Imaginez un monde où une application d’intelligence artificielle promet de vous faire réussir n’importe quel entretien ou examen, sans que personne ne s’en aperçoive. C’est la promesse audacieuse de Cluely, une startup qui a enflammé les débats en ligne avec son outil de triche « indétectable ». Mais alors que certains y voient une révolution, d’autres startups ripostent avec des technologies conçues pour démasquer les utilisateurs de Cluely. Ce bras de fer technologique soulève une question brûlante : jusqu’où l’IA peut-elle redéfinir les frontières de l’éthique ?

Cluely : l’IA qui défie les règles

Cluely, fondée par deux jeunes entrepreneurs ayant abandonné leurs études à l’université de Columbia, a fait irruption sur la scène tech avec un concept provocateur : un logiciel d’intelligence artificielle qui opère via une fenêtre de navigateur cachée, offrant des réponses en temps réel lors d’entretiens, d’examens ou même de réunions professionnelles. L’outil, initialement conçu pour contourner les tests de codage comme LeetCode, a rapidement élargi ses ambitions, se vantant de pouvoir « tricher sur tout ».

Nous voulons tricher sur tout : entretiens, examens, appels commerciaux, réunions. S’il y a un moyen plus rapide de gagner, nous le prenons.

Manifeste initial de Cl

Cette approche radicale a propulsé Cluely sous les feux des projecteurs, mais pas sans controverses. La startup a levé 5,3 millions de dollars auprès de fonds comme Abstract Ventures et Susa Ventures, et revendique un chiffre d’affaires annuel de 3 millions de dollars. Pourtant, son modèle commercial a suscité un tollé, poussant l’entreprise à recentrer son discours. Exit les références explicites aux examens et entretiens ; Cluely se positionne désormais comme un outil d’optimisation pour les appels commerciaux et les réunions.

Une riposte immédiate : Validia et Proctaroo entrent en scène

Face à l’ascension fulgurante de Cluely, des startups n’ont pas tardé à réagir. Parmi elles, Validia, basée à San Francisco, a lancé Truely, un logiciel gratuit qui promet de détecter l’utilisation de Cluely en déclenchant une alarme dès que l’outil est actif. De son côté, Proctaroo, une entreprise du Rhode Island, affirme que sa plateforme peut repérer les processus cachés, y compris ceux de Cluely, lorsqu’une session de surveillance est en cours.

Lorsqu’une session Proctaroo est active, nous voyons les applications en cours et les processus cachés. Cluely n’est pas différent.

Adrian Aamodt, PDG de Proctaroo

Ces outils s’appuient sur des technologies avancées pour analyser les applications en arrière-plan et identifier les comportements suspects. Validia, par exemple, propose une application légère que les candidats téléchargent avant un entretien, capable d’envoyer des alertes en temps réel aux recruteurs. Proctaroo, quant à lui, mise sur une surveillance approfondie des processus informatiques, une approche qui rappelle les systèmes anti-triche des jeux vidéo.

Un duel technologique aux enjeux éthiques

Ce affrontement entre Cluely et ses adversaires n’est pas qu’une question de technologie ; il touche à des problématiques éthiques fondamentales. D’un côté, Cluely compare son outil à des innovations autrefois controversées, comme la calculatrice ou le correcteur orthographique, arguant que l’IA n’est qu’une étape logique dans l’évolution des outils d’aide à la performance. De l’autre, des critiques, comme le PDG de Proctaroo, qualifient le modèle de Cluely d’« non éthique », accusant l’entreprise de saper la confiance dans les processus académiques et professionnels.

Pour mieux comprendre les positions en jeu, examinons les arguments des deux camps :

  • Cluely : L’IA est une extension naturelle des capacités humaines. En facilitant l’accès à l’information en temps réel, elle démocratise les opportunités et remet en question des systèmes d’évaluation obsolètes.
  • Validia et Proctaroo : Permettre la triche via l’IA érode la méritocratie et compromet l’intégrité des institutions. Leurs outils visent à protéger l’équité dans les processus de sélection.

Cette tension reflète un débat plus large sur l’éthique de l’IA. À mesure que les technologies deviennent plus sophistiquées, les frontières entre assistance légitime et tricherie s’estompent, obligeant les entreprises et les institutions à redéfinir leurs cadres réglementaires.

Cluely contre-attaque : vers des solutions matérielles ?

