Imaginez une startup africaine qui, en pleine pandémie, décide de révolutionner le commerce informel en digitalisant les ventes des petits commerçants. C’est l’histoire de Sabi, une entreprise nigériane qui a su capter l’attention des investisseurs avec une levée de fonds de 38 millions de dollars, avant de prendre un virage stratégique inattendu. Mais derrière cette success story, des défis structurels et une récente vague de licenciements soulignent les réalités complexes du marché africain. Comment une plateforme B2B e-commerce passe-t-elle du soutien aux détaillants locaux à un pari audacieux sur les exportations traçables ? Plongeons dans cette transformation captivante.
Sabi : Une Ascension fulgurante dans le Commerce Africain
Fondée en 2020 à Lagos, au Nigeria, Sabi s’est rapidement imposée comme une réponse innovante aux perturbations causées par la pandémie de COVID-19. En offrant une plateforme logicielle pour aider les commerçants informels à gérer leurs stocks et leurs ventes, Sabi a répondu à un besoin criant : digitaliser un secteur traditionnellement fragmenté. Rapidement, l’entreprise a élargi son champ d’action pour devenir un marché de biens de consommation à rotation rapide (FMCG), intégrant des solutions de financement embarqué.
En à peine trois ans, Sabi revendiquait plus de 300 000 marchands et un volume de transactions annualisé dépassant le milliard de dollars. Ce succès a attiré les investisseurs, culminant avec une levée de fonds de 38 millions de dollars en série B, valorisant l’entreprise à 300 millions de dollars. Mais, comme beaucoup de startups africaines dans le B2B e-commerce, Sabi a dû naviguer dans un environnement économique difficile, marqué par des marges faibles et une forte intensité capitalistique.
Sabi a su transformer les défis du commerce informel en opportunités, mais le véritable défi reste la pérennité économique.
Un analyste du secteur technologique africain
Les Défis du B2B E-commerce en Afrique
Le secteur du B2B e-commerce en Afrique est un paradoxe. D’un côté, il offre un potentiel immense en raison de la taille du marché informel et de la demande croissante pour des solutions numériques. De l’autre, il est confronté à des défis structurels : marges réduites, coûts logistiques élevés et complexité des chaînes d’approvisionnement. Contrairement à certains concurrents qui ont épuisé leur capital, Sabi a adopté un modèle asset-light, restant rentable tout en se développant au Nigeria et au Kenya.
Malgré cette approche prudente, les réalités du marché ont poussé Sabi à repenser sa stratégie. Les marges faibles du commerce de détail local, combinées à la nécessité d’investir massivement dans l’infrastructure, ont conduit l’entreprise à explorer de nouveaux horizons. C’est dans ce contexte que Sabi a lancé TRACE, une nouvelle verticale axée sur les exportations de matières premières.
TRACE : Un Pari sur les Exportations Traçables
En mars 2025, Sabi a dévoilé TRACE (Technology Rails for African Commodity Exchange), une initiative visant à répondre à la demande mondiale pour des matières premières traçables et conformes aux normes ESG (environnementales, sociales et de gouvernance). Cette verticale se concentre sur l’exportation de minerais comme le lithium, le cobalt et l’étain, ainsi que de cultures agricoles telles que le cacao ou les noix de cajou.
Avec une capacité d’exportation dépassant 20 000 tonnes par mois, Sabi fournit désormais des acheteurs en Europe, aux États-Unis et en Asie. Ce pivot stratégique répond à une tendance mondiale croissante : les entreprises internationales recherchent des chaînes d’approvisionnement transparentes et éthiques. En intégrant des technologies de traçabilité, Sabi se positionne comme un acteur clé dans ce marché en pleine expansion.
- Traçabilité : Suivi numérique des matières premières pour garantir leur origine.
- Conformité ESG : Respect des normes environnementales et sociales exigées par les acheteurs mondiaux.
- Expansion internationale : Ouverture d’opérations aux États-Unis et recrutement de cadres supérieurs.
