Imaginez un robot capable de plier votre linge, ranger votre vaisselle ou même surveiller votre maison pendant votre absence. C’est exactement ce que promettait 1X avec son modèle Neo, présenté comme le premier humanoïde prêt pour un usage domestique. Pourtant, à peine quelques mois après l’ouverture des précommandes, la startup norvégienne annonce un virage spectaculaire : des milliers de ces robots vont plutôt intégrer des usines et des entrepôts.

Quand le robot de maison prend le chemin de l’usine

Cette évolution n’est pas anodine. Elle révèle les réalités du marché de la robotique humanoïde, où les applications industrielles semblent beaucoup plus accessibles que les rêves d’un majordome mécanique à domicile. Derrière ce changement de cap se cache un partenariat stratégique d’envergure avec un géant de l’investissement.

Le 11 décembre 2025, 1X a révélé une alliance avec EQT, un fonds d’investissement suédois majeur dont la branche venture, EQT Ventures, figure parmi ses investisseurs. L’accord prévoit la mise à disposition potentielle de jusqu’à 10 000 robots Neo entre 2026 et 2030 pour les plus de 300 entreprises du portefeuille d’EQT, principalement dans les secteurs de la fabrication, de la logistique et de la manutention.

Un pivot stratégique dicté par le marché

À première vue, cette nouvelle peut surprendre. Depuis ses débuts, 1X a mis en avant le caractère domestique de son robot Neo. Lors du lancement des précommandes en octobre 2025 à 20 000 dollars l’unité, les vidéos promotionnelles montraient l’humanoïde en train d’accomplir des tâches ménagères quotidiennes : ramasser des objets, interagir doucement avec les humains, évoluer dans un environnement familial.

Mais la réalité économique rattrape vite les ambitions technologiques. Le prix élevé limite mécaniquement le nombre d’acheteurs potentiels chez les particuliers. Ajoutez à cela les questions de vie privée – les robots Neo étant parfois pilotés à distance par des opérateurs humains qui peuvent voir à travers leurs yeux – et les inquiétudes de sécurité avec les enfants ou les animaux domestiques, et vous comprenez pourquoi le grand public reste prudent.

Les robots humanoïdes pour la maison restent un marché difficile à pénétrer dans l’immédiat, alors que les usages industriels représentent une opportunité beaucoup plus concrète et immédiate.

Observation partagée par plusieurs experts du secteur

À l’inverse, les entreprises industrielles cherchent activement des solutions pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, automatiser les tâches répétitives et augmenter leur productivité. Le contexte est idéal pour déployer des robots polyvalents comme Neo.

Les détails du partenariat avec EQT

Ce n’est pas un simple accord commercial, mais une véritable alliance stratégique. EQT Ventures ayant investi dans 1X dès les premiers tours de table, le fonds connaît parfaitement le potentiel de la technologie. L’idée est simple : faciliter l’accès aux robots Neo pour les entreprises du portefeuille EQT qui en manifestent l’intérêt.

Chaque déploiement se fera via des contrats individuels entre 1X et l’entreprise concernée. Aucun engagement ferme n’est pris pour les 10 000 unités, mais le volume potentiel donne une idée de l’ambition du projet. Les premiers robots pourraient arriver dès 2026, avec une montée en puissance progressive jusqu’en 2030.

  • Volume potentiel : jusqu’à 10 000 robots Neo
  • Période : 2026 à 2030
  • Secteurs prioritaires : manufacturing, entreposage, logistique
  • Modalité : contrats individuels avec chaque entreprise intéressée
  • Avantage : accès privilégié pour les portfolio companies d’EQT

Ce modèle de partenariat entre une startup technologique et un fonds d’investissement n’est pas inédit, mais il prend ici une dimension particulièrement concrète. Il permet à 1X d’accéder à un réseau étendu de clients potentiels sans avoir à prospecter individuellement.

1X : une success story norvégienne en pleine ascension

Fondée en 2014 en Norvège, 1X Technologies s’est d’abord appelée Halodi Robotics avant de pivoter vers une vision plus large des humanoïdes. La société a su attirer l’attention des plus grands noms du venture capital mondial.

Avec plus de 130 millions de dollars levés, 1X compte parmi ses investisseurs Tiger Global, EQT Ventures, et même le fonds de démarrage d’OpenAI. Ce dernier soutien n’est pas anodin : il témoigne de la qualité de l’intelligence artificielle embarquée dans les robots de la startup.