Face à la montée des outils de détection, Cluely ne compte pas rester les bras croisés. Son PDG, Chungin « Roy » Lee, a surpris la communauté tech en annonçant des projets ambitieux : développer des solutions matérielles pour contourner les logiciels anti-triche. Parmi les idées évoquées, des lunettes intelligentes, des superpositions d’écran transparentes, ou même… des puces cérébrales.

Que ce soit des lunettes intelligentes, un écran transparent ou une puce cérébrale, nous irons là où la technologie nous mènera.

Chungin « Roy » Lee, PDG de Cluely

Ces déclarations, bien que provocatrices, soulèvent des doutes. Lee affirme que passer au matériel est « technologiquement trivial », mais l’histoire regorge d’échecs retentissants dans le domaine du matériel IA, comme l’AI Pin de Humane. Les défis techniques et réglementaires d’une puce cérébrale, par exemple, sont colossaux, sans parler des implications éthiques d’une telle innovation.

Pour illustrer les ambitions de Cluely et les obstacles potentiels, voici un tableau comparatif :

SolutionAvantagesDéfis
Lunettes intelligentesDiscrètes, faciles à intégrerDétection visuelle possible
Puce cérébraleIndétectable, intégration directeComplexité technique, éthique
Logiciel actuelAccessible, évolutifVulnérable aux anti-triches

Si Cluely parvient à concrétiser ne serait-ce qu’une de ces idées, elle pourrait redéfinir non seulement la triche, mais aussi la manière dont nous interagissons avec l’IA. Mais pour l’instant, ces projets restent spéculatifs.

Un impact réel sur le discours de Cluely

La pression exercée par les startups anti-triche semble avoir un effet tangible sur Cluely. L’entreprise a récemment modifié son site web et son manifeste, supprimant toute mention explicite de triche dans les examens ou les entretiens d’embauche. Désormais, Cluely se présente comme un outil pour « optimiser » les performances dans des contextes moins controversés, comme les réunions professionnelles.

Ce changement de ton reflète une stratégie d’adaptation. En recentrant son discours sur des applications perçues comme plus légitimes, Cluely cherche à élargir son marché tout en désamorçant les critiques. Mais cette pivotation soulève une question : l’entreprise peut-elle vraiment se distancier de son image de « tricheur » tout en conservant son attrait pour ses utilisateurs actuels ?

Les implications pour l’avenir de l’IA

L’émergence de Cluely et des startups qui lui résistent met en lumière une réalité incontournable : l’IA redéfinit les normes éthiques et pratiques à une vitesse fulgurante. Ce conflit technologique n’est que le début d’une course plus vaste, où les innovateurs et les gardiens de l’intégrité s’affronteront pour façonner l’avenir.

Pour les institutions, qu’il s’agisse d’universités ou d’entreprises, l’enjeu est de taille. Comment adapter les processus d’évaluation à une ère où l’IA peut fournir des réponses instantanées ? Certains experts suggèrent de repenser les méthodes d’évaluation, en privilégiant des approches plus humaines, comme les projets pratiques ou les entretiens axés sur la créativité.

Pour les utilisateurs, le dilemme est tout aussi complexe. Utiliser un outil comme Cluely peut offrir un avantage à court terme, mais à quel coût ? Les risques juridiques, notamment en matière de confidentialité des données, sont réels, tout comme les conséquences potentielles d’être démasqué.

Un équilibre délicat à trouver

Le bras de fer entre Cluely, Validia et Proctaroo illustre un paradoxe fascinant : l’IA est à la fois une force d’innovation et une source de disruption éthique. Alors que Cluely pousse les limites de ce qui est techniquement possible, ses adversaires rappellent l’importance de préserver l’équité et la confiance.

À mesure que cette bataille évolue, une chose est certaine : elle obligera les acteurs de la tech, des régulateurs aux utilisateurs, à réfléchir profondément à la place de l’IA dans notre société. Cluely est-il un pionnier visionnaire ou un provocateur dangereux ? La réponse, peut-être, dépendra de la manière dont nous choisirons de façonner l’avenir de la technologie.

Et vous, que pensez-vous de cet affrontement ? L’IA doit-elle être libre de repousser toutes les limites, ou faut-il des garde-fous pour protéger l’intégrité ? Une chose est sûre : cette guerre technologique ne fait que commencer.

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Steven Soarez
Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.