Imaginez une source d’énergie qui ne s’éteint jamais. Ni soleil, ni vent, ni marée : juste la chaleur brute du cœur de la Terre, disponible 24 heures sur 24, 365 jours par an. Et si cette énergie, longtemps cantonnée à quelques régions volcaniques, pouvait désormais alimenter des villes entières, des data centers voraces, voire l’intelligence artificielle mondiale ? C’est le pari fou que vient de relever une startup américaine, Mazama Energy, en perçant le puits géothermique le plus chaud jamais enregistré.

Mazama Energy : la startup qui défie les lois de la physique souterraine

Dans l’Oregon, loin des geysers islandais ou des champs géothermiques californiens, une entreprise discrète vient de franchir un cap historique. Mazama Energy annonce avoir foré un puits atteignant 331°C au fond du trou de forage. Un record mondial. Mais derrière ce chiffre se cache une révolution bien plus vaste : la promesse d’une énergie géothermique améliorée, scalable, et compétitive face au gaz naturel.

Incubée par le légendaire fonds Khosla Ventures – celui-là même qui a misé tôt sur Impossible Foods ou QuantumScape – Mazama Energy ne fait pas dans la demi-mesure. Son ambition ? Transformer des roches brûlantes enfouies à plusieurs kilomètres sous terre en centrales électriques virtuelles, capables de produire des gigawatts d’électricité propre.

Un puits, 25 mégawatts : la nouvelle équation géothermique

Traditionnellement, un puits géothermique produit entre 5 et 10 mégawatts. Mazama vise 25 MW par forage. Comment ? En descendant plus profond, là où la température dépasse les 400°C. À ces niveaux, l’eau injectée se transforme en vapeur surchauffée avec une efficacité décuplée.

À 450°C, vous obtenez dix fois plus de puissance par puits qu’à 200°C. Et devinez quoi ? Les coûts deviennent compétitifs avec le gaz naturel, sans aucune émission de carbone.

Vinod Khosla, fondateur de Khosla Ventures

Cette citation, prononcée sur la scène de TechCrunch Disrupt 2025, résume parfaitement la disruption en cours. Khosla ne parle pas de mégawatts : il parle de gigawatts. Un seul site Mazama pourrait générer 5 GW. À titre de comparaison, c’est l’équivalent de cinq réacteurs nucléaires classiques.

La géothermie améliorée : au-delà des zones volcaniques

Longtemps, la géothermie était réservée aux régions où la chaleur remonte naturellement près de la surface : Islande, Nouvelle-Zélande, certaines parties de la Californie. La géothermie améliorée (ou EGS, Enhanced Geothermal Systems) change la donne. On fore n’importe où, on fracture la roche imperméable, on injecte de l’eau, et on récupère de la vapeur.

Mazama pousse le concept encore plus loin avec les super-hot rocks – ces roches à plus de 400°C situées entre 3 et 5 km de profondeur. Là, la physique devient magique : plus la température monte, plus l’efficacité énergétique explose de façon non-linéaire.

  • À 200°C : 1 unité d’énergie par unité d’eau injectée
  • À 300°C : 3 à 4 unités
  • À 400°C : 10 unités ou plus
  • À 450°C : jusqu’à 15 unités

Cette courbe exponentielle explique pourquoi Mazama parle déjà de 100 GW potentiels – soit plus que la consommation électrique projetée de l’IA à court terme.

Moins d’eau, plus de puissance : l’avantage compétitif

Un autre atout majeur : l’efficacité hydrique. Les systèmes géothermiques classiques consomment énormément d’eau. Mazama promet 75 % d’eau en moins grâce à la vaporisation ultra-efficace dans les roches surchauffées.

ParamètreGéothermie classiqueMazama (400°C+)
Puissance par puits5-10 MW25+ MW
Consommation d’eauÉlevée-75 %
Empreinte au solImportanteRéduite
DisponibilitéRégions spécifiquesPartout

Ce tableau illustre pourquoi les investisseurs affluent. Moins de ressources pour plus de puissance : l’équation parfaite dans un monde où l’eau devient une ressource stratégique.

Khosla Ventures : le parrain visionnaire

Derrière Mazama, on trouve Vinod Khosla, pionnier de la Silicon Valley. Co-fondateur de Sun Microsystems, premier investisseur dans Google via son fonds, Khosla a toujours misé sur les technologies de rupture. Sa vision ? Remplacer les énergies fossiles par des solutions radicalement plus efficaces.

