Imaginez une scène digne d’un film de science-fiction : des chiens-robots à quatre pattes, noirs et luisants, errent dans un enclos de plexiglas sous les projecteurs d’Art Basel Miami Beach. Sur leur corps mécanique trônent des têtes humaines hyper-réalistes. Elon Musk, Mark Zuckerberg, Jeff Bezos, Pablo Picasso, Andy Warhol… et, au milieu de ces géants, le visage de l’artiste lui-même. Prix unitaire ? 100 000 dollars. Et devinez quoi : c’est celui avec la tête de Beeple qui s’est vendu en premier.
Cette installation, baptisée Regular Animals, a fait sensation début décembre 2025. Elle résume à elle seule l’audace provocatrice de Mike Winkelmann, plus connu sous le pseudonyme Beeple, et montre à quel point art, technologie et ego peuvent former un cocktail explosif.
Quand Beeple se met au centre de sa propre œuvre (et gagne)
Beeple n’a pas peur du ridicule… ni de l’autopromotion. Inclure son propre visage parmi ceux d’Elon Musk et de Picasso, il l’a lui-même qualifié de « ballsy » (courageux, voire culotté). Pourtant, les collectionneurs ont tranché : c’est son robot-chien qui a trouvé preneur en premier.
« Je me suis dit que c’était un peu prétentieux… mais apparemment les gens ont adoré. »
Beeple, interview Wall Street Journal
Ce choix n’est pas anodin. En se plaçant littéralement au milieu des icônes qu’il admire (ou critique), Beeple signe une œuvre qui parle d’abord de lui. Et ça marche. Quatre ans après avoir vendu un collage numérique 69 millions de dollars chez Christie’s, il prouve qu’il reste le roi incontesté de la provocation rentable.
Regular Animals : comment ça fonctionne vraiment ?
Les cinq robots (bientôt six selon certaines rumeurs) évoluent dans un enclos transparent. Chaque chien est équipé :
- d’une tête en silicone hyper-réaliste fabriquée sur mesure,
- d’une caméra thoracique qui capture en continu l’environnement,
- d’un système d’intelligence artificielle qui traite les images,
- d’un… distributeur arrière qui « expulse » des tirages physiques dans des sachets étiquetés Excrement Sample.
Sur 256 tirages produits par chien, certains contiennent un QR code donnant droit à un NFT gratuit. L’idée ? Transformer littéralement la merde en or numérique. Beeple recycle ici son humour scatologique déjà présent dans ses célèbres Everydays.
Une critique à peine voilée des titans de la tech
Placer Musk, Zuckerberg et Bezos en chiens qui défèquent de l’art, c’est évidemment une métaphore. Ces milliardaires produisent-ils de la valeur ou simplement des déchets que le marché transforme en or ? La question est posée sans douceur.
Mais Beeple ne se contente pas de critiquer : il se met dans le même panier. En incluant Picasso et Warhol, il interroge aussi le statut de l’artiste dans la société contemporaine. Sommes-nous tous des chiens de luxe qui transformons n’importe quoi en marchandise vendable ?
Le retour en force du marché NFT ?
En 2021, le collage Everydays: The First 5000 Days de Beeple avait marqué l’apogée de la folie NFT. 69,3 millions de dollars chez Christie’s. Puis le krach. Beaucoup annonçaient la mort des tokens non fongibles.
Quatre ans plus tard, voir des collectionneurs débourser 100 000 dollars pour un robot-chien qui produit des NFT dans des sachets « échantillon d’excréments » prouve une chose : une partie du marché est prête à tout, même au plus absurde, dès lors qu’il y a une histoire, une rareté et un nom derrière.
- Mars 2021 : record historique à 69 M$
- 2022-2023 : chute de 90 % du volume NFT
- Décembre 2025 : un robot Beeple se vend en quelques heures
Le NFT n’est peut-être pas mort. Il a simplement muté en objet physique absurde et hors de prix, exactement comme Beeple l’avait prédit dans certaines de ses œuvres anciennes.
Art Basel Miami : le lieu parfait pour la provocation
Chaque année, Art Basel Miami Beach attire les collectionneurs les plus fortunés de la planète. L’édition 2025 n’a pas dérogé à la règle. Entre les yachts amarrés et les soirées privées, l’installation de Beeple a agi comme un aimant à buzz.
Les files d’attente pour voir les chiens-robots déféquer leurs tirages étaient interminables. Certains visiteurs prenaient des selfies avec le chien-Elon Musk. D’autres tentaient de récupérer les sachets « Excrement Sample » tombés par terre. Le spectacle était total.
Beeple, entrepreneur autant qu’artiste
Derrière la provocation, il y a une stratégie parfaitement rodée. Beeple n’a jamais caché qu’il voyait l’art comme un business. Son studio à Charleston emploie des dizaines de personnes. Il possède sa propre plateforme NFT (WeNew). Il vend des prints, des livres, des cours en ligne.
Regular Animals n’est pas seulement une œuvre : c’est un produit dérivé géant, une expérience immersive, une machine à générer du contenu viral. Et ça fonctionne à merveille.
| Élément | Prix estimé | Statut |
| Robot-chien Beeple | 100 000 $ | Vendu (premier) |
| Robot-chien Elon Musk | 100 000 $ | En vente |
| Tirages physiques (256 par chien) | 500 à 5000 $ pièce | Marché secondaire |
| NFT gratuit via QR code | 0 $ (mais rareté) | Très recherché |
Et après ?
L’installation reste visible jusqu’à la fin de la foire. Des rumeurs parlent déjà d’une tournée mondiale. D’autres murmurent que Beeple prépare une version « open edition » moins chère avec des mini-robots à 10 000 dollars.
Une chose est sûre : tant que des collectionneurs seront prêts à payer six chiffres pour un chien qui fait caca des NFT, Beeple continuera de pousser les limites de l’absurde rentable.
Et quelque part, c’est peut-être ça le vrai message : dans le monde de l’art contemporain en 2025, l’audace et l’autodérision paient mieux que jamais.
Alors la prochaine fois que vous verrez un milliardaire ou un artiste se prendre trop au sérieux… souvenez-vous des Regular Animals. On est tous un peu des chiens-robots qui essayent de transformer notre quotidien en or. Beeple, lui, l’a simplement compris avant tout le monde.