Imaginez un instant que votre police d’écriture préférée soit soudainement accusée de promouvoir une idéologie politique. Cela semble absurde, n’est-ce pas ? Pourtant, c’est exactement ce qui vient de se produire au Département d’État américain, où Marco Rubio a décidé de bannir la police Calibri, la qualifiant implicitement de trop liée aux initiatives DEI.
Cette histoire, qui pourrait sortir tout droit d’une satire, illustre parfaitement les tensions actuelles dans l’administration Trump. Elle soulève des questions sur la symbolique politique, l’accessibilité et même le goût esthétique en matière de typographie officielle.
Une décision typographique qui fait polémique
En décembre 2025, une note interne fuitée a révélé que le nouveau secrétaire d’État, Marco Rubio, a ordonné le remplacement immédiat de la police Calibri par Times New Roman pour tous les documents officiels. La raison invoquée ? Calibri aurait été adoptée sous l’ère Biden par le bureau dédié à la diversité, l’équité et l’inclusion, aujourd’hui dissous.
Ce choix de police sans serif avait pourtant une justification pratique : améliorer la lisibilité pour les personnes malvoyantes ou dyslexiques. Les lettres plus espacées et dépourvues d’empattements facilitent en effet la lecture pour certains profils. Mais pour Rubio, cette décision représentait une dérive idéologique qu’il fallait corriger au plus vite.
Pourquoi Calibri est-elle devenue un symbole contesté ?
Calibri a été introduite comme police par défaut dans Microsoft Office en 2007, remplaçant Times New Roman. Moderne, épurée, elle a rapidement conquis le monde professionnel. Mais son adoption au State Department en 2023, sous l’impulsion d’un bureau DEI, l’a soudainement politisée.
Dans son mémo, Marco Rubio affirme que ce retour à Times New Roman permettra de restaurer le décorum et le professionnalisme des correspondances officielles. Il reconnaît que Calibri n’est pas le pire exemple de gaspillage idéologique, mais qu’elle contribue néanmoins à une certaine dégradation des standards.
Calibri n’est peut-être pas l’exemple le plus illégal, immoral, radical ou gaspilleur de DEI, mais elle symbolise une dégradation progressive.
Extrait du mémo attribué à Marco Rubio
Cette citation, rapportée par plusieurs médias, montre à quel point la lutte contre les initiatives DEI est devenue prioritaire pour l’administration républicaine.
L’argument de l’accessibilité mis de côté
L’un des aspects les plus troublants de cette décision concerne l’accessibilité. Les polices sans serif comme Calibri sont souvent recommandées pour les personnes souffrant de troubles visuels ou de dyslexie. Des études, bien que parfois contradictoires, tendent à montrer une meilleure lisibilité grâce à l’espacement et à la simplicité des formes.
En revenant à Times New Roman, une police avec serif datant des années 1930, le Département d’État fait-il un pas en arrière en matière d’inclusion ? C’est la question que se posent de nombreux observateurs, y compris au sein même de la diplomatie américaine.
- Les serifs sont ces petites extensions décoratives aux extrémités des lettres.
- Ils étaient traditionnellement censés guider l’œil le long des lignes de texte.
- Mais sur écran, les sans-serif comme Calibri sont souvent jugés plus lisibles.
- Des associations pour les malvoyants recommandent fréquemment Arial ou Verdana.
Paradoxalement, cette mesure anti-DEI pourrait donc nuire à l’accessibilité qu’elle prétend ne pas viser directement.
Times New Roman : un retour aux sources conservateur
Le choix de Times New Roman n’est pas anodin. Cette police, créée en 1931 pour le journal The Times, évoque une certaine tradition, un classicisme britannique puis américain. Elle a longtemps été la norme dans les documents officiels et académiques.
Même le New York Times l’a abandonnée il y a près de vingt ans pour des raisons de lisibilité numérique. Pourtant, Marco Rubio la présente comme le remède au modernisme excessif incarné par Calibri.
Ce retour en arrière typographique s’inscrit dans une vague plus large de mesures symboliques prises par l’administration Trump depuis son retour au pouvoir.
La typographie, un champ de bataille politique inattendu
Qui aurait cru que les polices d’écriture deviendraient un enjeu politique majeur ? Pourtant, les passions autour de la typographie sont anciennes. Chacun a sa police préférée, celle qui évoque professionnalisme, modernité ou tradition.