Une Restructuration Inévitable
Ce virage vers les exportations traçables n’a pas été sans conséquences. En juin 2025, Sabi a annoncé une réduction de 20 % de ses effectifs, soit environ 50 employés, dans le cadre d’une restructuration visant à aligner ses ressources sur ses nouvelles priorités. Cette décision, bien que difficile, reflète une réalité commune dans le secteur des startups : les pivots stratégiques s’accompagnent souvent de réajustements internes.
Sabi a expliqué cette démarche dans un communiqué :
Nous entrons dans une nouvelle phase, avec un engagement fort envers le commerce de matières premières et la traçabilité pour nos clients mondiaux.
Sabi, communiqué officiel
Cette restructuration met en lumière une vérité universelle : même les startups les plus prometteuses doivent s’adapter pour survivre. En se concentrant sur un segment à plus forte marge, Sabi espère non seulement assurer sa pérennité, mais aussi devenir un modèle pour d’autres entreprises africaines.
Pourquoi ce Pivot est-il Significatif ?
Le virage de Sabi vers les exportations traçables illustre une évolution plus large dans le paysage des startups africaines. Alors que le commerce informel reste un moteur économique essentiel, les plateformes comme Sabi doivent trouver des moyens de se différencier dans un marché concurrentiel. Voici pourquoi ce pivot est un tournant :
| Aspect | Ancien Modèle | Nouveau Modèle |
| Marché cible | Commerçants locaux | Acheteurs internationaux |
| Produits | Biens de consommation | Matières premières |
| Marges | Faibles | Élevées |
| Technologie | Gestion d’inventaire | Traçabilité numérique |
Ce tableau montre comment Sabi passe d’un modèle local à une vision globale. En misant sur des marges plus élevées et des technologies avancées, l’entreprise se positionne comme un acteur clé dans le commerce durable.
Les Enjeux de l’Expansion Internationale
L’ouverture d’opérations aux États-Unis et le recrutement de cadres supérieurs montrent l’ambition de Sabi de devenir un acteur mondial. Cependant, cette expansion comporte des défis. La concurrence sur le marché international des matières premières est féroce, et les exigences en matière de conformité ESG nécessitent des investissements technologiques importants.
De plus, Sabi doit maintenir sa rentabilité tout en gérant les coûts liés à son expansion. Le recrutement de talents expérimentés et l’adoption de technologies de traçabilité seront cruciaux pour répondre aux attentes des acheteurs mondiaux. Mais si Sabi réussit, elle pourrait redéfinir la place de l’Afrique dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Un Modèle pour l’Afrique ?
L’histoire de Sabi est emblématique des opportunités et des défis auxquels sont confrontées les startups africaines. En passant d’une plateforme locale à un acteur global axé sur la traçabilité, Sabi montre qu’il est possible de concilier rentabilité et impact. Ce pivot pourrait inspirer d’autres entreprises à explorer des secteurs à forte valeur ajoutée, comme le commerce durable ou les technologies vertes.
Pour autant, la restructuration et les licenciements rappellent que la croissance rapide s’accompagne souvent de sacrifices. Les startups africaines doivent jongler entre innovation, contraintes économiques et attentes des investisseurs. Sabi, avec son modèle hybride et son ambition internationale, pourrait bien tracer la voie pour une nouvelle génération d’entreprises africaines.
Conclusion : Un Pari Audacieux pour l’Avenir
Sabi incarne l’esprit d’innovation qui anime le continent africain. En pivotant vers les exportations traçables, l’entreprise ne se contente pas de répondre aux défis du présent, elle anticipe les besoins du futur. Ce virage stratégique, bien que marqué par des décisions difficiles, positionne Sabi comme un acteur à suivre dans le commerce mondial. Reste à voir si ce pari audacieux portera ses fruits, mais une chose est sûre : Sabi redéfinit ce que signifie être une startup africaine en 2025.
