Imaginez-vous marcher dans la rue, votre téléphone dans la poche, envoyant un message ou consultant une application. Sans le savoir, un van discret, garé à quelques mètres, pourrait capter vos données, localiser votre position, voire intercepter vos appels. Cette scène, digne d’un thriller d’espionnage, est une réalité aux États-Unis, où l’agence Immigration and Customs Enforcement (ICE) utilise des véhicules équipés de fausses antennes téléphoniques pour surveiller les citoyens. Mais comment ces technologies fonctionnent-elles, et quelles sont leurs implications pour notre vie privée ? Plongeons dans cet univers technologique controversé.

Quand la Surveillance Devient Mobile

La technologie au cœur de cette affaire est connue sous le nom de cell-site simulator, ou plus communément stingray. Ces dispositifs, intégrés dans des véhicules spécialisés, imitent les antennes de téléphonie mobile pour capter les signaux des téléphones à proximité. En 2025, l’ICE a intensifié son usage de ces outils, investissant des sommes importantes pour équiper ses flottes. Mais d’où viennent ces véhicules, et pourquoi suscitent-ils autant de débats ?

Les Véhicules High-Tech de TOSV

L’ICE a conclu des contrats avec TechOps Specialty Vehicles (TOSV), une entreprise basée dans le Maryland, pour fournir des vans équipés de technologies avancées. En mai 2025, un contrat de 825 000 dollars a été signé pour des véhicules intégrant des cell-site simulators. Un autre accord, datant de septembre 2024, portait sur un montant similaire. Ces vans, décrits comme des laboratoires mobiles ou des unités de commandement, permettent à l’agence de mener des opérations de surveillance sophistiquées.

TOSV ne fabrique pas directement les stingrays, mais intègre ces dispositifs dans ses véhicules, en collaboration avec des fournisseurs spécialisés. Le président de l’entreprise, Jon Brianas, a confirmé cette activité, tout en restant vague sur les détails, invoquant des secrets commerciaux. Cette opacité soulève des questions sur la transparence des technologies utilisées par les autorités.

Nous intégrons des technologies avancées dans nos véhicules, mais nous ne pouvons pas divulguer les spécificités.

Jon Brianas, président de TOSV

Comment Fonctionnent les Stingrays ?

Les cell-site simulators sont des outils puissants qui trompent les téléphones en se faisant passer pour une antenne légitime. Lorsqu’un téléphone se connecte à un stingray, les autorités peuvent obtenir des informations cruciales, comme l’IMSI (International Mobile Subscriber Identity), un identifiant unique pour chaque utilisateur. Dans certains cas, ces dispositifs permettent même d’intercepter des appels, des messages texte ou des données internet.

Contrairement aux données obtenues via les antennes classiques, qui manquent souvent de précision, les stingrays offrent une localisation en temps réel. Cependant, leur usage est controversé, car ils capturent les données de tous les téléphones à proximité, y compris ceux d’innocents. Ce manque de spécificité alimente les critiques sur les atteintes à la vie privée.

Une Longue Histoire de Surveillance

L’utilisation des stingrays par l’ICE n’est pas nouvelle. Entre 2017 et 2019, l’agence a déployé ces dispositifs au moins 466 fois, selon des documents obtenus par l’American Civil Liberties Union (ACLU). Entre 2013 et 2017, ce chiffre dépassait les 1 885 utilisations. Ces chiffres montrent l’ampleur de la surveillance menée par l’agence, souvent dans le cadre de sa politique d’immigration.

Un cas récent, rapporté par Forbes, illustre leur usage : en septembre 2025, un mandat de perquisition a révélé qu’un stingray avait été utilisé pour localiser un individu soupçonné d’appartenir à un gang criminel. Cette personne, sous le coup d’une expulsion, a été traquée grâce à cette technologie. Mais l’absence systématique de mandats judiciaires pour l’utilisation de ces outils reste un point de friction.