Contrairement à certains concurrents qui se concentrent exclusivement sur l’industrie (comme Figure ou Boston Dynamics avec certains modèles), 1X a toujours affiché une double ambition : d’abord le domicile, ensuite les environnements professionnels. Le modèle Eve Industrial, dédié aux usages industriels, existe déjà. Mais l’utilisation du Neo dans ce partenariat montre que la frontière entre les deux mondes devient poreuse.

Les défis techniques des humanoïdes polyvalents

Concevoir un robot capable d’évoluer aussi bien dans un salon que dans un entrepôt n’est pas trivial. Les environnements domestiques exigent une grande délicatesse, une interaction fluide avec les humains et une capacité à manipuler des objets variés et fragiles.

Les usines et entrepôts, eux, demandent robustesse, répétabilité des gestes et intégration dans des chaînes de production existantes. Le fait que 1X parvienne à adapter son modèle domestique à ces contraintes démontre une maturité technologique certaine.

La startup met en avant l’apprentissage par imitation et le contrôle à distance comme clés de la polyvalence de Neo. Des opérateurs humains peuvent guider le robot dans des situations complexes, tandis que l’intelligence artificielle intégrée lui permet d’acquérir progressivement de l’autonomie.

Le marché des robots humanoïdes : état des lieux

La robotique humanoïde connaît une accélération sans précédent. Tesla travaille sur Optimus, Figure lève des fonds records pour ses modèles industriels, Agility Robotics déploie Digit dans des entrepôts Amazon, et Boston Dynamics continue d’impressionner avec Atlas.

Mais le marché reste jeune. Les experts estiment que l’adoption massive dans les foyers pourrait prendre encore une décennie, le temps de résoudre les questions de coût, de sécurité et d’acceptabilité sociale.

StartupModèle principalCible prioritaireInvestisseurs notables
1XNeo / EveMaison puis industrieOpenAI Startup Fund, Tiger Global
FigureFigure 01IndustrieMicrosoft, Nvidia, Jeff Bezos
TeslaOptimusUsines Tesla puis maisonInterne
Agility RoboticsDigitLogistiqueAmazon, DCVC

Dans ce paysage concurrentiel, le partenariat de 1X avec EQT pourrait constituer un avantage décisif en termes de déploiement à grande échelle.

Quelles conséquences pour l’emploi et la société ?

L’arrivée massive de robots humanoïdes dans l’industrie soulève inévitablement des questions sociales. Les tâches répétitives et physiquement exigeantes en entrepôt ou en usine sont souvent occupées par des travailleurs peu qualifiés ou en situation précaire.

L’automatisation pourrait entraîner des suppressions de postes, mais aussi créer de nouvelles opportunités : maintenance des robots, supervision, programmation avancée. L’histoire de l’industrialisation montre que la technologie détruit certains emplois tout en en créant d’autres, souvent plus qualifiés.

Les pays nordiques, dont la Norvège et la Suède sont ici directement concernés, ont généralement une approche pragmatique avec des filets de sécurité sociale solides et une culture de la reconversion professionnelle.

Perspectives d’avenir pour 1X

Ce partenariat marque probablement un tournant pour 1X. Les revenus générés par ces déploiements industriels pourraient financer les améliorations nécessaires pour rendre le Neo vraiment viable à la maison dans quelques années.

La startup a d’ailleurs indiqué que les précommandes pour la version domestique ont largement dépassé ses objectifs, même si elle n’a pas communiqué de chiffres précis. Le rêve du robot compagnon n’est donc pas abandonné, simplement reporté.

À plus long terme, la convergence entre usages domestiques et professionnels pourrait devenir la norme. Un robot capable de travailler en usine le jour et d’aider à la maison le soir ? La science-fiction n’est peut-être plus si loin.

En attendant, 1X démontre qu’une startup peut pivoter avec intelligence, en s’appuyant sur ses investisseurs pour accélérer son développement commercial. Une leçon précieuse dans l’univers impitoyable des deep techs.

Le secteur de la robotique humanoïde entre dans une phase décisive. Entre promesses enthousiasmantes et défis sociétaux majeurs, les prochaines années s’annoncent passionnantes. Et 1X, avec son mélange audacieux d’ambition domestique et de réalisme industriel, se positionne en acteur incontournable de cette révolution.

avatar d’auteur/autrice
Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.