Imaginez la scène : un dimanche après-midi tranquille, vous ouvrez X (ex-Twitter), et vous tombez sur un live intitulé « Bryan Johnson prend 5,24 grammes de psilocybine pour atteindre l’immortalité ». Vous cliquez par curiosité. Et là, vous assistez à l’un des spectacles les plus surréalistes de l’histoire de la tech.

Un million de personnes ont vécu la même chose le 30 novembre 2025. Ce n’était pas un canular. C’était réel, mesuré, sponsorisé, et applaudi par certains des hommes les plus riches de la planète.

Bryan Johnson, l’homme qui veut défier la mort à coups de données

Si vous ne connaissez pas encore Bryan Johnson, voici le résumé express : à 47 ans, cet ancien fondateur de Braintree (vendu 800 millions de dollars à PayPal) a décidé que vieillir était une maladie curable. Il dépense officiellement 2 millions de dollars par an pour rajeunir son corps. Son rythme de vieillissement biologique est actuellement estimé à 0,64 (c’est-à-dire qu’il vieillit moins vite qu’un enfant de 10 ans).

Ses habitudes font régulièrement le tour du web : transfusion de plasma de son fils adolescent, plus de 110 compléments par jour, injection de Botox dans le pénis pour « pour la santé vasculaire », sommeil dans une chambre noire à 16 °C, etc. Tout est documenté, mesuré, publié.

Mais cette fois, il a franchi un cap supplémentaire : transformer un trip aux champignons en expérience scientifique publique.

Pourquoi des champignons hallucinogènes dans un protocole anti-âge ?

La psilocybine, principe actif des champignons magiques, connaît un retour en force dans la recherche médicale. Des études sérieuses (Johns Hopkins, Imperial College London) montrent des effets antidépresseurs durables, une réduction de l’anxiété face à la mort chez les patients en fin de vie, et même une possible neurogenèse.

Pour Bryan Johnson, l’équation est simple : si la psilocybine peut « réinitialiser » certains schémas neuronaux et réduire l’inflammation cérébrale, elle pourrait ralentir le vieillissement du cerveau – et donc du corps entier.

« Nous cherchons toutes les thérapies au monde capables de ralentir la vitesse de vieillissement et de réparer les dommages déjà causés. La psilocybine fait partie de cette quête. »

Bryan Johnson, pendant le live

Un live digne d’un mauvais PowerPoint des années 2000

Le stream commence avec des graphismes dignes de Windows XP : fond vert prairie, icônes clipart, police Comic Sans assumée. Bryan et sa cofondatrice Kate Tolo plaisantent sur la possibilité de vendre des publicités « comme au Super Bowl ».

Puis il avale la dose – 5,24 grammes, soit une « heroic dose » selon la classification de Terence McKenna. Il enfile un masque occultant, se glisse sous une couverture lestée de 15 kg, et… disparaît pendant presque quatre heures.

Pendant ce temps, le chat explose et des invités surprise débarquent :

  • Marc Benioff (Salesforce) qui compare Bryan à Jacob montant l’échelle vers Dieu
  • Naval Ravikant qui le présente comme un « one-man FDA »
  • Ashlee Vance (biographe d’Elon Musk) qui commente en direct
  • Et même Grimes en DJ set depuis une autre pièce

Le contraste est saisissant : d’un côté un homme en transe profonde, de l’autre des milliardaires en costume qui débattent de l’avenir de l’humanité comme s’ils assistaient à une keynote Apple.

Ce qui s’est vraiment passé dans sa tête (et dans les données)

Bryan portait le casque Flow de sa propre entreprise Kernel, un dispositif à 50 000 dollars capable d’enregistrer l’activité cérébrale en temps réel. Les données ont montré des explosions d’ondes thêta et gamma, typiques des états méditatifs profonds et des expériences mystiques.

À son réveil, il était incapable de parler correctement pendant vingt minutes. Puis il a décrit une sensation de « dissolution de l’ego » et de « connexion totale avec l’univers ». Classique. Mais il a ajouté une phrase qui a fait frissonner le chat :

« J’ai compris que le temps n’existe pas de la même manière. L’idée de mourir un jour m’a paru… absurde. »

Bryan Johnson, 4 h 30 après ingestion

Critiques : génie visionnaire ou clown dangereux ?

L’expérience a divisé la toile.

  • Pour les fans : il démocratise la science de la longévité, prend tous les risques pour l’humanité
  • Pour les détracteurs : il transforme une substance sacrée pour certains en spectacle marketing pour vendre de l’huile d’olive à 80 € le litre

Le plus ironique ? Alors que Naval Ravikant réclamait « 10 000 Bryan Johnson », les autorités américaines rappellent que la psilocybine reste classée Schedule I (aucune utilité médicale reconnue, fort potentiel d’abus). Le live a d’ailleurs été brièvement déréférencé de la page d’accueil de X avant d’être remis.

Et après ? Le protocole complet va être publié

Bryan Johnson a annoncé que l’intégration officielle de micro-doses et macro-doses de psilocybine dans le protocole Blueprint. Tous les biomarqueurs (telomères, épigénétique, inflammation) seront suivis pendant 24 mois et les données rendues publiques.

ParamètreAvant trip24 h après7 jours après
Inflammation (CRP)0,18 mg/L0,12 mg/LEn cours
Score épigénétique31,4 ans30,9 ansEn cours
HRV (variabilité cardiaque)82 ms98 msEn cours

Si les résultats confirment une accélération du rajeunissement, il promet de financer des essais cliniques à grande échelle.

Ce que cela dit de notre époque

Dans les années 60, Timothy Leary prenait du LSD avec les poètes beat et les rockstars pour « tourner on, tune in, drop out ».

En 2025, Bryan Johnson prend des champignons avec des milliardaires en visio pour « optimiser l’espérance de vie en bonne santé et atteindre l’escape velocity de la longévité ».

Le décor a changé, le langage aussi, mais la quête reste la même : transcender les limites humaines. Sauf que cette fois, elle est financée par des exits à neuf chiffres et diffusée en 4K.

Alors, génie absolu ou ultime symptôme de l’hybris de la Silicon Valley ?

L’avenir (et les prochains lives) nous le diront.

En attendant, une chose est sûre : on n’a jamais été aussi près de voir un homme tenter sérieusement de devenir immortel… en direct.

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Steven Soarez
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