Imaginez un smartphone si fin qu’il en devient presque invisible dans votre poche, mais qui tient pourtant la charge toute une journée intense. Et si le secret ne résidait pas dans un écran pliable ou un processeur quantique, mais dans une simple batterie ? C’est exactement ce qu’a réussi Apple avec l’iPhone Air, grâce à une technologie venue tout droit d’une startup californienne méconnue du grand public.
La révolution silencieuse de la batterie dans l’iPhone Air
L’iPhone Air fait parler de lui pour son design ultrafin, mais les experts s’accordent à dire que le vrai tour de force se cache à l’intérieur. Une batterie capable d’adopter n’importe quelle forme bidimensionnelle, moulée autour des composants comme une seconde peau. Derrière cette prouesse : une jeune pousse baptisée Sila Nanotechnologies.
Fondée par d’anciens de Tesla, cette entreprise développe depuis plus d’une décennie des matériaux d’anode en silicium capables de stocker bien plus d’énergie que le graphite traditionnel. Leur dernière innovation ? Un partenariat discret mais décisif avec Apple pour intégrer une batterie metal can révolutionnaire dans le fleuron de Cupertino.
De Tesla à votre poche : le parcours de Gene Berdichevsky
Pour comprendre l’ampleur de cette avancée, il faut remonter aux origines. Gene Berdichevsky n’est pas un inconnu dans le monde de l’énergie. Septième employé de Tesla, il a dirigé l’ingénierie de la batterie du tout premier Roadster en 2008. Une cellule cylindrique qui a posé les bases de tous les modèles suivants.
Après avoir quitté le constructeur automobile, il cofonde Sila en 2011 avec l’ambition de remplacer le graphite par du silicium dans les anodes. Pourquoi ? Le silicium peut théoriquement emmagasiner jusqu’à dix fois plus de lithium que son rival. En pratique, les premiers prototypes gonflaient comme des ballons, rendant la technologie inutilisable dans des appareils fins.
« Le silicium, c’est comme essayer de faire rentrer un éléphant dans une boîte d’allumettes. »
Gene Berdichevsky, lors d’une conférence à Stanford en 2019
Sila a donc développé une nanostructure brevetée qui encapsule le silicium dans une matrice poreuse. Résultat : le gonflement est maîtrisé, et la capacité augmente de 20 à 40 % selon les générations de matériaux. De quoi attirer l’attention des géants.
Metal can versus pouch cell : pourquoi ça change tout
Traditionnellement, les smartphones utilisent des batteries pouch cell. Elles sont légères, peu coûteuses, mais fragiles. Dès qu’elles gonflent – et toutes les batteries lithium-ion le font avec le temps –, elles risquent de déformer l’appareil ou de créer des points de pression dangereux.
Apple a opté pour une approche radicalement différente avec le metal can battery. Comme son nom l’indique, la cellule est enfermée dans un boîtier métallique rigide. Ce dernier apporte deux avantages majeurs :
- Une résistance mécanique accrue qui autorise des formes complexes sans risque de déformation.
- Une optimisation maximale de l’espace intérieur, la batterie pouvant longer les bords au millimètre près.
Dans l’iPhone Air, la batterie adopte une forme en L très prononcée, voire en S selon les prototypes observés en Asie. Elle épouse les cartes mères, les capteurs photo, le moteur haptique. Chaque recoin est exploité. Conséquence directe : une densité énergétique jamais vue dans un châssis aussi fin.
Les chiffres qui parlent : +25 % d’autonomie dans 15 % d’épaisseur en moins
Apple n’a pas communiqué de données officielles, mais les fuites concordent. L’iPhone Air afficherait une autonomie équivalente à l’iPhone Pro Max actuel… dans un boîtier 1,5 mm plus fin. Comment ? Grâce à une batterie de 3 800 mAh contre 3 200 mAh pour le modèle standard précédent, soit une hausse de près de 19 % dans un volume réduit.
Modèle | Épaisseur | Capacité batterie | Autonomie estimée |
iPhone 16 Pro | 8,25 mm | 3 577 mAh | 29 h vidéo |
iPhone Air | 6,75 mm | 3 800 mAh | 30 h vidéo |
Ces gains ne viennent pas uniquement du metal can. L’anode silicium-carbone développée par Sila joue un rôle clé. Même si Apple n’utilise pas encore la version la plus poussée (100 % silicium), la formulation actuelle apporte déjà 15 % de capacité supplémentaire à volume égal.