Calibri a souvent été critiquée pour son côté trop « corporate », trop lisse. Beaucoup lui préfèrent Helvetica pour son élégance ou Garamond pour sa finesse. Mais la bannir pour des raisons idéologiques marque un tournant inédit.
| Police | Type | Année création | Perception courante |
| Calibri | Sans serif | 2007 | Moderne, accessible |
| Times New Roman | Serif | 1931 | Traditionnelle, académique |
| Arial | Sans serif | 1982 | Neutre, universelle |
| Helvetica | Sans serif | 1957 | Design, élégante |
Ce tableau illustre les différences fondamentales entre ces polices qui divisent les typographes amateurs comme professionnels.
Les réactions dans les médias et sur les réseaux
L’annonce a rapidement fait le tour des réseaux sociaux et des médias. Des articles satiriques ont fleuri, comparant cette mesure à des épisodes de séries comiques. Pourtant, derrière l’humour, beaucoup y voient un signal fort envoyé aux fonctionnaires.
Certains diplomates ont confié anonymement leur surprise face à cette priorité. Dans un contexte de tensions géopolitiques majeures, s’attarder sur une police d’écriture peut sembler déconnecté des réalités.
Mais pour les partisans de Trump, cette décision est cohérente avec la promesse de démanteler tout ce qui relève du « wokisme » institutionnel.
Un précédent dans l’histoire administrative américaine ?
Les changements de polices officielles ne sont pas nouveaux. En 2005, le Royaume-Uni avait recommandé Arial pour ses documents gouvernementaux, pour des raisons d’accessibilité. Aux États-Unis, des débats similaires ont eu lieu.
Mais jamais une police n’avait été explicitement bannie pour ses liens avec une politique d’inclusion. Ce cas Rubio-Calibri entre dans les annales comme exemple extrême de politisation du quotidien administratif.
Quelles conséquences pour les fonctionnaires ?
Concrètement, tous les diplomates et employés du State Department doivent désormais utiliser Times New Roman. Des formations internes pourraient même être organisées pour assurer la transition.
Cette mesure s’ajoute à d’autres directives anti-DEI : suppression de formations sur la diversité, changement de vocabulaire officiel, etc. Elle participe à une refonte culturelle profonde de l’appareil d’État.
- Mise à jour des modèles de documents
- Modification des signatures électroniques
- Contrôles sur les correspondances sortantes
- Possible sanction en cas de non-respect
Ces étapes illustrent le sérieux avec lequel cette décision, apparemment anodine, est prise.
Et ailleurs dans le monde ?
Cette affaire américaine trouve des échos internationaux. En Europe, les normes d’accessibilité numérique (WCAG) recommandent souvent des polices sans serif. La France privilégie ainsi des polices comme Open Sans pour ses sites gouvernementaux.
Le contraste est frappant : pendant que certains pays renforcent l’inclusion numérique, les États-Unis, sous cette administration, semblent prendre le chemin inverse sur certains aspects symboliques.
Des experts en typographie et en design public suivent l’affaire avec intérêt, se demandant si d’autres institutions suivront.
Une guerre culturelle qui ne désarme pas
Au-delà de la police d’écriture, cette décision s’inscrit dans une guerre culturelle plus large. Le DEI est devenu un mot-valise regroupant tout ce que la droite américaine rejette : du politiquement correct à l’affirmative action.
Marco Rubio, en ciblant un élément aussi trivial qu’une police, envoie un message clair : aucune trace de l’ère précédente ne doit subsister. C’est une forme d’épuration symbolique.
Les petites décisions en disent parfois plus sur une administration que les grandes réformes.
Un observateur anonyme de la politique américaine
Cette réflexion résume bien l’enjeu derrière cette affaire apparemment anecdotique.
Conclusion : quand la forme reflète le fond
L’histoire du banissement de Calibri par Marco Rubio restera probablement comme une anecdote savoureuse de cette période politique. Elle illustre comment les choix les plus techniques peuvent devenir hautement symboliques.
Entre tradition et modernité, accessibilité et idéologie, cette bataille typographique nous rappelle que rien n’échappe à la polarisation actuelle. Reste à voir si Times New Roman parviendra vraiment à restaurer le « décorum » promis.
En attendant, les diplomates américains taperont leurs mémos dans une police centenaire, pendant que le monde numérique continue d’évoluer vers plus de lisibilité et d’inclusion. Une page se tourne, littéralement.