Imaginez recevoir une notification de votre application de messagerie vous alertant que votre téléphone a été ciblé par un logiciel espion. C’est ce qu’a vécu Francesco Cancellato, directeur du site d’information italien Fanpage. Cette révélation a déclenché une tempête dans le monde de la cybersécurité, impliquant Paragon Solutions, une startup israélienne spécialisée dans les technologies de surveillance. Pourquoi une entreprise vantant une approche éthique a-t-elle rompu ses contrats avec le gouvernement italien ? Plongez dans cette affaire qui soulève des questions brûlantes sur la vie privée, la surveillance et les responsabilités des acteurs technologiques.
Un Scandale qui Ébranle la Cybersécurité
En janvier 2025, WhatsApp a révélé une campagne massive de piratage visant ses utilisateurs, alertant environ 90 personnes à travers le monde, dont plusieurs en Italie. Parmi elles, Francesco Cancellato, qui a publiquement partagé avoir reçu cet avertissement. Ce n’était pas un simple piratage : les attaques utilisaient un logiciel espion développé par Paragon Solutions, une entreprise israélienne co-fondée par l’ancien Premier ministre Ehud Barak. Paragon, qui se présente comme un acteur responsable dans l’industrie controversée des spywares, a pris une décision radicale : mettre fin à ses contrats avec le gouvernement italien.
Pourquoi une telle rupture ? Selon Paragon, le gouvernement italien a refusé de collaborer pour enquêter sur l’utilisation abusive de sa technologie, notamment dans le cas de Cancellato. Cette décision marque une première dans l’industrie : une entreprise de surveillance qui coupe les ponts avec un client en raison de soupçons d’abus.
Paragon Solutions : Une Startup sous les Projecteurs
Paragon Solutions s’est forgé une réputation en promettant une alternative éthique aux acteurs traditionnels du marché des spywares, comme NSO Group. Basée en Israël, l’entreprise a attiré l’attention pour ses contrats avec des agences gouvernementales, y compris aux États-Unis avec l’Immigration and Customs Enforcement (ICE). Son produit phare, Graphite, est un outil de surveillance sophistiqué, capable d’extraire des données de téléphones sans laisser de traces visibles.
Nous avons proposé une solution pour vérifier si notre technologie a été utilisée illégalement, mais les autorités italiennes ont refusé.
Communiqué officiel de Paragon Solutions
Cette volonté de transparence affichée par Paragon contraste avec le silence du gouvernement italien, dirigé par Giorgia Meloni. Selon des sources anonymes citées par l’agence de presse italienne ANSA, la rupture des contrats aurait été une décision mutuelle, motivée par des préoccupations de sécurité nationale. Permettre à Paragon d’accéder aux journaux d’utilisation de Graphite aurait risqué d’exposer des données confidentielles à une entreprise étrangère.
Les Victimes du Scandale : Qui Était Visé ?
Outre Francesco Cancellato, d’autres figures ont été touchées par cette campagne d’espionnage. Le comité parlementaire italien COPASIR a enquêté sur l’affaire et a révélé que plusieurs personnes, dont Luca Casarini, Beppe Caccia et David Yambio, étaient légalement surveillées en raison de leurs activités liées à l’immigration. Ces individus, affiliés à l’ONG Mediterranea Saving Humans, œuvrent pour le sauvetage de migrants en mer Méditerranée.
En revanche, COPASIR n’a trouvé aucune preuve de surveillance contre Mattia Ferrari, un prêtre travaillant pour la même organisation, ni contre Cancellato. Cette absence de preuves a suscité des interrogations : qui a ciblé le journaliste, si ce n’était pas les agences italiennes AISI ou AISE, clientes de Paragon ?
- Francesco Cancellato : Directeur de Fanpage, premier à révéler avoir été ciblé.
- Ciro Pellegrino : Journaliste de Fanpage, également averti par Apple d’une tentative d’espionnage.
- Luca Casarini et Beppe Caccia : Membres de Mediterranea Saving Humans, surveillés légalement.
- David Yambio : Président de Refugees in Libya, visé pour ses activités liées à l’immigration.
