérativement restaurer la confiance interne.

Les prochains mois diront si Lucid parvient à transformer cette crise en opportunité de modernisation profonde, ou si elle continue à s’enfoncer dans les turbulences. Une chose est sûre : dans le monde impitoyable des startups EV, il n’y a pas de place pour les distractions de ce type.

Suivre cette histoire sera passionnant, car elle révèle les coulisses d’une industrie en pleine mutation. Entre prouesses technologiques et drames humains, le secteur des véhicules électriques ne cesse de nous surprendre.

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Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.