Imaginez-vous dans un monde où vos publications en ligne disparaissent du jour au lendemain, non pas à cause d’une erreur, mais parce qu’un gouvernement l’a décidé. C’est la réalité à laquelle sont confrontés certains utilisateurs de Bluesky en Turquie depuis avril 2025. Cette plateforme sociale, souvent perçue comme une alternative libre à X, a récemment cédé aux pressions des autorités turques, bloquant 72 comptes pour des raisons de « sécurité nationale ». Mais une lueur d’espoir persiste : les applications tierces, grâce à la structure décentralisée de Bluesky, permettent encore de contourner ces restrictions. Comment ces startups technologiques redéfinissent-elles les règles du jeu face à la censure ? Plongeons dans cette révolution numérique.
Bluesky : Une Promesse de Liberté à l’Épreuve
Bluesky s’est imposé comme un refuge pour ceux qui cherchent à échapper à la censure et à la surveillance des grandes plateformes. Lancée avec la promesse d’un réseau social décentralisé, elle repose sur le protocole AT, une technologie qui permet une plus grande flexibilité dans la gestion des données et de la modération. Cependant, la décision de bloquer des comptes en Turquie a ébranlé la confiance de certains utilisateurs. Pourquoi une plateforme prônant l’ouverture a-t-elle cédé ? Et surtout, comment les startups exploitant ce même protocole offrent-elles une alternative ?
La Censure en Turquie : Un Cas d’École
En avril 2025, les autorités turques ont exigé que Bluesky restreigne l’accès à 72 comptes, dont 59 pour des motifs de sécurité nationale et 13 pour d’autres raisons non précisées. Ces comptes, ainsi qu’au moins un post, sont désormais invisibles pour les utilisateurs situés en Turquie. Cette mesure n’est pas nouvelle : le gouvernement turc a une longue histoire de contrôle des réseaux sociaux, ayant déjà poussé X à des restrictions similaires. Mais pour les utilisateurs ayant migré vers Bluesky dans l’espoir d’une plus grande liberté, cette décision a été un choc.
Bluesky devait être un espace de liberté, mais la censure nous rattrape même ici.
Un utilisateur turc anonyme
Ce revirement soulève une question cruciale : une plateforme peut-elle rester fidèle à ses idéaux de décentralisation tout en opérant dans des contextes réglementaires stricts ? La réponse réside dans la structure même de Bluesky et dans l’écosystème des applications qui gravitent autour d’elle.
Le Protocole AT : Une Arme à Double Tranchant
Le protocole AT est au cœur de l’architecture de Bluesky. Contrairement à X, où la modération est centralisée, ce protocole permet à différents acteurs – des développeurs indépendants aux grandes entreprises – de créer leurs propres interfaces et règles de modération. Cela signifie que les restrictions imposées par Bluesky, comme l’utilisation de labelers géographiques, ne s’appliquent pas nécessairement aux applications tierces. Ces dernières, telles que Skeets, Ouranos ou Deer.social, offrent actuellement une échappatoire à la censure turque.
Concrètement, les comptes bloqués ne sont pas supprimés de l’infrastructure de Bluesky (comme les relais ou les serveurs de données personnelles). Ils sont simplement masqués par les labelers géographiques au niveau de l’application officielle. Les apps tierces, en n’intégrant pas ces labelers, permettent aux utilisateurs d’accéder librement au contenu censuré.
- Flexibilité : Les utilisateurs peuvent choisir des applications qui correspondent à leurs valeurs.
- Autonomie : Les développeurs d’apps tierces contrôlent leurs propres règles de modération.
- Évasion : Les restrictions géographiques deviennent contournables, du moins temporairement.
Cette particularité fait de Bluesky un terrain fertile pour l’innovation, mais aussi un espace vulnérable aux pressions externes. Les startups qui développent ces applications tierces jouent un rôle clé dans la préservation de la liberté d’expression.
Les Startups à la Rescousse : L’Exemple de Deer.social
Parmi les acteurs qui se distinguent, Deer.social, une application développée par Aviva Ruben, incarne l’esprit d’innovation face à la censure. Contrairement à l’application officielle de Bluesky, Deer.social permet aux utilisateurs de désactiver complètement le service de modération officiel et de choisir des labelers alternatifs. Mieux encore, elle offre une option pour configurer manuellement sa localisation, évitant ainsi les blocs basés sur la géolocalisation.