Les stingrays capturent les données de tous, sans distinction, ce qui pose un problème éthique majeur.

Représentant de l’ACLU

Les Enjeux Éthiques et Juridiques

Les cell-site simulators soulèvent des préoccupations majeures en matière de vie privée. Leur capacité à collecter des données indiscriminées, sans toujours requérir un mandat, met en danger les droits fondamentaux des citoyens. De plus, les agences comme l’ICE opèrent souvent sous des accords de confidentialité stricts, rendant difficile toute transparence sur l’utilisation de ces outils.

Les critiques soulignent que les stingrays peuvent être utilisés pour surveiller des populations vulnérables, notamment dans le cadre des politiques d’immigration. Cette pratique alimente un sentiment de méfiance envers les institutions, surtout lorsque les technologies sont déployées à grande échelle.

Une Palette de Véhicules Polyvalents

TOSV ne se limite pas aux vans de surveillance. L’entreprise propose une gamme variée de véhicules pour les forces de l’ordre, allant des unités pour les équipes SWAT aux laboratoires mobiles pour l’analyse forensique. Parmi leurs projets, on trouve des laboratoires mobiles du DHS, équipés pour l’analyse sur site et la préservation des preuves, ainsi que des vans de commandement pour la coordination des missions.

Étonnamment, TOSV produit également des bookmobiles, des bibliothèques roulantes, ainsi que des véhicules pour les services médicaux et les pompiers. Cette diversité montre la capacité de l’entreprise à répondre à des besoins variés, tout en restant discrète sur ses technologies de surveillance.

Les Défis de la Transparence

L’opacité entourant les stingrays est renforcée par des accords de non-divulgation imposés aux agences. Ces restrictions limitent les informations disponibles sur leur fonctionnement et leur déploiement. Même les contrats publics, bien que révélateurs, restent vagues sur les spécificités techniques des véhicules.

Face à ces défis, des organisations comme l’ACLU appellent à une réglementation plus stricte, exigeant des mandats judiciaires pour chaque utilisation de ces dispositifs. Une meilleure transparence permettrait de rassurer le public et de garantir que ces technologies ne sont pas utilisées à mauvais escient.

Vers un Équilibre entre Sécurité et Liberté

Les cell-site simulators incarnent un dilemme moderne : comment concilier les besoins de sécurité nationale avec le respect des libertés individuelles ? Alors que l’ICE continue d’investir dans ces technologies, les citoyens exigent des garanties sur leur usage. La question n’est pas seulement technologique, mais profondément éthique.

Pour mieux comprendre l’impact de ces outils, voici un résumé de leurs caractéristiques principales :

  • Localisation précise : Les stingrays permettent de suivre les téléphones en temps réel.
  • Collecte massive : Ils capturent les données de tous les appareils à proximité.
  • Interception : Certains modèles peuvent accéder aux appels et messages.
  • Opacité : Les détails techniques sont protégés par des accords de confidentialité.

Que Peut-on Attendre pour l’Avenir ?

Avec l’évolution rapide des technologies de surveillance, le débat sur les stingrays ne fait que commencer. Les avancées dans l’intelligence artificielle et l’analyse des données pourraient rendre ces outils encore plus puissants, mais aussi plus intrusifs. Les législateurs devront trouver un équilibre pour protéger les citoyens tout en permettant aux autorités d’agir efficacement.

En attendant, des entreprises comme TOSV continueront de fournir des solutions sur mesure aux agences gouvernementales. Leur rôle, bien que discret, est central dans le déploiement de ces technologies controversées.

Pour conclure, les véhicules équipés de cell-site simulators soulignent l’importance de rester vigilant face aux technologies de surveillance. Alors que notre dépendance aux smartphones croît, les outils qui exploitent cette connectivité posent des questions cruciales sur notre droit à la vie privée. Le futur de ces technologies dépendra de notre capacité à exiger transparence et responsabilité.