Imaginez-vous rentrer chez vous après une belle balade à vélo électrique, brancher tranquillement votre batterie… et quelques heures plus tard, votre appartement part en fumée. Ce scénario cauchemardesque n’est pas une fiction pour certains propriétaires de Rad Power Bikes. La célèbre marque américaine, souvent présentée comme le « Tesla du vélo électrique », vient de recevoir un avertissement sans précédent de la part de la puissante Commission de sécurité des produits de consommation des États-Unis (CPSC).
Et le timing ne pourrait pas être plus catastrophique : l’entreprise, déjà au bord du gouffre financier, a annoncé à ses salariés qu’elle fermerait définitivement ses portes en janvier 2026 sans injection massive de capitaux. Retour sur une descente aux enfers qui illustre parfaitement les dangers du boom de la micromobilité.
Rad Power Bikes : quand le rêve électrique vire au cauchemar inflammable
Créée en 2007 à Seattle, Rad Power Bikes s’est rapidement imposée comme l’une des références du marché des vélos électriques grand public aux États-Unis. Avec des modèles robustes, abordables (souvent sous les 2 000 dollars) et une distribution directe en ligne, la startup a surfé sur l’explosion de la demande post-Covid. En 2021, elle levait 154 millions de dollars auprès de Fidelity, T. Rowe Price ou encore Vanguard, atteignant une valorisation supérieure au milliard de dollars.
Mais aujourd’hui, l’image de marque si soigneusement construite prend feu – littéralement.
31 incendies, des dégâts matériels et une menace vitale
Le 24 novembre 2025, la CPSC a publié un avertissement d’une rare violence : les batteries lithium-ion équipant une grande partie de la gamme Rad Power Bikes « présentent un risque de blessures graves voire mortelles ». L’agence fédérale recommande purement et simplement d’arrêter immédiatement d’utiliser ces batteries, même pour les modèles les plus récents concernés.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 31 signalements d’incendies ou d’explosions
- 12 cas de dommages matériels significatifs
- Certains sinistres survenus alors que la batterie n’était même pas en charge
- Des départs de feu déclenchés après simple exposition à l’eau ou aux débris
« Les batteries dangereuses peuvent s’enflammer ou exploser de manière inattendue, constituant un risque d’incendie pour les consommateurs, particulièrement quand la batterie ou son faisceau a été exposé à l’eau et aux débris. »
U.S. Consumer Product Safety Commission – 24 novembre 2025
Un refus de rappel qui fait polémique
Dans ce genre de situation, la procédure classique veut que le fabricant lance un rappel massif, rembourse ou remplace les produits dangereux. Mais Rad Power Bikes a refusé la solution proposée par la CPSC, arguant que le coût d’un rappel total plongerait immédiatement l’entreprise dans la faillite.
La startup a proposé plusieurs alternatives : migration gratuite des clients vers sa nouvelle génération de batteries (Safe Shield, non concernée par l’avertissement), renforcement des conseils d’entretien, etc. Des propositions balayées par l’agence fédérale qui exige un rappel complet et inconditionnel.
Rad Power contre-attaque dans un communiqué envoyé à la presse :
« Nous sommes fermement derrière la sécurité de nos batteries et contestons vigoureusement la qualification de certaines d’entre elles comme défectueuses ou dangereuses. Le taux d’incident reste une fraction de pourcent. »
Rad Power Bikes – Novembre 2025
Une industrie du vélo électrique sous haute tension
Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Ces dernières années, les pompiers américains et européens ont constaté une explosion du nombre d’incendies liés aux batteries lithium-ion des engins de micromobilité (vélos, trottinettes, hoverboards).
Quelques chiffres édifiants :
| Pays | Incendies liés aux batteries e-bike (2024-2025) |
| New York | +268 % en deux ans |
| Londres | 150 incendies en 2024 (1 tous les deux jours) |
| Paris | 84 interventions en 2024 (+400 % vs 2022) |
Les causes principales ? Des cellules de mauvaise qualité, des chargeurs non conformes, des assemblages hasardeux et surtout l’absence de normes internationales strictes pour les batteries de forte capacité.
Rad Power Bikes : symptôme d’un modèle économique en surchauffe
Au-delà du problème technique, c’est tout le modèle « DTC » (direct-to-consumer) des startups de la mobilité électrique qui montre ses limites. Après avoir levé des centaines de millions en 2020-2021 sur fond d’engouement post-Covid, beaucoup se retrouvent aujourd’hui en grande difficulté.
- VanMoof (Pays-Bas) : dépôt de bilan en 2023, rachetée par Lavoie (McLaren)
- Superpedestrian : fermeture en décembre 2023
- Bird : chapitre 11 (faillite protégée) en 2023
- Cake (motos électriques suédoises) : liquidation 2024
Rad Power Bikes suivra-t-elle le même chemin ? L’entreprise a déjà procédé à plusieurs vagues de licenciements (plus de 100 personnes en 2023) et réduit drastiquement ses ambitions internationales.
Que faire si vous possédez un Rad Power Bike concerné ?
La CPSC est très claire : arrêtez immédiatement d’utiliser la batterie. Voici les recommandations officielles :
- Ne plus charger la batterie
- Ne pas jeter la batterie à la poubelle classique
- Ne pas l’apporter dans un centre de recyclage traditionnel
- La déposer dans un centre de collecte de déchets dangereux (HHW)
- Vérifier si votre modèle est concerné sur le site officiel de la CPSC
Côté Rad Power, la marque maintient que ses batteries restent globalement sûres et propose aux clients inquiets un échange vers la nouvelle génération Safe Shield.
Vers une réglementation plus stricte ?
Cet épisode pourrait bien marquer un tournant. Aux États-Unis, plusieurs villes (New York en tête) ont déjà interdit la vente de batteries non certifiées UL 2849 ou UL 2271. En Europe, la future norme EN 50604 (prévue pour 2026) imposera des tests bien plus sévères.
Les constructeurs sérieux (Bosch, Shimano, Brose) investissent déjà des dizaines de millions dans des laboratoires de test ultramodernes. Les marques low-cost ou en hypercroissance risquent, elles, de disparaître purement et simplement.
Conclusion : la fin d’une ère pour la micromobilité sauvage
L’histoire de Rad Power Bikes est à la fois triste et instructive. Elle montre que la course à la croissance à tout prix, dans un secteur aussi sensible que la mobilité électrique, peut avoir des conséquences dramatiques – pour les clients comme pour les salariés.
En janvier 2026, soit l’entreprise trouvera un repreneur miracle, soit elle rejoindra la longue liste des startups du « Covid boom » qui n’auront pas survécu au retour à la réalité. En attendant, si vous possédez un de leurs vélos, la prudence élémentaire s’impose.
La micromobilité reste l’avenir de nos villes. Mais cet avenir passera nécessairement par plus de sécurité, plus de normes… et probablement moins de marques opportunistes.