Nous devons offrir aux utilisateurs le contrôle total de leur expérience numérique.
Aviva Ruben, développeuse de Deer.social
Cette approche illustre comment les startups peuvent transformer une contrainte en opportunité. En proposant des solutions créatives, elles ne se contentent pas de contourner la censure : elles redéfinissent la manière dont les utilisateurs interagissent avec les réseaux sociaux.
Application | Fonctionnalité Anti-Censure | Statut |
Bluesky Officiel | Aucune (utilise labelers géographiques) | Censure active |
Deer.social | Désactivation des labelers, localisation manuelle | Contournement possible |
Skeets | Non-utilisation des labelers géographiques | Contournement possible |
Ces initiatives montrent que les startups ne sont pas seulement des acteurs technologiques, mais aussi des défenseurs potentiels de la liberté numérique. Cependant, leur impact reste limité par leur taille et leur visibilité.
Les Limites du Contournement : Une Solution Temporaire ?
Si les applications tierces offrent une bouffée d’air frais, leur efficacité pourrait être de courte durée. La plupart de ces apps n’évitent la censure que parce qu’elles n’ont pas encore attiré l’attention des autorités. Leur petite base d’utilisateurs les rend moins prioritaires pour les gouvernements, mais cela pourrait changer si leur popularité croît.
De plus, intégrer des labelers géographiques représente un travail supplémentaire pour les développeurs, qui préfèrent souvent se concentrer sur d’autres fonctionnalités. Certains, interrogés par des médias, ont même déclaré qu’ils n’ajouteraient ces labelers que sous la menace d’un retrait de l’App Store par Apple. Cette attitude pragmatique, bien que compréhensible, souligne la fragilité de cette résistance.
Un autre défi réside dans la scalabilité. Si une app comme Deer.social devenait trop populaire, elle pourrait attirer les foudres des autorités turques, voire d’autres gouvernements. La question se pose alors : les startups ont-elles les ressources pour résister à de telles pressions ?
Vers un Futur Incertain : Les Enjeux Globaux
La situation en Turquie n’est qu’un avant-goût des défis auxquels Bluesky et ses applications tierces pourraient être confrontés. À mesure que les gouvernements, y compris dans des démocraties comme les États-Unis, intensifient leur surveillance des réseaux sociaux, les plateformes décentralisées devront trouver un équilibre entre conformité et liberté.
Pour les startups, cela représente à la fois une menace et une opportunité. D’un côté, elles risquent de devoir se plier aux mêmes contraintes que les géants technologiques. De l’autre, leur agilité et leur capacité à innover pourraient leur permettre de proposer des solutions inédites, comme des interfaces sans géolocalisation ou des systèmes de modération communautaire.
- Conformité : Les startups devront naviguer entre lois locales et valeurs d’ouverture.
- Innovation : Les solutions techniques, comme les labelers personnalisés, seront cruciales.
- Communauté : Engager les utilisateurs dans la gouvernance renforcera la résilience.
À long terme, l’avenir de Bluesky et de ses applications tierces dépendra de leur capacité à rester fidèles à leur vision tout en s’adaptant à un paysage réglementaire complexe. Les startups, avec leur créativité et leur proximité avec les utilisateurs, sont idéalement positionnées pour relever ce défi.
Conclusion : Les Startups, Pionnières de la Liberté Numérique
La censure sur Bluesky en Turquie a révélé les tensions inhérentes à la gestion d’une plateforme décentralisée dans un monde où les gouvernements cherchent à contrôler l’information. Mais elle a aussi mis en lumière le rôle crucial des startups technologiques. En exploitant le protocole AT, des applications comme Deer.social montrent qu’il est possible de résister, même temporairement, à la censure. Leur agilité et leur créativité pourraient redéfinir les réseaux sociaux de demain.
Pour les utilisateurs, le message est clair : dans un monde numérique en constante évolution, le choix des outils et des plateformes devient un acte de résistance. Et pour les startups, l’enjeu est de taille : continuer à innover pour préserver un internet libre, tout en jonglant avec les pressions politiques et économiques. Le combat ne fait que commencer.