En incubant Mazama, il ne finance pas une startup de plus : il orchestre une transition énergétique profonde. Et les chiffres parlent : un seul bassin géothermique dans le Great Basin (Nevada et alentours) pourrait couvrir 10 % de la consommation électrique actuelle des États-Unis, selon l’USGS.

Les data centers : premiers clients en ligne de mire

Qui a besoin d’énergie 24/7, propre, et locale ? Les data centers. Google a déjà signé des contrats géothermiques pour alimenter ses serveurs. Microsoft, Amazon, Meta : tous cherchent des solutions face à l’explosion de la demande liée à l’IA.

Mazama se positionne comme le partenaire idéal : un puits près d’un data center, et hop, alimentation directe, sans passer par le réseau. Zéro interruption. Zéro carbone. Coût prévisible sur 30 ans.

Les défis techniques : percer l’enfer

Forer à 331°C, c’est bien. Tenir à 400°C, c’est autre chose. Les matériaux fondent, les capteurs grillent, les fluides se décomposent. Mazama développe des alliages spéciaux, des capteurs en céramique, des fluides supercritiques.

Mais la startup avance vite. Le puits record de l’Oregon n’est qu’un prototype. Les prochains viseront 750°F (399°C), puis plus. Chaque degré gagné, c’est une multiplication de la rentabilité.

Comparaison avec les concurrents

Fervo Energy, backed by Bill Gates, cible 400°C mais avec des puits horizontaux. Eavor mise sur des boucles fermées. Sage Geosystems expérimente le stockage. Mazama ? Vertical, ultra-profond, ultra-chaud.

  • Mazama : 331°C atteint, 400°C visé, 25 MW/puits
  • Fervo : 191°C en 2023, 400°C en test
  • Quaise : gyrotron à micro-ondes pour 500°C+
  • Eavor : boucle fermée, 150-250°C

Mazama est en tête de la course à la chaleur. Mais la concurrence est féroce.

Le potentiel américain : un océan d’énergie sous nos pieds

Le sous-sol des États-Unis regorge de chaleur. Le Great Basin seul pourrait produire 500 GW avec la géothermie améliorée, selon des études du DOE. Ajoutez les super-hot rocks, et on passe à des terawatts.

Mazama n’a pas choisi l’Oregon par hasard. La région combine perméabilité naturelle, gradient géothermique élevé, et proximité des data centers de l’Ouest. Un triangle d’or énergétique.

Vers une énergie géothermique partout dans le monde

Et la France ? Le Japon ? L’Allemagne ? Partout où il y a du granite profond, il y a du potentiel. Mazama regarde déjà au-delà des États-Unis. L’Europe, avec ses objectifs de décarbonation, pourrait devenir un marché clé.

Imaginez : des centrales géothermiques urbaines, enfouies sous les villes, alimentant chauffage et électricité. Sans tours, sans panneaux, sans bruit. Juste des puits discrets et une énergie infinie.

L’impact environnemental : propre, mais pas sans questions

Zéro émission en fonctionnement. Empreinte au sol minimale. Eau recyclée en circuit fermé. Sur le papier, c’est parfait. Mais forer profond soulève des questions : sismicité induite, contamination des nappes, impacts sur la biodiversité souterraine.

Mazama assure travailler avec des modèles prédictifs avancés et des capteurs en temps réel. Chaque injection est monitorée. Chaque micro-séisme anticipé. La transparence sera clé pour gagner la confiance publique.

Le modèle économique : du forage à l’abonnement énergétique

Mazama ne vend pas des puits. Elle vend de l’énergie as a service. Un data center signe pour 20 ans, Mazama fore, construit, opère, garantit la puissance. Le client paie au kWh, sans CAPEX.

Ce modèle, inspiré du solaire PPA, élimine les risques pour le client. Et pour Mazama ? Des revenus récurrents, une valorisation explosive, et une scalabilité mondiale.

Conclusion : la Terre comme batterie infinie

Mazama Energy n’est pas qu’une startup. C’est le symbole d’une nouvelle frontière énergétique. Là où le solaire et l’éolien ont démocratisé l’intermittence, la géothermie super-chaude promet la stabilité absolue.

Dans 10 ans, quand vos données IA tourneront sur des serveurs alimentés par la chaleur du noyau terrestre, souvenez-vous de ce puits en Oregon. À 331°C. Le début d’une ère où la Terre devient, littéralement, notre batterie.

Et vous, prêt à investir dans le feu souterrain ?

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Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.