Pourquoi Apple a choisi la prudence… pour mieux accélérer demain
Paradoxalement, l’iPhone Air n’embarque pas la dernière génération d’anode purement silicium de Sila. Gene Berdichevsky l’explique sans détour : quand on lance une nouvelle architecture de batterie aussi complexe, on préfère démarrer avec une chimie éprouvée.
« Vous ne changez pas la recette du gâteau et le four en même temps. »
Gene Berdichevsky, TechCrunch, septembre 2025
Le metal can ouvre néanmoins la porte à des évolutions rapides. Le boîtier rigide tolère mieux le gonflement résiduel du silicium. Dès l’an prochain, l’iPhone 18 pourrait ainsi passer à une anode contenant 50 % de silicium, puis 80 % en 2027. Chaque palier ajoutant 10 à 15 % d’autonomie supplémentaire.
Au-delà du smartphone : lunettes AR et wearables en ligne de mire
La technologie metal can ne se limite pas aux téléphones. En Chine, plusieurs fabricants de lunettes AR ont déjà intégré des prototypes de batteries Sila. Dans un espace aussi contraint que l’épaisseur d’une branche de lunettes, chaque millimètre cube compte.
- Meta travaillerait sur des Ray-Ban connectées avec 8 heures d’autonomie grâce à une batterie en forme de virgule.
- Apple préparerait ses Vision Lite avec deux cellules en L logées dans les charnières.
- Xreal teste des micro-batteries en S pour ses lunettes de réalité augmentée légères.
Pour ces devices, le gain n’est pas seulement quantitatif. Une batterie qui épouse parfaitement la forme du produit permet de réduire le poids, d’améliorer l’équilibre, et surtout d’éviter les surchauffes localisées. Autant d’arguments décisifs pour une adoption massive.
Sila Nanotechnologies : une licorne discrète mais stratégique
Derrière ces avancées, Sila reste une entreprise relativement confidentielle. Basée à Alameda, en Californie, elle emploie 450 personnes et a levé plus d’un milliard de dollars auprès de fonds comme Bessemer Venture Partners ou encore le bras armé de BMW.
Son usine pilote tourne à plein régime depuis 2024, produisant plusieurs tonnes de matériau par mois. Une seconde gigafactory est en construction dans l’État de Washington, avec un objectif de 100 GWh de capacité annuelle d’ici 2030. De quoi équiper des millions de smartphones… et bientôt des véhicules électriques.
Car Sila n’oublie pas ses racines. La startup a signé des accords avec Panasonic et SK On pour fournir des anodes silicium aux batteries de voitures électriques. Mercedes devrait être le premier constructeur à les intégrer dès 2026 dans sa plateforme MMA.
L’avenir des batteries : formes libres et chimie évolutive
Le metal can n’est qu’une étape. À moyen terme, Sila travaille sur des batteries 3D printed capables d’adopter n’importe quelle géométrie, y compris en volume. Imaginez une Apple Watch dont la batterie fait corps avec le boîtier, ou un drone dont les ailes intègrent directement les cellules.
Plus prosaïquement, cette technologie pourrait démocratiser les smartphones pliables. Les écrans flexibles existent, mais les batteries rigides restent un frein. Avec des cellules qui se plient sans se casser, on pourrait voir apparaître des foldables aussi fins que l’iPhone Air lorsqu’ils sont fermés.
Enfin, le recyclage s’annonce plus simple. Le boîtier métallique facilite le démontage et la récupération des matériaux précieux. Un argument écologique qui pèse lourd dans les stratégies RSE des géants tech.
Ce que cela signifie pour les consommateurs
À court terme, l’iPhone Air préfigure une nouvelle génération de smartphones où l’autonomie n’est plus un compromis. Fini les powerbanks encombrantes ou les recharges en milieu de journée. Une charge complète le matin, et vous êtes tranquille jusqu’au lendemain.
À plus long terme, attendez-vous à une convergence entre wearables et smartphones. Des lunettes connectées qui durent une semaine, des écouteurs qui ne nécessitent qu’une charge mensuelle, des montres qui alimentent elles-mêmes d’autres capteurs. La batterie cesse d’être un composant pour devenir le squelette même du produit.
Et tout cela grâce à une startup qui, il y a quinze ans, n’était qu’une idée dans la tête d’un ingénieur de Tesla. Preuve que l’innovation naît souvent dans l’ombre, avant d’illuminer nos poches.
La prochaine fois que vous tiendrez un iPhone Air entre vos mains, pensez à cette batterie aux formes improbables. Derrière son design épuré se cache une révolution silencieuse, signée Sila Nanotechnologies. L’avenir de l’énergie mobile est déjà là, et il tient dans le creux de votre paume.