Le Rôle du Gouvernement Italien
Le comité COPASIR, chargé de superviser les services de renseignement italiens, a conclu que les agences AISI et AISE n’avaient pas ciblé Cancellato. Pourtant, l’absence de coopération avec Paragon pour analyser les journaux d’utilisation de Graphite a alimenté les soupçons. Francesco Cancellato, dans une vidéo publiée sur Fanpage, a exigé des réponses claires : « Qui ment dans cette histoire ? COPASIR ou Paragon ? »
Qui est en train de mentir ? Nous voulons que Paragon nous dise officiellement qui a espionné Fanpage.
Francesco Cancellato, directeur de Fanpage
Le gouvernement italien, via le Département de l’Information pour la Sécurité (DIS), a justifié son refus de collaborer avec Paragon par des préoccupations de sécurité nationale. Selon des sources anonymes, partager des données sensibles avec une entreprise privée étrangère aurait pu compromettre la réputation des services de renseignement italiens à l’international.
Les Enjeux de la Surveillance Numérique
Cette affaire met en lumière les tensions croissantes entre innovation technologique et protection de la vie privée. Les logiciels espions comme Graphite sont des outils puissants, capables de collecter des données sensibles sans que les utilisateurs ne s’en rendent compte. Si leur usage est souvent justifié par des impératifs de sécurité nationale, leur potentiel d’abus est immense, surtout lorsqu’ils tombent entre de mauvaises mains.
Le cas de Paragon illustre également les défis auxquels font face les entreprises technologiques cherchant à concilier éthique et profit. En rompant ses contrats avec l’Italie, Paragon tente de se démarquer comme un acteur responsable, mais cette décision soulève une question : peut-on vraiment contrôler l’usage des technologies de surveillance une fois vendues ?
Une Industrie sous Pression
L’industrie des spywares est depuis longtemps dans le viseur des défenseurs des droits humains. Des entreprises comme NSO Group, impliquée dans le scandale Pegasus, ont terni l’image du secteur. Paragon, en se positionnant comme une alternative plus éthique, tente de redorer le blason de cette industrie controversée. Pourtant, cette affaire montre que même les entreprises les plus vigilantes peuvent se retrouver au cœur de scandales.
Entreprise | Produit | Scandale |
Paragon Solutions | Graphite | Espionnage de journalistes et militants en Italie |
NSO Group | Pegasus | Surveillance mondiale de dissidents et journalistes |
La décision de Paragon de rompre avec l’Italie pourrait inspirer d’autres entreprises à revoir leurs pratiques. Cependant, elle met aussi en lumière l’opacité entourant l’utilisation des technologies de surveillance par les gouvernements. Qui contrôle ces outils ? Et comment garantir qu’ils ne soient pas utilisés pour espionner des innocents ?
Vers une Réglementation Plus Stricte ?
Ce scandale pourrait accélérer les appels à une réglementation plus stricte des logiciels espions. En Europe, où la protection des données est une priorité, des voix s’élèvent pour limiter l’usage de ces technologies. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) offre un cadre, mais il ne couvre pas pleinement les abus liés à la surveillance étatique.
Certains experts suggèrent la création d’un organisme international pour superviser l’industrie des spywares. Une telle initiative pourrait imposer des normes éthiques et des audits réguliers pour s’assurer que ces outils ne sont pas utilisés à des fins illégales.
Que Nous Réserve l’Avenir ?
L’affaire Paragon en Italie n’est que la pointe de l’iceberg. Alors que les technologies de surveillance deviennent de plus en plus sophistiquées, les risques pour la vie privée croissent de manière exponentielle. Les gouvernements, les entreprises technologiques et les citoyens doivent trouver un équilibre entre sécurité et libertés individuelles.
Pour Francesco Cancellato et les autres victimes potentielles, la vérité reste floue. Qui les a espionnés ? Et pourquoi ? Tant que ces questions resteront sans réponse, la méfiance envers les technologies de surveillance ne fera que croître.
Ce scandale rappelle une vérité fondamentale : dans l’ère numérique, personne n’est à l’abri. La prochaine fois que votre téléphone vibre, qui sait si ce n’est pas une notification vous alertant que vous êtes surveillé ?